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LIVRE SECOND. ·

A

U Printemps fuivant Soli- -129.

man fe mit en marche avec une armée de cent cinquante mille hommes. Auffi-tôt le Roy Jean en donna avis à l'Abbé George, qui ne manqua pas de faire valoir fes intelligences, il les avoit fi bien concertées que ce Prince en fut furpris. En peu de jours il vit un grand nombre de Seigneurs & de Notables du Royaume qui fe rendirent auprès de fa perfonne pour recevoir fes commandemens. Mais cette Cour fut fuivie des plus braves de la Nobleffe, qui avoient levé & conduit des troupes d'élite, marchant la nuit par des chemins détournez, au travers des forêts & des montagnes, pour n'être pas découverts

par les troupes que Ferdinand tenoit dans les places fur les frontieres de Pologne, pour fermer à Jean l'entrée de la Hongrie, & le combattre en cas que ce Prince voulût l'entreprendre: Ces troupes fe rendirent à point nommé au rendez-vous que l'Abbé George leur avoit marqué. Pour lors le Roy fut pleinement convaincu que George étoit également habile pour le confeil & pour l'execution, & dans la fuite il fut l'ame des affaires.

Cependant ces mouvemens ne pûrent fe faire fi fecretement que le bruit n'en vint aux oreilles des Generaux de Ferdinand. Etienne Ravaio General de fa Cavalerie, & Thomas Liteftan de fon Infanterie, fe mettent en campagne, pour diffiper cette troupe. Ils s'étoient imaginez que ce n'étoit que des gens ramaffez dans les bois & dans les monta

gnes, mal armez & mal difciplinez, & qui tout au plus ne pouvoient être que trois à quatre mille.Le Roy Jean avoit donné le commandement de fa Cavalerie au Capitaine Gotardo, dont il connoiffoit l'experience & la valeur, & celui de fon Infanterie à Simon, dit le Lettré, Athenien de nation, également recommandable par fon fçavoir & par fon courage. Ces deux Generaux mirent leur armée en bataille, & la trouvant de bonne volonté, ils jugerent à propos d'aller au devant des ennemis; ils informerent le Roy de leur réfolution, qui en confera avec l'Abbé, & comme l'un & l'autre avoient le cœur grand, ils loüerent le deffein de ces Commandans. Ils fe mirent aufsi-tôt en marche & rencontrerent l'armée ennemie près de Caffovie, & quoique fort fuperieure, ils

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la chargerent avec tant de promptitude & de valeur qu'ils la rompirent du premier choc, font main baffe & paffent fur le ventre à tout ce qui resiste ; la Cavalerie ennemie 'abandonne fes chevaux, & l'Infanterie fes armes pour se fauver plus facilement au travers des bois & des rivieres, & ces fuyards vont porter la terreur à Caffovie, à Efperies, & dans tous les autres lieux où ils purent fe refugier à demi

morts.

Les deux Generaux victorieux maîtres des étendars, du canon, des armes & des bagages des ennemis, portent au Roy cestrophées de leur victoire, qu'il reçut comme un heureux augure de fon retabliffement. Ce Prince Religieux alla, fur le champ, en rendre graces à Dieu dans la grande Eglife de Tarnove, où il fit conftruire une Chapelle ma

gnifique, en memoire de fon exil & de fa victoire. Il embraffa fon ami & fon hôte Tarnoviski, avec tous les témoignages poffibles d'eftime & dereconnoiffance; il marqua à l'Abbé George, qu'après la protection du Ciel, c'étoit à fes fages négociations qu'il devoit de fi heureux commencemens mais que fi Dieu permettoit qu'il remontât fur fon Trône, il lui donneroit toute fa confiance & ne se

conduiroit que par fes confeils. Enfuite ce Roy à la tête de fon armée victorieuse, se rendit à Lipe pour attendre l'arrivée de Solinan, Là le concours des Grands & des peuples, qui vin-) rent le feliciter de fa victoire ? & marcher fous fes enfeignes, lui firent fentir le plaifir de connoître que fi Ferdinand occupoit les principales places de fon Royaume, il avoit l'avantage de

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