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laPrinceffe qui dédaigne l'amour, a une conversation avec le Prince dont elle eft aimée autant que de fes autres Amans, mais qui pour l'engager plus sûrement feint une infenfibilité égale à la fienne. La Princeffe paroît irritée de cette indifférence, & de ce que, malgré fes mépris, le Prince ne lui offre pas fon cœur, comme les autres Princes : elle commence, fans s'en appercevoir, à l'aimer par dépit, & pour mieux découvrir les vrais fentimens du Prince, elle lui fait un faux aveu de fon inclination pour l'un de fes Amans.

Dans cette furprise, la Princeffe ne prévient pas les Spectateurs de fon intention, & c'est inopinément qu'ils en font inftruits. Moliere en portant cette même surprise au Théatre, femble l'avoir affoiblie, lorsqu'il fait

dire à la Princeffe, qu'elle a imaginé un moïen de découvrir les véritables fentimens du Prince. Quiconque ignore les mystéres de l'art, en jugera de la forte; mais les perfonnes intelligentes fentiront aifément la fineffe de l'Auteur, dans la correction qu'il a faite à l'original. Le défaut des Efpagnols, eft de ne fe contenter jamais de la jufte mesure d'une action ou d'une fituation; Moliere qui connoiffoit ce foible, trouva qu'il y avoit dans la Scéne dont nous parlons, deux furprifes de Théatre, & jugeant qu'il n'en falloit laiffer dominer qu'une, il affoiblit la premiere, pour rendre la feconde & plus vive & plus frapante; il augmenta dans celle-ci l'intérêt du Spectateur, en le faifant jouir du plaifir de voir le Prince l'emporter par la rufe fur la Princeffe; on

fçait qu'elle n'a d'autre deffein que de découvrir les véritables. fentimens du Prince, pour ne lui faire enfuite éprouver que des dédains, & le traiter comme fes autres Amans: d'un autre côté, on voit que le Prince n'a d'autre intention que de la toucher, & de lui infpirer de l'amour, Dans cette fituation, la Princeffe fait au Prince une fauffe confidence de l'état de fon cœur, & feint d'être fenfible à l'amour d'un de fes Amans : le Prince revenu de l'étonnement où l'a jetté le difcours de la Princeffe, lui répond: » Qu'il admire la con- « formité de leurs fentimens,puifqu'il vient d'éprouver un chan- « gement tout femblable; qu'autorifé par fon exemple, il va u lui rendre confidence pour con- « fidence, & qu'une des Princef- « fes fes coufines, l'aimable & ".

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belle Aglante, a triomphe de fon cœur ». Il implore fon appui avec tranfport, pour obtenir la main de celle qu'il adore, & part précipitamment pour en aller, dit-il, faire la demande à fon pere.

Voilà la furprise de Théatre à laquelle le Spectateur ne s'attendoit pas, mais qu'il auroit fans doute fouhaitée, pour venger le Prince qui l'intérefle, & jetter la Princeffe dans la confufion, en la puniffant de fa dureté & de fa coqueterie. La réponse du Prince produit ici dans l'efprit du Spectateur ce qu'il défire de trouver dans le tout enfemble;: elle fait paffer tout à coup de l'inquiétude à la fatisfaction; & parlà cette furprise devient intéresfante & comique tout à la fois. Or c'eft de ces points effentiels & fi difficiles à réunir, que naît la:

difficulté de parvenir au sublime dans les furprifes, ou coups de Théatre, foit d'action, foit de pensée.

ARTICLE SEPTIE'ME.

L

Du Comique.

tion.

E feul Comique auquel les Poëtes doivent s'attacher, eft le Comique qui prend fa fource dans les chofes mêmes; le Co- Comfque mique doit naître de la fituation de ficuades personnages. Un Comique de penfee qui naît de la converfation, & qui par conféquent ne tient point à l'action, quelque bon qu'il puiffe être en lui-même, ne convient point au Théatre; je ne prétend pas prétend pas néanmoins exclure ni les bons mots, ni les faillies, mais il ne faut pas en faire la bafe du Comique ; la Co

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