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lement il fit entrer de nouvelles troupes dans la place, mais même des vivres conduits la nuit avec autant de filence que de précaution. Le Roy le voyant preffé, envoya aux Bachas du voifinage de venir à son secours, mais en l'attendant les affiégez ne demeuroient pas en repos, par leurs fréquentes forties, jour & nuit, ils caufoient de grands dommages aux ennemis, & favorifoient l'entrée des vivres. Enfin Rocandolph perdant efperance de réduire la place, ni par la force, ni par la faim, l'hyver commençant à fe faire fentir; informé de l'approche des Turcs, il leva le fiége & ramena fon armée en Autriche.

Quelques jours après fon départ, Mehemet Bacha de Bellegrade arriva devant Bude avec une bonne armée, le Roy envoya le remercier, lui ft de

grands préfens, & l'affura de bien faire valoir auprès de Soliman, fon activité & fon zele. Le Bacha reçût agréablement les complimens du Roy, mais il ne put fe réfoudre à retourner fur fes pas fans quelque expedition, qui fit repentir Ferdinand de la témerité de fon entreprife. Il fait paffer fon armée de l'autre côté du Danube, fait de grands détachemens dans tout le païs qui obéiffoit à Ferdinand, & tout y fut mis à feu & au pillage fans aucune réfistance; le ravage fut

grand, que cette malheureufe contrée conferve encore les triftes marques de cette irruption. Les détachemens revinrent chargez de dépouilles, conduifans dix mille efclaves; le Roy ne put voir, des fenêtres de fon Palais, ce grand nombre de malheureux, fans verfer des larmes; il prit à témoin le Ciel &

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la terre qu'il en étoit innocent & que le fort déplorable de tant de peuple devoit être attribué à l'ambition aveugle de Charles & de Ferdinand d'Autriche.

Le Royaume commençant à refpirer, le Miniftre reprit en main les affaires. Comme les finances font les nerfs & la force d'un Etat, & qu'elles regardoient directement fon emploi, fon premier foin fut de les rétablir. Quoiqu'il trouvât les coffres de la Couronne vuides & le pu

blic hors d'état de foûtenir de grands impôts par les malheurs & les ravages des guerres, cependant il régla les fubfides avec tant de difcretion, il prit des mefures fi juftes & fi défintereffées pour les faire lever, que l'on vit le Tréfor Royal bien entretenu & le peuple soulagé; auffi, ce qui eft rare, avec la confiance de fon Roy, if mérita l'a

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mour des peuples ; l'attachement qu'ils eurent pour fa perfonne par la douceur de fon administration, fut dans la fuite un des grands motifs de l'envie quand elle l'attaqua. Heureux avantage & gloricux privilege ? que peu de Miniftres ont merité dans un emploi pareil, fut tout pendant leur vie.

Après avoir réglé les finances, il fit remplir les charges; comme il avoit un grand difcernement pour connoître le caractere & la portée des sujets, la brigue, la faveur, ni même les alliances, n'eurent jamais le pouvoir de le corrompre. Le merite feul l'emportoit chez lui, & on n'a pû lui reprocher d'avoir avancé perfonne par d'autre confidération que le fervice du Roy & le bien de l'Etat. C'est ce qui Iui attacha des amis folides & effectifs, & lui fit des ennemis

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parmi les Grands qui s'en croyoient méprifez, parce que fouvent il étoit obligé de leur préferer, dans les emplois & dans les graces, des fujets d'un moindre rang, mais d'une plus grande capacité. Après ces fages difpofitions au dedans, il fongea à la fureté du Royaume pour le dehors; il fit entendre au Roy qu'il étoit de fa gloire d'entretenir un nombre de troupes bien difciplinées, commandées par des Officiers braves & fidéles, avec des appointemens bien payez : à quor il fut fi attentif, que le Roy qui fit la guerre à Ferdinand toute fa vie › remporta toûjours de grands avantages, fans aucune perte, qui ne fut auf-tôt réparée. Ce qui juftifie bien que la gloire des Rois, & le bonheur des peuples font ordinairement des effets de l'experience & de

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