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III.

PRINCIPE

DE LA POLITIQUE DES CHINOIS.

nois.

Leurs

po

LA POLITIQUE des Chinois eft particuliére- L'amour des Peres pour ment fondée sur l'amour réciproque des Péres & Enfans eft le fondes Enfans. Ils ont fait du premier sentiment de la dement de la nature, le premier principe de leur politique : l'Em- litique des Chipereur eft apellé le Pere de tout l'Empire, & le Mandarin eft le Pére de la Ville qu'il gouverne. Je regarde, dit l'Empereur TAICUM, mon Empire Paroles remarcomme un Pére fa famille, & j'embraffe de cœur tous mes Sujets comme de tendres Enfans à qui j'aurois donné le jour.

fes

Cette idée de Pére s'eft tellement imprimée dans l'efprit de cette Nation, qu'on ne loue presque jamais l'Empereur que de l'afection qu'il a pour Sujets. Le tour ordinaire des éloges qui lui font adreffés, est une allufion de ses actions à celles d'un bon Pére de famille. Outre la paye que l'Empe+ reur donne à tous les Oficiers de fa Cour, il leur fait diftribuer tous les jours une certaine quantité de vivres & de toutes fortes de munitions; il en use à leur égard comme un Pére qui nourrit sa famille. Les Mandarins s'affemblent deux fois par mois en cérémonie dans un lieu où l'on lit une

ample instruction pour le Peuple cette pratique eft ordonnée par un ftatut de l'Empire; le Gouverneur fait en cela l'ofice d'un Pére qui instruit fa famille.

quables d'unEm

pereur.

Les Docteurs & Philosophes Chinois répétent Le gouverne

d'un Empire.

bien

Se

les autres.

ment d'une famil- continuellement dans leurs livres que le Gouverle doit fervir de modele a celui nement d'une famille doit fervir de modéle à celui d'un Etat. Les anciens Empereurs', dit Confucius, pour aprendre à bien gouverner l'Empire s'étudioient à bien gouverner une Province; pour bien gouverner une Province ils s'apliquoient au bon réglement de leur famille, afin qu'elle pût fervir de modéle à toutes les autres ; ce qu'ils faigouverner foient en prenant un foin extraordinaire de leur foi-même pour gouverner propre perfonne, afin d'être eux-mêmes un exemple de vertu à tous leurs Courtisans, & à tous leurs domeftiques : car enfin, ajoute-t'il, celui qui ne fçait point se gouverner eft encore moins capable de gouverner fa famille, & qui ne peut gouverner fa famille ne pourra gouverner un Royaume. Les membres d'un Etat, dit ce même Philofophe dans un autre endroit, doivent fe regarder comme membres d'une même famille; les Sujets doivent à leur Prince l'obéiffance comme s'il étoit leur Pére, fe doivent entr'eux l'amour & la charité comme s'ils étoient Fréres ; les Petits doivent aux Grands du refpect comme à leurs Aînés, & ceux-ci leur doivent de la condescendance comme à leurs Puînés le Prince leur doit à tous de la clémence & de la bonté comme à fes propres Enfans: s'il eft obligé de les châtier, il doit le faire comme un Pére fon Enfant; la main qui le frape apréhende de le blesser.

Les défauts d'un Pére & la dignité du rang où un Enfant fe trouveroit élevé, rien ne doit altérer le refpect que ce fils doit à son Pére : il doit être, dit Confucius, dans une perpétuelle apréhension

de rien faire qui puiffe lui déplaire; cette crainte doit toujours l'ocuper: un Magiftrat ne doit jamais fe relâcher dans ce juste devoir, fon exemple doit inftruire le peuple : l'Empereur lui-même doit fe comporter envers fes parens avec toute forte d'égards; c'est le moyen le plus infaillible de s'atirer ceux des peuples, ils lui obéiront comme à leur Pére commun cet amour s'élevera de l'Empereur jufqu'au Ciel qui eft le Pére de tous les hommes & le principe de toute puiffance : le jufte Ciel récompensera abondamment de fi belles vertus & l'on verra partout régner la paix. Le Roi & fes Sujets ne feront plus qu'une même famille, & le Royaume qu'une feule maison, où les Sujets obéiront à leur Roi comme à leur Pére, & le Roi aimera fes Sujets comme fes Enfans. Il confirme ces paroles par l'exemple d'un Empereur dont le régne a été un des plus longs & des plus heureux; c'eft au refpect qu'il eut pour fon Pére qu'il atribue tous fes fuccès : à l'entendre parler, l'on diroit qu'il fçavoit la promeffe que Dieu a faite dans le Décalogue à ceux qui honoreroient leurs Péres &

leurs Méres.

