Roy répandoit fur lui, étoit сс d'avoir été choisi pour leur « Vaivode: qu'il les eftimoit com- « me les plus braves & les plus zélez fujets du Royaume ; qu'eux feuls en avoient foûtenu la gloire avec plus de courage & « de defintereffement que toutes « les autres Provinces enfemble: « que loin de les gouverner avec « autorité, il vouloit fe fervir de leurs confeils dans le Gouver- « nement qu'il prétendoit trai- « ter avec tant de grands & braves. Seigneurs de leur Provin- « ce, dont il connoiffoit le me- « rite, non comme leur Commandant mais comme leur « ami, & que dans toutes les oc- « cafions fes fentimens leur paroîtroient naturels & finceres. Les Tranfilvains furent fi fenfi bles à fes affurances, ils s'eftimerent fi honorez d'avoir ce' grand homme pour Vaivode; ils

le connoiffoient fi prudent & fi effectif, qu'ils révoquerent leur déliberation, rentrerent fous l'obéiffance du Roy Jean, & fe déclarerent contre Ferdinand.

A l'egard de Soliman, Martinufius ménagea le Divan avec le même fuccès. Il femble que la Providence agiffoit en fa faveur; car dans ce même temps il arriva des révolutions à la Porte dont il fçût bien profiter non feulement il calma le reffentiment du Sultan, mais il lui fit approuver la punition de Griti & la défaite de fes troupes, comme un fervice important rendu àSa Hauteffe: voici comment.

Hibrahim grand Vifir, Favori de Soliman, avoit rendu fa fidelité fufpecte. Avec toute l'autorité & toute la faveur il avoit amaffé des richeffes immenfes; il s'étoit fait des creatures dans l'Empire, & de grands amis au

dehors; il n'afpiroit pas à moins qu'à la puiffance abfolue: Soliman en fut informé, on lui remit des inftructions & des lettres de la propre main du Vifir, qui juftifioient fes menées & fes intelligences: Soliman offenfé par l'endroit le plus fenfible, le fit venir au Serail; il l'interrogea lui-même, & lui produifit ces actes, que le Vifir ne put defavouer cet Empereur le fit arrêter dans le même lieu & punir comme fon attentat le meritoit, & fit la même juftice de tous fes complices. Mais on ne doit pas oublier un fcrupule de Soliman, levé par une décifion du Mufti, digne de la morale de l'Alcoran. Comme ce Prince fe piquoit d'être fort religieux à fa parole, entre les marques d'amitié qu'il avoit donné à fon Favori, il lui avoit juré que pendant fa vie, pour quelque fujet que ce fût, il

ne le condamneroit point à mort; cependant fa conjuration meritant cette peine, le Mufti, pour mettre en repos la confcience de ce Prince, lui fit entendre qu'un homme plongé dans le fommeil n'étoit pas compté au nombre des vivans, le fommeil étant une maniere de mort, qu'ainfi , pour ne pas violer fon ferment, il devoit ordonner, qu'on executât Hibrahim, quand on fe feroit apperçu que Sa Hauteffe feroit profondement endormie. Ce qui fut ainfi fait. Hibrahim. eut la gorge coupée avec un couteau recourbé queSoliman donna lui-même pour cette execution.. Martinufius profita de cette conjoncture, il écrivit au Divan au nom du Roy, pour marquer le chagrin de ce Prince fur la mort précipitée & la défaite-des. troupes de Louis› Griti: qu'il auroit fouhaitté qu'on l'eut feu

Tement arrêté pour être envoyé à Conftantinople,& remis à la juftice de la Hauteffe, mais qu'elle avoit été faite par une populace irritée, avant même qu'il eut apris les nouvelles de ce qui s'étoit paffé:queGriti étoit entré en Tranfilvanie, non comme l'Envoyé d'un. figrandEmpereur,mais comme un ennemi furieux:qu'il avoit ramaffé un grand nombre de fcelerats, pour executer fes mauvais deffeins qu'Emeric Cibaco, confiderable par fa naissance, fon merite & fon caractere, allant par honneur au devant de lui, avoit été fa premiere victime.. Qu'enfuite de cet affaffinat, il: avoit donné au pillage fes équipages que fon intention étoit de s'emparer de la Tranfilvanie,, pour feconder les ambitieux deffeins du Vifir Hibrahim fon ami intime, avec lequel il agiffoit de concert, pour fe rendre indé