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AN. 1108. vais archidiacre, fils de Hugues comte de Re tel. Mais le pape Pafcal qui tenoit alors le concile de Reims, y caffa l'élection de Gervais; & ordonna Raoul archevêque de Reims, fans attendre le confentement du roi, & comme le parti de Gervais foûtenu par l'autorité du prince empêcha Raoul de prendre poffeffion, le pape perfifta à le foûtenir, & mit la ville de Reims en interdit.

epift. 189.

Tel étoit l'état des chofes à la mort du roi Philippe, & ce fut le parti de Raoul qui envoïa à Orleans, pour s'oppofer au facre de Louis: efperant l'obliger à reconnoître cet archevêque, ou l'empêcher lui-même d'être couronné. Mais étant venus trop tard, ils furent contraints de s'en retourner fans rien faire. Louis avoit alors vingt-fept ans, & en regna vingt-ncuf Il est connu fous le nom de Louis le gros, & on le compte pour le fixiéme du nom, en commençant à Louis le Debonnaire.

Pour juftifier fon facre, Ives de Chartres écrivit une lettre circulaire adreffée à l'église Romaine, & à toutes celles qui avoient connoiffance de la plainte du clergé de Reims : où il foûtient qu'on ne peut attaquer ce facre; ni par la raison, ni par la coûtume, ni par la loi. Suivant la raifon, dit-il, on a dû facrer celui à qui le roiaume appartenoit par droit héreditaire; & qui avoit été élu depuis long-tems par le commun confentement des évêques & des feigneurs. D'ailleurs comme la province Belgique prétend faire fon roi, quoiqu'il doive regner fur les autres provinces: par la même raifon la province Celtique & l'Aquitaine, qui ne doivent rien à la Belgique, peuvent élire leur roi, quoi qu'il doive auffi regner en Belgique. Quant aux exemples, Ives rapporte premièrement celui des enfans du vieux Clotaire,

AN, 110

dont l'un refidant à Paris, l'autre à Orleans; ne recevoient ni benediction; ni couronne de l'archevêque de Reims. Pour la feconde race, il cite Louis fils de Louis le Begue, qui fut couronné à l'abbaie de Ferrieres: Eudes facré par Gautier archevêque de Sens, Raoul facré à Soissons, Louis d'Outremer à Laon; & dans la troifiéme race, Robert à Orleans, & Hugues fon fils à Compiegne. Les geftes des Francs Lib .c.394 qu'il cite pour les exemples de la feconde race, font ce que nous appellons la continuation d'Aimoin. Yves montre enfuite qu'en cette occafion les évêques de la province de Sens n'ont rien fait contre la loi, puifqu'ils n'ont connoiffance d'aucune loi ni d'aucun privilege, qui accorde ce droit à l'églife de Reims. Que quand il y en auroit, il n'eût pas été poffible alors de l'executer: parce que l'archevêque de Reims n'étoit pas encore intronifé, & que la ville étoit en interdit; d'ailleurs fi l'on eût differé, l'état du roïaume & la paix de l'églife étoit en trèsgrand peril.

Quelque tems après Yves de Chartres & Thi baud Prieur de S. Martin des champs à Paris, touchez de la defolation de l'églife de Reims, firent de fi fortes inftances auprès du roi Louis qu'ils lui perfuaderent de chaffer l'ufurpateur Gervais, & de confentir que Raoul demeurât archevêque. Le roi trouva bon qu'ils l'amenaffent à Orleans à fa cour de Noël, apparemment la même année 1108. mais les feigneurs ne confentirent point que Raoul fut reçu en grace, s'il ne faifoit au roi ferment de fidelité comme tous fes predeceffeurs & les autres évêques du roiaume. Or comme ces fermens étoient défendus par les decrets des der- epift. 1902 niers conciles, Yves écrivit au pape Pascal de leur pardonner en confideration de la paix &

AN. 1108. de la charité, cette faute qui n'étoit pas contre la loi divine, mais feulement contre une loi pofitive. Car, ajoute-t-il, fi vous voulez juger à la rigueur tout ce qui fe fait par condefcendance prefque tous les miniftres de l'églife feront obligez de renoncer à leurs fonctions; ou de fortir du monde, & ils ne trouveront point où femer les biens fpirituels, fi on ne leur permet de tolerer quelque chofe de ce qui fe fait felon la chair. Raoul le Verd tint le fiege de Reims pendant feize ans.

LXII.

Anfelmede

Cantorbe
ri.

