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LXI V.n.21.

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ou

AN. 1100. meté de s'être abftenu de la communion du roi. En quoi, ajoûte-t-il, vous avez travaillé pour vôtre réputation & pour l'interêt de la legation dont vous êtes chargé : quoique quelques évêques de la province Belgique aïent couronné le roi à la Pentecôte, contre la défense du pape UrSup. liv. bain, d'heureuse memoire, comme s'ils croïoient que la juftice fût morte avec lui. J'ai expliqué ailleurs ce que c'étoit que ce couronnement des rois aux grandes fêtes ; & le roi Philippe s'en étoit rendu indigne, étant retombé dans l'excommunication , pour avoir repris Bertrade. Ives de Chartres continuë: Quant à ce que vous tà propofez de tenir un concile à Poitiers ailleurs dans la province d'Aquitaine, je l'approuve enticrement. Parce que s'il fe tenoit dans la province Belgique ou dans la Celtique, il faudroit paffer fous filence, plufieurs chofes, qui étant examinées cauferoient du scandale, & étouferoient prefque tout le fruit du concile : mais qui étant diffimulées, diminueroient beaucoup l'autorité de vôtre legation. Quant au terme du concile que vous avez marqué au vingeneuviéme de Juillet, les évêques de nos quartiers en prendront pretexte de dire qu'ils n'ont pas le tems de faire ce voïage & de s'y préparer. Car plufieurs d'entre eux ne pourront arriver au lieu du concile que par des chemins détournez & après avoir obtenu des fauf-conduits de toutes parts. C'eft pourquoi il me paroîtroit plus convenable de le remettre à l'entrée de l'automne. Nous en parlerons fi Dieu nous fait la grace de nous voir, auffi-bien que de plufieurs autres chofes que je ne veux pas confier au papier.

tc. x. p. 720. 722.

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Le concile de Poitiers fut en effet differé, & ne commença que le jour de l'octave de S. Martin dix-huitiéme de Novembre. Il s'y trouva quatre-vingts prélats, évêques ou abbez, entre

fes

autres Ives de Chartres, comme il paroît par lettres. On y jugea la caufe de Norgaud évêque d'Autun commencée au concile de Valence. Norgaud étoit present, affifté de l'évêque de Châlon & de celui de Die, envoïez pour le défendre par l'archevêque de Lion : qui ne pouvoit fouffrir que les legats vouluffent juger fon fuffragant hors de fa province. Trente-cinq chanoines d'Autun vinrent à ce concile contre leur é– vêque on repeta ce qui avoit été dit de part & d'autre au concile de Valence; & prefque tous les prélats du concile de Poitiers demeurerent fermes pour l'ufage de l'église Gallicane, touchant la purgation des accufez, contre la prétention des legats. On accorda donc à l'évêque d'Autun la faculté de fe purger, & on ordonna qu'il le feroit fur le champ & avec des perfonnes capables. On recufa pour cet effet l'évêque de Châlon, & l'évêque de Die, qui étoient declarez pour lui. L'archevêque de Tours, l'évêque de Rennes, & plufieurs autres qui étoient de la province Lionoife, s'offrirent d'abord pour jurer avec l'évêque d'Autun. Mais les chanoines d'Autun leur dirent: Vous ne connoiffez pas le perfonnage, & vous vous expofez à un faux ferment: comme nous le prouverons par raison, par ferment, & par le jugement du feu. Cette remontrance retint l'archevêque de Tours & les autres; & l'évêque d'Autun n'aïant pû accomplir la purgation canonique, fut condamné à rendre l'école & l'anneau paftoral. Il fe retira derriere l'autel avec les fiens, & ne voulut ni obéir à ce jugement, ni rentrer dans l'affemblée. C'est pourquoi il fut déposé de l'épifcopat & du facerdoce, avec menace d'excommunication s'il n'obéiffoit. On excommunia auffi tous ceux qui lui obéiroient comme évêque, on qui lui prêteroient fecours tant qu'il perfifteroit dans

AN. HO

AN. 1100.

Can, I.

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fon opiniâtreté. Il n'obéit point, & garda l'étole & l'anneau : mais les chanoines fe mirent en poffeffion des biens de l'évêché, malgré l'archevêque de Lion; qui défaprouvoit le jugement des legats, comme rendu au préjudice de fon autorité contre les canons.

En ce concile de Poitiers on fit feize canons qui portent : Qu'il n'y aura que les évêques qui donnent la tonfure aux clercs, & les abbez aux moines; & qu'on n'exigera pour cette fonction 2. ni cifcaux ni ferviettes. On défend de même 7. d'exiger aucun repas pour la collation des prébendes ni des chapes, des tapis, des baffins ou des ferviettes pour le facre des évêques ou la be4 nediction des abbez. L'évêque feul benira les ornemens facerdotaux ou les vales facrez. Les moines ne porteront point de manipule, s'ils ne 6. font foûdiacres. Les abbez ne porteront ni gans, ni fandales, ni anneaux, finon par privilege du 8 S. fiege. Défenfe d'accorder l'inveftiture d'une 3. prebende ou d'une églife du vivant du poffeffeur. Défense aux clercs de rendre hommage à aucun laïque, ou de recevoir de lui aucun benefice ecclefiaftique. Il eft permis aux chanoines reguliers 11. de baptifer, prêcher; donner la penitence ou la fepulture par ordre de leur évêque; mais cesfonctions font défendues aux moines. On n'admettra point à la prédication ceux qui portent des reliques pour quêter. Défenfe aux avoüez ou à qui que ce foit, de s'attribuer les biens de l'évêque, foit pendant fa vie, foit après fa mort, fous peine d'anathême.

