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appliqués à rechercher la fondation des Villes antiques, à expliquer les hieroglyphes que les temps ont prefque effacés, à commenter les Loix, & à dévoiler leur origine; enfin, à caractériser les fiecles & les Nations. Mais eft-il aifé de définir l'homme & de connoître la nature, qui, toute uniforme qu'elle eft dans fa marche, eft fi mysterieuse, & fi variée dans fes ouvrages? Pour moi, qui n'avois pas une pareille tâche à remplir, je ne puis que vous donner des notions fuperficielles néanmoins j'ai obfervé dans les parties de l'Afie, de l'Afrique & de l'Europe, que j'ai parcourues, que les hommes, les loix & les mœurs avoient un fond commun de reffemblance, & que leur différence étoit l'effet combiné de P'éducation, de la politique & de l'influence des climats. Je me bornerai dans mes Lettres à vous entretenir des lieux que j'ai vus & dest particularités qu'ils m'ont offertes: les terres, les villes, les monumens, la Religion, les mœurs & les ufages de quelques peuples, feront les maté

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riaux de cette Hiftoire, dans laquelle je n'ai fuivi d'autre plan que celui que je voyois tracé dans ma marche & dans la fucceffion des objets. J'y mêlerai le récit des événemens particuliers ou politiques dont j'ai été témoin, perfuadé qu'en vous amufant quelques momens ils vous feront mieux connoître le génie des Peuples, que ne feroient de vaines conjectures dans lesquelles on en laiffe fouvent échapper les nuances les plus précieuses. Si mon Ouvrage ne vous fait point l'impreffion que vous en attendez, j'aurai du moins la fatisfaction de vous prouver que j'ai cherché à vous plaire aux dépens de mon amourpropre,

Je fuis, &c.

LETTRE II.

M.

L'ITALIE ayant été le théâtre des grands événemens, me parut devoir être le premier objet de mes regards; je crus qu'avant d'entrer dans ce beau pays, il m'étoit néceffaire d'en favoir la langue. J'employai quatre mois à l'étudier. Mes progrès devenus fenfibles par les principes dont ma mé moire s'étoit nourrie, j'efpérai que l'ufage feroit le refte; mais j'avois une autre fcience bien plus difficile à acquérir, celle de rompre les liens qui me tenoient attachés à un pays jaloux de conferver fes citoyens, & qui accufoit d'indifférence & d'ingratitude quiconque prenoit le parti de s'en éloigner. N'ayant de refource que dans la comparaifon des exemples, je fouffrois des impulfions fecretes

qui vouloient m'en arracher; les différens affauts qu'elles livroient à mon cœur me jettoient dans une mélan❤ colie qui ne fe diffipa qu'au moment où je pus réaliser mon projet. Les rifques des voyages, le défagrément de vivre parmi des inconnus, la fcrupuleufe défiance qu'il faut traîner avec foi, & une foule d'autres inconvéniens, fe préfentoient à mon efprit; mais heureufement mon invincible curiofité triomphoit de fes fâcheufes idées, en fe repaiffant d'avance des rians tableaux que les Poëtes & les Peintres nous ont donnés des belles contrées de l'Italie, de l'Egypte & de la Palestine: ainfi toutes les contrariétés s'évanouiffant, pour ainfi dire, à mes yeux, les arrangemens du départ fuivirent de près.

Je quittai ma patrie (1) le 26 Octobre 1776; je dirigeai ma route vers Marfeille, que j'avois choifi pour le point de mon départ de la France.

(1) Saint-Bertrand, ville capitale de Cominges.

Je ne parlerai point ici de la beauté du Langudoc; de cet agréable point de vue appellé la Vista, qu'on trouve à une petite diftance de Marfeille de l'étendue de cette ville, de la belle rue du Cours qui la divife en deux, de fa population, de fon origine qu'on fait remonter à une colonie de Phéniciens, de la sûreté de fon port inacceffible aux Vaiffeaux de guerre, & qui eft défendu par deux grandes fortereffes. Ces détails font trop connus pour que je me croie obligé d'y infifter; d'ailleurs, prêt à m'embarquer fur un Vaiffeau qui doit partir inceffamment pour les côtes d'Italie, je paffe rapidement fur les préliminaires du départ.

Le Capitaine Thomas m'ayant fait avertir qu'il leveroit l'ancre le 3 Novembre à quatre heures du matin, je me rendis à fon bord: on ne tarda pas à mettre à la voile; un vent favorable pouffoit notre vaiffeau fur les ondes, qui cédoient fans résistance; la beauté du ciel, la tranfparence l'ardeur des matelots dans

des eaux,

la manœuvre, la joie du Capitaine,

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