Edmer 4.
Novor, na

33

Thomas archevêque d'Yorc differoit toûFin de S. jours fon facre, fe laiffant féduire aux mauvais confeils de fes chanoines; qui jugeant qu'Anfelme n'avoit plus guere à vivre, à cause de son grand âge & de fa mauvaife fanté, lui écrivirent que l'églife d'Yorc étoit égale à celle de Cantorberi, & défendirent à Thomas de la part du pape, de lui promettre obéiffance. Enfin l'afaire traînant en longueur, & Anfelme fentant fa maladie augmenter de jour en jour, écrivit à Thomas en ces termes: Je vous déclare en prefence de Dieu tout - puiffant & de fa part que je vous interdits de toute fonction de prê tre, & vous défends de vous ingerer au ministere paftoral, jufques à ce que vous ceffiez de vous revolter contre l'églife de Cantorberi; & que vous lui promettiez obéiffance, comme ont fait vos predeceffeurs Thomas & Girard. Que fi vous perfeverez dans votre revolte, je défends fous peine d'anathêmme perpetuel à tous les évêques de la grande Bretagne de vous impofer les mains ; ou de vous reconnoître pour évêque & vous recevoir à leur communion, fi Vous vous faites ordonner par des étrangers. I envoïa cette lettre à tous les évêques d'Angleterre, leur en recommandant l'execution en ver eu de la fainte obéïflance.

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La maladie d'Anfelme étoit un dégoût de toute nourriture, qui le tint pendant environ fix mois; & quoiqu'il fe fit violence pour manger, fes forces diminuoient infenfiblement. Ne pouvant plus marcher, il fe faifoit porter tous les jours au S. Sacrifice, pour lequel il avoit une devotion finguliere Ceux qui le fervoient voïant que ce mouvement le fatiguoit extrêmement, vouloient l'en détourner, mais à peine purent-ils l'obtenir cinq jours avant fa mort. Le mardi de la semaine fainte, vers le foir,il perdit la parole, la nuit pendant que l'on chantoit matines à l'églife, on lui lut la paffion que l'on devoit lire à la meffe,c'està-dire, felon S. Luc, pendant laquelle comme on vit qu'il alloit paffer, on le tira de fon lit & on le mit fur le cilice & la cendre. Il rendit ainf l'efprit au point du jour du mercredi faint vingtuniéme d'Avril 1109. la feizième année de for pontificat & la foixante-feiziéme de fa vie. Il mourut à Cantorberi & fut enterré dans fa cathedrale près de Lanfranc fon predeceffeur. L'église honore la memoire de S. Anfelme le jour de la mort; après laquelle le fiege de Cantorberi vaqua cinq ans.

tant

Outre les écrits de S. Anfelme dont j'ai parlé, il nous en refte grand nombre d'autres, dogmatiques que moraux. Il y en a trois qu'il fit pour l'intelligence de l'écriture fainte en forme de dialogues. Le premier de la verité, ce que d'eft,en quels fujets elle fe trouve,& ce que c'est que la juftice. Il y montre entr'autres chofes que les fens nous rapportent toûjours la verité, & que l'erreur que nous attribuons aux fens n'eft que dans le jugement précipité. Le fecond traité eft du libre arbitre, qu'il définit ainsi : C'eft le pouvoir de garder la droiture de la volonté, à caufe de cette droiture même Il mon tre que le pouvoir de pécher ne lui eft point ef

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E

werit

5.

P. 62.

20.

fentiel, que la creature après avoir peché n'a pas laiffé d'avoir encore le libre arbitre ; qu'elle ne peche jamais que librement, & que la violence de la tentation rend feulement la refiftance plus difficile, mais non pas impoffible, enforte que celui qui ment, pour éviter la mort,choifit le menfonge, & c'eft improprement que l'on dit, qu'il ment malgré lui. Que Dieu fait un plus grand miracle en rendant la droiture de la volonté à celui qui l'a perdue par le peché, qu'en reffufcitant un mort.

Le troifiéme traité eft de la chûte du diable. Saint Anfelme y examine principalement cette queftion. En quoi le diable a peché de n'être pas demeuré dans la verité; puifque Dieu ne lui a pas donné la perfeverance qu'il ne pouvoit avoir autrement, & qu'il auroit euë, fi Dieu la lui eût donnée comme aux bons Anges. Dans ce dialogue il traite auffi par occafion de la confirmation des bons Anges dans l'état de grace. Il y traite à fonds de la nature du mal & de fon origine; & montre comment on peut dire, que Dieu fait la mauvaise volonté de la créature, en tant qu'elle est volonté, non ennt qu'elle eft mauvaife. Quoique ces trois traitez foient feparez; l'auteur recommandoit qu'on les écrivit de fuite à caufe de la conformité des matieres. Il les com

Prolog de pola tous trois étant prieur du Bec; '& fit dans le même tems un autre dialogue intitulé, du Grammairien, à caufe du mot qu'il prend pour exemple; & c'eft un traité de dialectique.

p. 143.

Edm. 2.vi ta p. 24.

P. 12.

Le dernier de fes ouvrages dogmatiques fut le traité de la concorde de la préfience, de la prédestination & de la grace de Dieu avec le libre arbitre; qu'il compofa lentement contre fa coûtume, à caufe de fa maladie. La préfience de Dieu femble repugner au libre arbitre, parce que ce que Dieu a prévû arrive neceffairement,

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