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prit de Moliere, efprit qui plaira toujours, & qui fera également goûté des connoiffeurs & des ignorans.

derne.

Pour moi, je fuis perfuadé que De la dicle goût d'expreffion qui régne au- tion mojourd'hui, vient moins d'une imagination heureuse, que de la ftérilité des Auteurs. Ce que j'avance ici paroîtra fans doute un paradoxe, mais la moindre réfléxion fuffit pour se détromper à cet égard.

La nature qui fembloit avoir épuifé fes dons en faveur de Moliere, parut en être avare pour les Poëtes qui vinrent après lui: on négligea la perfection des plans & de l'intrigue, on dédaigna les caractéres, on abandonna la noble fimplicité de fa diction; & foit incapacité, foit indolence dans les Auteurs qui fuivirent ce grand homine, fes Ouvrages

Occuperent long-tems feuls le Théatre François, avec la fupériorité & la juftice qui leur étoient dûes; enfin les Spectateurs laffés d'attendre un génie capable d'imaginer avec l'art de Moliere des Fables nouvelles, d'imiter auffi heureusement celles des Anciens, ou de profiter des idées des Nations voifines, refuferent leurs applaudiffemens à des Comédies qu'on leur préfenta, parce qu'elles étoient ou dénuées d'intrigue, ou qu'elles en étoient trop chargées. Alors les Auteurs incertains fur le parti qu'ils devoient prendre, chercherent à éblouir le Spectateur par des faillies d'efprit, & des pensées brillantes ; la Nation Françoise naturellement portée à ce genre d'efprit, s'y prêta, le goûta, & lui donna par fon approbation le moien de s'emparer en peu de

tems de la Scène. C'est ce même genre d'écrire qui a paffé jusqu'à nous, mais qui révolte ceux qui ont fçû fe préserver de la contagion; ces efprits juftes, ces efprits vrais ne fouffrent qu'avec peine que l'on préfére aujourd'hui des Comédies compofées que fimplement de faillies & d'épigrammes, aux Comédies qui n'ont qu'une intrigue foutenue d'une diction fimple & naturelle. Il y a même des Piéces d'une grande réputation, dont l'action & le mouvement, quoiqu'elles foient en cinq Actes, fuffiroient à peine pour foutenir un Acte feul; c'eft moins une action véritable, qu'une apparence d'action, ou plutôt c'est un fimple affemblage d'autant de Scenes qu'il en faut pour donner à une Piéce la durée ordinaire des représentations : c'est un remplif

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fage de dialogue femé de bons mots de traits fatyriques qui féduisent le Spectateur par leur brillant, & l'empêchent de remarquer le vuide & le défaut d'action. On ne fçauroit cependant difconvenir que ces fortes de dialogues ne foient ce qu'on appelle communément de l'efprit, mais on devroit, ce me femble, diftinguer l'efprit qui convient au Théatre, d'avec celui dont on peut faire parade dans un difcours Académique. Or pour fçavoir quelle forte d'ef prit convient à la Comédie, il ne faut qu'étudier Moliere; alors on verra que la nature vraïe & fimple n'admet point dans fes expreffions, quelque variée qu'elle foit, ces gentilleffes qui ne vont qu'à la traveftir.

ARTICLE SIXIE' ME.

Des Coups de Théatre, ou Surprises.

TR

OUT ce qui arrive fur la Scène d'une manière imprévûe, & dans le cours d'une action, s'appelle en France, Coups de Théatre, & dans tout le resto de l'Europe, Surprises; je me fervirai dans la fuite de l'un & de l'autre terme indifféremment.

coups de

Il y a deux fortes de Coups de Deux efThéatre ou Surprises, l'une d'ao péces de tion, & l'autre de penfée. Toutes Theatre, les deux font également bonnes, & font également leur effet; il eft vrai cependant que la furpri fe d'action a plus de force, & fe fait plus fentir que la furprise de pensée. L'Ecole des Maris ; l'Ecole des Femmes ; la Princesse d'Elide; George Dandin, & presque

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