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Antiquité Chi

avant nous. Ils joignent à la pratique des vertus morales, l'usage de celles qui font les agrémens de la fociété civile ; & font, comme dans ce pays-ci, grands faiseurs de complimens. Si nous parlons de leur Pays, c'est avec mépris ; nous le plaçons à un coin de terre: & leurs Ecrivains en parlent avec une dignité que nos Géographes ont ignorée en parlant de l'Europe. Lorfqu'on voit dans leurs Ecrits: LE MILIEU DU MONDE, LE JARDIN DE L'UNIVERS, ces termes (3) défignent par euxmêmes l'Empire de la Chine; ils font confacrés par l'ufage, & ne font point fufceptibles d'un dou ble fens.

L'Antiquité Chinoife eft remplie d'un grand noise fabuleuse. nombre de fables que les Chinois eux-mêmes reconnoissent pour telles. Ce défaut leur eft commun avec les Nations les mieux policées, les Egyptiens, les Grecs & les Romains. Les Chinois font le Monde beaucoup plus vieux qu'il n'est véritablement, désignent le jour & l'heure que le Ciel & la Terre ont commencé d'être : ces fables font néan moins parfemées de quelques traits de vérité; on y trouve que l'homme fut formé du limon de la terre,

Religion desChinois. Leur idée fur la Divinité.

La plus grande partie des Chinois eft aujourd'hui dans l'Idolatrie: la fecte des Lettrés a une religion particulière. Ils femblent se faire une Divinité de je ne fçai quelle vertu répandue dans l'Univers, & furtout dans le Ciel matériel fon principal inftru

(3) Les Chinois pour exprimer leur pays, fe fervent d'un mot compofé de deux autres, & qui fignifie l'Empire du milieu. Le nom de la Chine a été inventé par les Portugais,

qui ont ainfi apellé cette Contrée du mot Sin, dont les Chinois fe fervent pour fe faluer lorfqu'ils fe ren

contrent.

ment: fi ce font des Athées, c'en est une espéce finguliére. L'erreur qu'ils fuivent n'a pû entrer dans leur efprit, qu'en s'acomodant à l'idée naturelle qu'on a de Dieu, & en donnant à leur Etre chimérique les traits de la Divinité.

dole FOE'.

Les Chinois n'ont pas toujours fervi les Idoles, Origine & cau& ce n'eft point à la légéreté qu'il faut imputer la fe du culte de l'1cause de leur changement. Ils ont changé, pour ainfi dire, avec poids & mefure : ils avoient apris de Confucius à regarder les novateurs, furtout en matiére de (4) religion, comme des peftes dangereuses à un Etat. Voici donc la raifon de leur changement. Confucius difoit fouvent, Que l'Hom me Saint, envoyé du Ciel, viendroit dans l'Occident. Il faut remarquer que la Palestine est à l'Occident de la Chine. Ces paroles femblent anoncer la venuë du Meffie; peut-être que Dieu infpiroit alors à ce Philosophe un esprit de prophétie. Soixante & cinq ans après la Naissance de JESUS-CHRIST, l'Empereur Mimti pouffé par les paroles du Philofophe, & plus encore, comme le raportent les Chinois par l'image de ce grand homme qui lui aparut en fonge, envoya en Occident pour y chercher le Saint & la Sainte Loy. Mais ces Envoyés ayant abordé à une certaine Ifle & n'ayant ofé pouffer plus loin, s'aviférent de prendre une Idole qu'ils y trouvérent. C'étoit la Statuë d'un Philofophe apellé Foé, qui avoit paru dans les Indes environ 500

(4) Pour faire connoître combien l'efprit de cette Nation eft énemi de toutes nouveautés en fait de religion, c'eft qu'un de leurs Empereurs s'étant fait déclarer Chef d'une

fecte particuliére,tous les Historiens
atribuent à l'atrocité de fon facrilege,
les fâcheux événemens dont Dieu
permit que fon Regne fût une fuite
continuelle.

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Epoqu: de 'Empire des

Chinois.

FонI raffemble les Chinois & en

ans avant Confucius. Depuis ce malheureux tems la plûpart des Chinois ont ferviles Idoles.

Celui que les Chinois regardent comme le Fondateur de leur Nation c'eft Fohi. Ils le font commencer de régner 2952 ans avant la Naiffance de Notre-Seigneur. Leur histoire depuis ce tems est fuivie avec cet ordre & cet arangement qui eft proà la vérité : il seroit aussi peu équitable de ne vouloir pas s'y

pre

pas s'y rendre, que de croire aveuglément tout ce qui précéde cette époque. Des diférens fiftémes de Chronologie, celui des Septante est le feul qui puiffe s'alier avec les Chronologies Chinoises: elles deviennent pour ce fiftéme une espéce de preuve.

