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en Hongrie, y avoit laiffé ce Louis Griti, comme fon Réfident, avec ordre de lui donner avis de tout ce qui fe pafferoit. Ferdinand defefperant de chaffer le Roy Jean de la Hongrie par la force des armes s'avifa d'employer les négociations; il propofa un accommodement qui put lui être avantageux dans les fuites, & lui épargner les dépenfes d'une guerre ruincufe. Griti ne manqua pas d'en donner avis à la Porte, il fut rappellé à Constantinople, & renvoyé prefque auffi-tôt qu'il y fut arrivé, avec de nouvelles inftructions. Il arriva en Valaquie avec un corps de Cavalerie & de Janiffaires, auquel il joignit en chemin des Compagnies d'Italiens & deHongrois, jufqu'à fept mille hommes. Si bien accompagné, il fe rendit à l'entrée de la Tranfilvanie, méditant de grands desseins:

Il envoya publier dans la Province, qu'on cut à le reconnoître comme Lieutenant du Grand Soliman & Juge fouverain de toutes les affaires generales & particulieres.

Emeric Cibaco Evêque de Varadin, étoit Vaivode de Tranfilvanie, comme nous l'avons vû. C'étoit un Seigneur recommandable par fa naiffance, fon mérite & fa fidelité. Etant informé de la commiffion extraordinaire de Griti, & de fon entrée dans fon Gouvernement, il ne jugea pas à propos de paroître emprefLe pour le recevoir, n'étant pas fatisfait de ces hauteurs, ni de ces entreprises, contraires à l'autorité Royale. Cependant il ne laiffa pas de faire quelques lieuës pour aller au devant de ce prétendu Lieutenant General. Il étoit accompagné de quelque Cavalerie, mais de beaucoup de Nobleffe,

Nobleffe. Griti affecta de paroître offenfé que ce Gouverneur n'eût pas avancé jufqu'à la frontiere pour le recevoir, il prétendit qu'il avoit méprifé fon caractere par cette négligence, & il en marqua un grand reffentiment. Parmi les Capitaines qui commandoient fes troupes, étoit un nommé Jean Doce, homme emporté, qui gardoit fur le cœur un affront qu'il prétendoit avoir reçû du Vaivode, dans un occafion où ce Seigneur l'avoit frappé. Cet homme vindicatif, s'offrit à Griti pour aller punir cé Gouverneur de fon manque de refpect. Griti loua fon zele & l'encouragea à l'execution. Doce part la nuit avec une bonné ef corte, & ayant bien reconnu le lieu où le Vaivode étoit campé, fans défiance il avoit fait

& que mettre fatente fous quelques arbres à cause de la chaleur, qu'il

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fe

étoit fans gardos, ayant permis à ceux qui l'accompagnoient de fe mettre à leur aife où bon leur fembleroit. Doce furieux entre dans fa tente, le trouve endormi, n'ayant auprès de fa perfonne que quelques domeftiques, trop foibles pour le défendre il Jette fur lui, & fans égard pour fon caractere, lui fépare la tête du corps, abandonne aux Turcs le pillage de fes équipages,& porte en triomphe à Griti la tête de ce Prélat venerable, pour joüir enfemble, l'un du plaifir de la • vengeance, & l'autre de l'efperance de fatisfaire fon ambition. Car Griti n'afpiroit pas à moins que de fe rendre maître de la Tranfilvanie: deffein qu'il avoit concerté avec le grand Vifir fon ami.

Dès

que l'affaffinat du Vaivode fut publié, toute la Province mit en mouvement, la No

bleffe monte à cheval, le peuple prend les armes contre Griti, les Villes lui ferment les portes, le Roy & le Miniftre les animent à la vengeance. Griti, preffé de toutes parts, fe retrancha fur une hauteur près la ville de Megest, où il ne put être forcé; mais ayant été bloqué étroitement, les vivres lui manquerent, il tenta de fe fauver par la fuite; mais quelques mefures qu'il eut pris pour la ménager, il fut arrêté, conduit au milieu de l'armée de la Province, où ayant été interrogé & convaincu, il fut condamné à être décapité, ce qui fut executé fur le champ. On trouva fur lui pour quarante mille ducats en pierreries; il en étoit bon connoiffeur, ce qui lui avoit facilité l'accès auprès de Soli-man. Enfuite on fit main baffe fur fes troupes, comme fur des affaffins & des voleurs. Le Capi

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