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Connoître &

de

Celui qui veut travailler à le devenir, doit avant vouloir, pour ac- toutes chofes fe défaire de fes préjugés, enfuite méquerir la fagesse. diter, raifoner fur toutes chofes, tâcher de s'en former des idées claires & diftinctes, peser tout, examiner tout : C'est avoir beaucoup profité, que s'être apliqué à connoître la vérité: Il doit fe méfier des difcours trop recherchés & trop remplis d'élóquence; ce font les apas les plus féduifans de l'erreur: en un mot, il doit se fixer, foit par des réflexions, foit par des expériences, & agir conftament lorsqu'il a reconnu ce qu'il doit faire. C'est la Science qui guide le choix & l'examen : elle doit acompagner toutes les autres vertus : avec la charité feule on tombe dans l'aveuglement, avec la prudence dans l'incertitude, avec la bonne foi dans l'erreur, avec la conftance dans l'opiniatreté.

Fauffes vertus.

Le caractére de la véritable Vertu eft fimple; & fi les exemples n'en font pas communs, c'est que les Sages du fiécle s'imaginent qu'elle eft audessous de leurs grands deffeins & de leurs projets ambitieux : plufieurs fe laiffent entraîner par leur exemple, d'autres ne la connoissent pas. Il y en a qui donnent dans des vertus extraordinaires, ils veulent qu'il y ait du merveilleux dans leurs actions, afin que la postérité les louë: ceux-là font le bien par Caractère de la vanité & par amour propre. La Vertu veut être pratiquée pour l'amour d'elle-même ; elle est énemie de la feinte, de l'imposture, & de l'ostentation: elle fe renferme dans le cœur de ceux qui la poffédent, elle est remplie pour eux de graces & d'atraits: c'eft le Ciel qui l'a créée, il la protége, celui qui la perfécute, perfécute le Ciel.

véritable vertu.

Le caractére de la Vertu fait connoître celui du Caractère du Sage. Il ne fe donne point en fpectacle, mais comSage. me la terre il fait connoître fes vertus par fes éfets: fes actions font fimples, deftituées de bruit & d'éclat : il agit fur les efprits par une douce violence; fes mouvemens font auffi uniformes & tranquilles que ceux des Aftres : il paroît ne rien faire, mais réellement il fait beaucoup ; il est actif dans son inaction même : il eft lent à parler, plus encore à décider: il eft fi ocupé de fa vertu, que lors même qu'il eft dans fa maison, il n'y cherche ni fes comodités, ni fes délices : il eft celui à qui il se fie le moins, & à qui il plaît le moins : il fe conduit selon fon état préfent,& ne fouhaite rien au delà: il est riche fans luxe, pauvre fans baffeffe, jouit des honneurs & des dignités fans orgueil: il eft humble & refpectueux fans être lâche ni flateur: il ne craint rien, parce que la trifteffe eft inutile, ce qui eft une fois arivé ne pouvant n'avoir pas été ; il ne été; il ne s'indigne point d'un événement plûtôt que d'un autre, parce que le Ciel qui le permet eft le feul qui en connoît les fuites: enfin il atend d'un efprit toujours égal tout ce que le Ciel ordonera de lui, parceque le Ciel fait mieux que lui ce qui lui convient d'avantage.

Le Sagefe didie, & s'expriftingue par fa mo par son filen

Le Sage n'ambitione point les dignités, mais il tâche de s'en rendre digne : il y a des gens qui afectent de vouloir être maîtres partout, ils font tou- me jours remplis d'eux-mêmes, & à chaque inftant c. vous font malgré vous le récit de leurs actions ; le Sage au contraire ne parle de lui-même qu'avec modestie ; le filence eft fa vertu : le Ciel parle, mais de quel langage fe fert-il pour nous aprendre qu'il

Le cœur de

jet de fes études.

y a un fouverain Principe dont dépendent toutes chofes ? Son mouvement est son langage, il raméne les faifons en leurs tems, il émeut toute la nature, il la fait produire : Que ce filence, s'écrie Confucius, eft éloquent!