Sous le régne de cet Empereur, les Peuples de la forme un peuple. partie Orientale de la Chine vivoient épars dans les forêts comme des Sauvages, fans nulle forte de commerce ni de liaison: il les a raffemblés, les a rendus fociables, en a fait des hommes : il les a unis par des mariages, & ce que nous ne croirions pas, illes a furtout adoucis par les charmes de ( 5 ) l'harmonie. L'Empire de la Chine a été gouverné par une pereurs, diferen- fuite de plus de 250 Empereurs fous 22 Races. Celle qui régne est Tartare; fa domination est apellée Sainte par les Chinois: c'eft en Tartarie qu'on envoye les criminels qui n'ont point mérité la mort. On efpére que le climat qui eft dure, changera dans leur poftérité le naturel vicieux du fang de leurs péres,

Nombre des Em

tes Races, Race régnante.

& en fera des hommes vertueux.

(5) Les Chinois font encore aujourd'hui grands amateurs de la mufique. Les Philofophes & Légiflateurs anciens regardoient la mufique

comme une afaire d'Etat. Ils jugeoient par l'acord de toutes fes parties, de celui qui doit régner entre toutes celles d'un Etat.

L'Hiftoire

nois.

L'Hiftoire de la Chine eft remplie de traits d'une Traits de l'higénérofité fi héroïque, qu'ils nous paroîtront in- ftoire des Chicroyables. On y voit des Princeffes & des femmes du menu peuple se donner la mort pour conferver leur honneur ; des Magiftrats fe démettre de leurs Emplois, pour fuir les défordres de la Cour; des Philofophes cenfurer des Rois fur leur Trône ; des Fréres mériter également la Couronne, difputer à qui ne l'aura pas, fuir, & par là triompher d'euxmêmes & réciproquement l'un de l'autre : enfin des Empereurs qui ne font point dificulté de vouloir mourir pour apaiser la colére du Ciel, & procurer la paix à leur peuple; & des Sujets qui facrifient ce qu'ils ont de plus cher pour conferver la famille de leur Empereur. Je raporterai ces deux derniers faits avec leurs circonftances.

Premier trait

Sous le régne de l'Empereur Chimtam (6), la Chine fut afligée d'une famine causée par une féche- d'hiftoire. reffe de 7 ans. Le Mandarin (7) qui préfidoit aux chofes céleftes, fit fçavoir à l'Empereur que le Ciel ne s'apaiferoit point par le fang des victimes ordinaires, & que dans cette derniere extrémité, il faloit pour dernier remede lui ofrir du fang humain. L'Empereur se choisit lui-même fe pour victime: il se prépare à ce facrifice qui doit opérer le sa¬ lut de fon peuple, par trois jours de jeûne & de

(6) Environ 1755 ans avant la venuë de Notre-Seigneur. C'eft une queftion qui feroit digne d'être examinée, fi ce ne font point les fept années de difette qui ont afligé l'Egypte.

(7) Nous apellons Mandarins les Oficiers qui ont quelque Com

mandement ou quelque Jurifdi-
tion. Il y en a pour la Guere, les
Finances & la Police: ce nom eft
de l'invention des Portugais qui ont
ainfi apellé les Oficiers Chinois du
mot latin mandare, qui fignifie or-
donner, commander.

B

Second trait

d'hiftoire.

prieres, fe fait couper les cheveux & une barbe que 90 ans avoient blanchie & rendue refpectable enfin au troifiéme jour il fait ateler à fon char deux chevaux blancs, & lui-même couvert d'une peau de brebis, va jufqu'au pié d'une montagne près de la Ville : il en gagne le fommet en rempant fur fes mains pour s'humilier & fe conformer davantage à l'idée d'une victime. Il s'adreffe au Ciel pour obtenir le falut de fon Peuple, & le prie de ne point venger fur fes Sujets les défauts de son Gouvernement. Une pluie abondante qui furvint & qui fut la fource d'une grande fertilité, conferva cet Empereur pour faire le bonheur de fon Peuple & fervir d'exemple à l'Univers.

L'Empereur Livam (8) s'étoit rendu éxécrable par fes cruautés ; elles révoltérent fon Peuple, & il fut obligé de chercher fon falut dans la fuite. Le Peuple en furie déchargea toute fa haine fur sa familse & en fit un massacre général. Le Ministre avoit retiré un des enfans de cet Empereur; le Peuple en fureur le lui demande, le Miniftre lui abandonne le fien, conferve celui de fon Maître, & trouve les moyens de le faire monter fur le Trône, après que l'Empereur fut mort dans fa retraite. Cette action ne réalise-t'elle pas les belles fictions des Romans, ou plûtôt ne les furpaffe-t'elle point? Trouve-t'on des exemples vrais ou faux d'un zéle si constant pour la famille d'un Empereur qui étoit odieux & qui méritoit de l'être ?

(8) Environ l'an 920 avant la venue de Notre-Seigneur.

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