Bel exemple

l'amour d'ux Enfant pour fon

Je raporterai un trait qui fera connoître la délicateffe de l'amour qu'ont les Chinois pour leurs de Péres. Un Magistrat (9) mérita la mort pour ne s'ê- Pére. tre point acquité avec intégrité de sa Charge. Son fils âgé de 15 ans fut fe jetter aux piés de l'Empereur & lui ofrit fa vie pour conferver celle de fon Pére: l'Empereur touché de cette marque de tendreffe acorda au fils la grace du Pére, & voulut (9) Vers l'an 540 depuis la venuë de Notre-Seigneur.

des Péres.

pour récompenfer la vertu de ce généreux Enfant, le diftinguer par des marques d'honneur, mais il les refufa, en difant qu'il ne vouloit point d'une distinction qui lui rapelleroit continuellement l'idée d'un Pére coupable.

&

Rigueur du Les Chinois pendant trois ans que dure le deuil deuil de la mort de leur Pére, ne font couverts que de toile, ne fe nourriffent qu'avec le ris le plus commun, ne boivent que de l'eau. Ils font fouvent les mêmes cérémonies devant leurs images qu'ils confervent religieusement dans leurs maisons, comme s'ils étoient véritablement préfens.

Autorité des

Enfans.

L'autorité des Péres fur leurs Enfans eft tout-àPéres fur leurs fait grande. Si un Pére acufe fon fils de quelque faute devant le Mandarin, il n'a besoin d'aucune preuve; on fupose toujours qu'il a raison, & qu'un Enfant eft coupable dès que fon Pére n'est pas content. Lorfqu'un Enfant fe trouve incorrigible & que l'on craint de lui quelque action capable de déshonorer fa famille, les parens peuvent avec l'autorité du Magiftrat politique qui eft le Pére de tous les Citoyens, s'affembler dans la Sale des Ancêtres & le condanner à mort.

Châtiment du Parricide.

Quelques Empereurs ont pris le deuil pour un mois, & l'ont fait prendre à toute leur Cour, parcequ'un fils avoit frapé fon Pére ou sa Mére. S'il arrivoit qu'un fils fût affez furieux pour tuer fon Pére ou la Mére, alors tout l'Empire eft en mouvement, & la Province où ce crime a été commis en est toute alarmée. Les Mandarins sont dépofés & les proches parens févérement punis, pour n'avoir point eu foin de veiller à fes mœurs & de le

reprendre; car un fi méchant naturel avoit déja dû fe faire connoître en d'autres ocafions, & l'on ne peut parvenir que par dégrés à un atentat si abominable. Pour ce qui regarde le coupable, il n'eft point d'affez grand fuplice dont on ne s'avife pour le punir: on le coupe en mille pieces, on le brûle, on détruit fa maison jufqu'aux fondemens, on renverse celles de fes voilins, & on dreffe partout des monumens pour éternifer le châtiment d'un fi horrible excès.

il

I V.

DU GOUVERNEMENT

DES CHINO I S.

vernement de la

de

Le Laboureur

LACHINE eft gouvernée par un feul Monarque: Genre du Gonchoifir fon fucceffeur, non-feulement parmi peut les Princes de fon fang, mais encore parmi fes Sujets. Un fentiment de vertu a quelquefois porté des Empereurs à exclure leurs fils de leur fucceffion, pour y apeller des perfonnes plus dignes du Trône. L'Empereur Xun y parvint par cette voye. C'est de lui que dit l'Hiftorien en faisant allusion à la fitua- XUN eft élevé à tion du Trône des Empereurs qui est tourné vers fon mérite : l'Empire à cause le Midy: Il gouvernoit par fon repos, il regardoit le Son éloge. Midy avec toutes fes vertus, & laiffoit aller toutes chofes fuivant leur cours. Une réputation de piété, d'obéiffance & de prudence étoit ce qui l'avoit fait élever de la charue au Trône : l'Empereur Tao en lui remettant la Courone lui dit ces paroles remarquables, Fai reçû cet Empire du Ciel, mes prédéceffeurs l'en avoient reçû, je te le défere de son ordre,

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