Le cœur de l'homme eft ce que le Sage doit s'aP'homme eft ob- pliquer le plus à connoître : cette connoiffance s'acquiert furtout par l'expérience. Je m'imaginois, dit Confucius, lorfque j'étois jeune, que tous les hommes étoient fincéres, qu'ils mettoient en pratique ce qu'ils difoient; en un mot, que leur bouche étoit toujours d'acord avec leur cœur: aujourd'hui j'écoute les hommes, mais j'examine avec foin leurs actions, c'eft par elles que je juge de la vérité de leurs paroles.

le fujet de fes inclinations.

que

por

L'amour des Le Sage a pour baze de toutes ses vertus, l'huautres hommes cft manité. L'amour que l'on doit avoir pour tous les hommes, n'eft point quelque chofe d'étranger à l'homme,c'est l'homme lui-même : fa nature le te à les aimer tous, & ce fentiment lui eft auffi naturel l'amour de lui-même : c'eft le caractére qui le diftingue de tous les autres êtres créés ; c'est l'analife de toutes fes loix. L'amour que l'on doit à son pére & à sa Mére est d'une force supérieure à celui qui a pour objet tout le genre humain, il lui fert comme de dégrés, & nous y méne insensiblement : c'est de cet amour univerfel que vient cette juftice qui fait que l'on rend à chacun ce qui lui aparDel'amour des tient. La diférence qui se trouve entre l'amour que autres hommes, l'on a pour fes & celui parens l'on a pour

dérive celui de la Juftice.

que

les:

autres hommes; entre l'amour que l'on a pour les hommes vertueux & habiles, & celui que l'on a

pour ceux qui ont moins de vertu & d'habileté, est comme une harmonie & une fymétrie de devoirs que la raifon du ciel a gardée, & à laquelle nous ne pouvons rien changer.

L'amour de

eft univerfel.

Confucius rempli de cet amour que l'on doit à tous les hommes, difoit que c'étoit pour lui un un véritable plaifir que de vanter le mérite de quelqu'un. Interrogé quels étoient fes défirs: Mes défirs, ditil, ont pour objet tout le genre humain ; de fes in-homme parfait rérêts, j'en fais les miens. Ces paroles expriment le caractére d'un homme parfait. Celui qui a le cœur bas & mal fait, ne fait du bien qu'à de certaines perfonnes certaines paffions, certaines amitiés particuliéres le font agir: fon amitié est intéressée, il ne féme fes biens que dans la vûë d'en recueillir davantage.

:

Dans les Instructions de Confucius à fes Disci- Exemples que ples, il leur raporte ces deux traits. Le premier eft Confucius propod'un homme du Royaume de Lû qui fe confoloit feafes Difciples. de la perte de son manteau par ces belles paroles: Un homme de Lu a perdu fon manteau, un autre homme l'aura trouvé. Le fecond trait eft d'un Empereur qui favoit à l'égard des Criminels partager fon amour & fa haine entre la perfonne & le crime. Il n'en éxigeoit, dit-il, que le repentir du criil n'oublioit pas feulement la faute, mais il faifoit en forte que celui qui l'avoit commife, pouvoit en quelque façon l'oublier, & perdre une partie de cette honte qui demeure après les grandes chutes, & qui ne peut que décourager dans le chemin de la vertu. Le choix de ces exemples marque autant de nobleffe que de jufteffe & de

me;

Origine des

Loix.

Loi fondamen

toutes les autres.

précifion dans les fentimens de ce Philofophe.
Sa pensée fur l'origine des Loix est tout-à-fait
ingénieuse. Il defcend par dégrés de l'existence du
Monde à l'inftitution des Loix. Le commencement
du Monde, dit-il, a donné l'être à toutes chofes,
à la diftinction du Mâle d'avec la Femelle, à l'u-
nion du Mari & de la Femme, à la puiffance d'un
Pére fur fon Enfant, à celle d'un Patron fur fon
Client, à celle d'un Supérieur fur fon Inférieur
à l'observation des devoirs & à l'inftitution des
Loix. C'est une déduction de conféquences.

Ce principe de la Loi naturelle, Ne fais à autale, principe de trui que ce que tu veux qui te foit fait, eft regardé par Confucius comme le fondement de toutes les Loix. Il le dévelope d'une maniére qui fait bien fentir qu'il en étoit pénétré : Parmi ceux, dit-il, avec qui vous vivez, vous avez des Supérieurs, des Inférieurs, des Egaux : Il y en a qui vous ont précédé, il y en a qui doivent vous fuccéder : vous en avez à votre main droite, vous en avez à votre main gauche. Faites réflexion que tous ces hommes ont les mêmes paffions que vous, & que ce que vous fouhaitez qu'ils vous faffent ou qu'ils ne vous faffent point, ils fouhaitent que vous le leur faffiez, ou que vous ne le leur faffiez pas. Ce que vous haïffez & blâmez dans vos Supérieurs, gardez-vous bien de le pratiquer à l'égard de vos Inférieurs : Ce que vous haïffez & blâmez dans vos Inférieurs, ne le pratiquez point à l'égard de vos Supérieurs : Ce qui vous déplaît dans la vie de vos Ancêtres, évitez-le pour n'en point donner l'exemple à la Poftérité. Enfin ce que vous blâmez dans

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