fieme étage, que les Turcs ont démoli pour mettre à fa place une coupole qui leur fert de mofquée. On voit fur le premier étage de cette tour une pierre qui marque, par des caracteres arabes, l'époque de fa conftruction au quatrieme fiecle; fa ftructure eft en effet gothique. On y remarque plufieurs colonnes enchaffées horizontalement dans le mur, & qui lui donnent plus de folidité; ces colonnes placées par intervalles forment de larges bandes ou cordons qui divisent l'édifice. A peu de diftance delà eft un ancien temple très-vafte, dont il ne refte plus que les deux parties latérales, qui regardent Rama & le pays de Gaza; des portiques ornés de piliers s'y font d'abord remarquer; en avançant dans le centre on voit deux grandes ouvertures qui offrent des marches, par lef quelles on defcend dans des fouterrains en voûte, décorés de portiques qui se prolongent à la longueur de la moitié du temple. On croiroit que ces fou terrains étoient conftruits pour foutenir le pavé du temple ou fon parvis, Les ouvertures qu'on voit au-deflus

d'un autre fouterrain voifin feroient penfer que ce dernier étoit deftiné à recevoir les eaux pluviales; il a la forme des citernes que j'ai vues dans ce pays.

Cette ville a un Gouverneur un Muphti & un Cadi: le Muphti eft l'interprete & le docteur de la loi Musulmane; c'eft lui qui décide les cas de confcience; il eft l'Evêque Turc: fes revenus, confiftans en fonds de terre, font proportionnés à fa dignité; il a auffi un revenu cafuel, provenant des décifions qu'il donne lorfqu'il eft confulté. Les deux autres Officiers font établis pour juger les caufes civiles; leur maniere de procéder rend l'adminiftration de la juftice plus prompte que par-tout ailleurs; les faits & la relation des parties font la bafe du jugement, mais on m'a dit que fouvent l'argent faifoit quelquefois perdre l'équilibre de la balance.

Un Prince des Arabes eft venu aujourd'hui dans la maifon de l'Agent de la Nation Françoise, chez qui j'ai dîné. Il étoit escorté de deux Négres

& avoit pour habillement un benich ou robe noire qui le couvroit, & un turban compofé d'un challe blanc & d'un bonnet rouge. Quand il a été affis fur le divan, on lui a offert une pipe & une taffe de café, qu'il a acceptées, fuivant l'ufage oriental. Après avoir demeuré une heure avec nous dans le plus grand filence, il a dit qu'il faifoit ferrer fes chevaux, mais qu'il n'avoit pas d'argent pour payer le maréchal; l'Agent François lui ayant mis une poignée de monnoie dans la main, il s'eft retiré fort fatisfait. Ce Prince perçoit un droit fur les étrangers qui voyagent fur les routes qui conduifent à Jérufalem: c'est à lui que les pélerins payent le caphar ou tribut pour leur paffage, de même qu'ils payent ce droit aux chefs des villages où ils paffent en revenant de Jérufalem. Auffi le voit-on errer dans les chemins, pour chercher dans le voyageur un moyen de pourvoir à fa fubfiftance. Quoique ces droits foient réglés, il les augmente souvent fuivant les foupçons qu'il a de la fortune des pélerins. Je viens de faire mon prix

avec fon affocié pour mon voyagé d'ici à Jérufalem; il s'eft engagé à me conduire pour dix-huit piaftres, qui font trente-fix francs de notre monnoie, & il doit venir me joindre demain à fept heures du matin..

LETTRE LXXVIII.

J

A Jérufalem, le 25 Septembre 1777

M.

E n'ai dans tout le cours de mon voyage trouvé de journée auffi longue & auffi pénible que celle d'aujourd'hui elle paroiffoit fe prolonger à raifon du défir que j'avois de la rendre plus courte; les obftacles, les contre-temps & les dangers s'étoient réunis dans la route pour m'ôter le moyen d'arriver à fon terme. Ne prévoyant que la fatisfaction d'une prochaine arrivée, je partis de Rama avec la plus grande fécurité; mais étant arrivé par une jolie plaine près des murs de la ville de Lidda, où faint Pierre guérit Anée le paralytique, je fus bien étonné de me voir délaiffé par le chef des Arabes que j'avois payé pour m'efcorter; il partit fans mot dire, & difpa