Imágenes de páginas
PDF
EPUB

dir à quelque prix que ce foit. Ce fut ce que Soliman, fin politique, voulut lui faire fentir, par fa réponse imperieufe, après une fi gracieuse reception de fes Ambaffadeurs: car c'eft une maxime chez les Turcs, que lorfque le cheval, que monte leGrand Seigneur, a mis le pied dans un Royaume, c'eft un acte de poffeffion, tout le domaine lui en appartient, le Souverain & fes peuples font cenfez ses Vaffaux. Ce fut dans l'efprit de cette politique que l'Empereur Turc donna fa main à baifer à ces Ambaffadeurs > comme pour recevoir l'hommage de leur Prince; & quand il marqua être content de leurs prefens, fans leur en faire aucun de fa part, c'eft qu'il ne les reçût pas comme une marque honorable de l'amitié d'un grand Prince, mais comme un droit qui étoit dû à fa Souve

[ocr errors]

raineté. Nous verrons dans la fuite quel fut le reffentiment que l'Empereur Charles & Ferdinand fon frere; firent paroître pour tirer raison de ce traitement injurieux Cependant Soliman ayant ainfi dépêché ces Ambassadeurs, laiffa un Beiglerbei à Bude avec une forte garnifon, & retourna victorieux à Conftantinople.

Pendant ce temps, la Reine Elifabeth continuoit fa route pour fe rendre en Tranfilvanie. Quelque foin que prit le Regent pour lui adoucir la fatigue du voyage, elle eut befoin d'un grand courage pour la foûtenir; elle trouva des chemins rudes & difficiles, fouvent obligée de se fervir de bœufs, pour tirer fon caroffe, faute de chevaux; couchant toûjours fous des tentes à fa campagne, & n'entrant point dans les villes pour fe repofer,

afin de ne donner aucun ombra

ge aux Turcs de fon escorte, qui pourtant, par refpect pour fa perfonne & celle du Roy, campoient toujours loin de fa tente, faisant une garde fort exacte : la pefte même attaqua fon équipage; enfin elle arriva à Lipe, forte place duComté de Temesvard, à l'entrée de la Tranfilvanie. Mais loin de trouver le repos qu'elle devoit fe promettre, elle tomba dans de nouvelles inquiétudes dont elle n'auroit pû fe délivrer fans le crédit & l'habileté du Régent. Mais avant que d'entrer dans ce détail, nous devons donner une idée de la Tranfilvanie, qui va être le champ des évenemens les plus remarquables de cette Hiftoire.

Cette Province, qu'on peut justement qualifier de Royaume, a la Moldavie au Levant, la Hongric au Couchant, la Valaquie

au Midi, & au Septentrion la Pologne; fa plaine dans fa longueur, comme dans fa largeur, a quatre grandes journées de chemin; elle eft environnée de montagnes, couvertes de hautes forêts, remplies de cerfs, de dains, de Buffles, de chevaux fauvages & d'autres bêtes fauyes. Ces montagnes renferment des mines abondantes en or, en argent & autres métaux, fur tout de fel, qui font d'un revenu immense, en fourniffant les Royaunes voifins. Elle est arroféé par de belles rivieres qui portent batteau, entr'autres le Merisk qui la traverfe par le milieu, couduifant fon cours du Midi au Septentrion: la riviere d'Alaut arofe la partie qui eft au Levant, le Saïo & le Kérez, celle qui eft au Couchant. Ces rivieres, groffies par un grand nombre de moindres, vont fe jetter dans le

Danube, du côté de la haute Hongrie outre qu'il n'y en a point de plus poiffonneufes, elles entraînent avec leurs fables une grande quantité de grains d'or pur, dont on en trouve *felon de bons Historiens, de pcfans jufqu'à demi livre. Cette Province eft habitée par trois peuples differens; par les Saxons, qui après plufieurs victoires remportées fur eux, par eux, par Charlemagne, forcez de quitter leur païs, vinrent s'établir dans cette contrée & en chafferent les habitans naturels qui fe retirérent dans les montagnes où ils s'établirent & les habitent encore aujourd'hui on les appelle Sekels, ou Sicules. Dans une autre partie font.ceux de Raënftat, autrefois fortis de Trace, pour habiter cette riche & délicieufe contrée. La Province est * Bontinius.

,

« AnteriorContinuar »