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10.

12.

15.

L'affaire la plus importante qui fut traitée au Ivo. ep. concile de Poitiers, fut celle du roi Philippe. Après le concile de Valence, les deux legats Jean & Benoît l'allerent trouver, & firent tous leurs efforts pour lui perfuader de fe corriger : mais n'en aiant plus aucune efperance, ils pro

Chr. Vird. 260.

noncerent l'excommunication contre lui à la fin AN. 1100; du concile. Le duc d'Aquitaine y étoit prefent C'étoit Guillaume IX comte de Poitiers, de Gafcogne & de Touloufe, qui s'oppofa tant qu'il put à cette cenfure, tant pour l'honneur du roi fon feigneur que pour fon propre interêt : çar fa vie étoit encore plus fcandaleufe. Il pria donc les legats de n'en pas venir à cette extremité, & plufieurs évêques les en prierent avec lui. Ne pouvant l'obtenir il fortit du concile avec fes gens, faifant de grandes menaces : quelques évêques fortirent aufli avec plufieurs clercs & encore plus de laïques, ce qui caufa un grand tumulte. Alors les legats & les prélats qui reftoient prononcerent l'excommunication contre le roi Philippe & contre Bertrade. Ensuite on fit les acclamations ordinaires pour la conclufion du concile pendant lefquelles le tumulte augmentant toûjours, un homme du peuple, qui étoit aux galeries hautes de l'églife, jetta une pierre voulant fraper les legats. Mais elle don na fur un clerc qui eut la tête caffée & tomba fur le pavé, où l'on vit couler fon fang. Il s'éleva de grands cris dans l'églife, & le bruit étoit encore plus grand au dehors. Toutefois les legats demeurerent fermes; & ôterent même leurs mitres, pour montrer combien ils craignoient peu les pierres qui voloient. Leur fermeté arrêta la fureur des feditieux les comtes mêmes & les autres qui avoient infulté les legats leur firent fatisfaction. On remarqua en cette occa- Vita Berni fion le courage de deux faints abbez, Bernardo 6. abbé de faint Cyprien de Poitiers, & Robert d'Arbriffelles dont j'ai déja parlé. Cette excommunication du roi fit une telle impreffion fur les efprits, qu'étant venu quelque tems après à Sens avec la Reine Bertrade, pendant quinze jours qu'ils y féjournerent, on tint fermées

Bol. 14.

Apr. to.x. P. 233.

Sup. liv. LXIV.

34.

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Chr. Vird.

p. 260.

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toutes les églifes de la ville, & ils ne furent
admis à aucun acte de religion. De quoi Ber-
trade irritée envoïa
>
rompre la
églife & y fit dire la meffe par un de fes cha-
pelains.

porte

d'une

Bernard qui avoit été élu la même année abbé de faint Cyprien de Poitiers, nâquit dans le Pontieu près d'Abbeville de parens vertueux, que le firent étudier dès fa jeuneffe; & deflors il montroit tant de modeftie & de pieté, que les autres écoliers le nommoient le moine. Après la grammaire & la dialectique, il étudia l'écriture fainte, dont il avoit déja une affez grande connoiffance à l'âge de vingt ans : quand le defir d'une plus grande perfection lui fit quitter fon païs & paffer en Aquitaine avec trois compaguons. Ils s'arrêterent au monaftere de faint Cyprien près de Poitiers, attirez par le reputation de l'abbé Rainaud difciple de faint Robert fondateur de la Chaife-Dieu; & qui avoit lui-même dans fa communauté pluficurs grands perfonnages, entre autres Hildebert ou Aldebert depuis archevêque de Bourges. Bernard aïant embraffé la vie monaftique à faint Cyprien, & y aïant passé dix ans ou plus avec grande édification: Gervais moine de la même communauté, fut envoïé à faint Savin, monaftere voisin pour le reformer en qualité d'abbé : mais il ne voulut point s'en charger s'il n'avoit Bernard pour prieur.

,

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Gervais étant allé à la croifade en 1096. & y. étant mort Bernard fut que les moines de faint Savin vouloient l'élire abbé; & se retira fecrctement , pour executer ce qu'il defiroit depuis long-tems, de mener la vie éremitique & vivre du travail de fes mains. Il communiqua fon deffein à un faint ermite nommé Pierre des Etoiles, fondateur du monaftere de Font

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