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autels, ni des oblations ou des dîmes: ni des fours ni des moulins bannaux, des villages & des chefs; qu'il eut entré des morts dans fon monaftere, ou qu'il y eut laiffé entrer des femmes. C'est pourquoi les moines de Cifteaux retrancherent toutes ces pratiques, difant, que dans l'ancienne diftribution des dimes en quatre parties, ils ne trouvoient point que l'on eut compris les moines, qui poffedent des terres & des beftiaux dont ils peuvent vivre en travaillant. Seulement ils refolurent d'ajoûter à la regle, en prenant avec la permiffion de leur évêque, des freres convers laïques, qu'ils traiteroient comme eux-mêmes, & des ferviteurs à tgages: parce qu'ils ne voïoient pas comment ils pourroient fans ce fecours obferver entierement ce que la regle prefcrit pour le jour & pour la nuit. Ils réfolurent encore de recevoir des terres éloignées de l'habitation des hommes, de recevoir des vignes, des prez, des bois, & des eaux, pour faire des moulins à leur usage feulement & pour la pêche : des chevaux & d'autres beftiaux pour les neceffitez de la vie. Et quand ils auroient établi quelque part des métairies pour le labourage, ils réfolurent qu'elles feroient gouvernées par des freres convers & non pas des moines : parce que les moines, selon la regle, ne doivent habiter que dans leur cloître. Ils vouloient imiter S Benoît, qui n'avoit bâti fes monafteres ni dans les villes, ni dans les villages, mais dans des lieux écartez, & n'avoir comme lui en chaque monaftere que douze moines avec l'abbé.

Alberic & fes confreres étoient affligez de ce qu'il ne leur venoit prefque perfonne pour embraffer leur inftitut. Car ceux qui voïoient leur maniere de vie ou qui en entendoient parler en trouvoient l'aufterité fi extraordinaire, qu'ils

c. 6.

2. 17.

Martyr. R. 29. Apr.

XXII. Commencement de

ne cherchoient point à fe joindre à eux, & doutoient même de leur perfeverance. Alberic laiffa les chofes en cet état quand il mourut le vingt-fixiene de janvier 1109. après avoir gouverné le monaftere neuf ans & demi. L'année fuivante mo. le vingt-neuvième d'Avril mourut Robert abbé de Molefme & fondateur de Cifteaux, & l'églife l'honore comme faint, le même jour. Le fucceffeur d'Alberic & le troifiéme abbé de Ciftcaux fut Etienne Harding noble Anglois, auparavant prieur, & un de ceux qui étoient fortis de Molesme.

comme

De fon tems on défendit à Cifteaux qu'aucun feigneur du païs vint y tenir fa cour ils faifoient auparavant aux fêtes folemnelles; enfuite on bannit de cette églife tout ce qui n'étoit pas conforme à l'humilité & la pauvreté. Ils réfolurent donc de n'avoir point de croix d'or ou d'argent, mais feulement de bois peint, ni de chandeliers finon un de fer, ni d'encenfoirs que de fer ou de cuivre: ni de chafubles que de futaine ou de toile, fans foye, or ni argent; les aubes & les amics de fimples toile fans broderie. Ils garderent feulement les étoles & les manipules de foye: mais ils quitterent les chapes, les dalmatiques & les tuniques. Les calices avec le chalumeau pour la communion, étoient feulement d'argent doré: les burettes fans or ni argent.

Après qu'ils eurent été plufieurs années à gémir devant Dieu de leur petit nombre, & lui S. Bernard. demander avec larmes qu'il leur donnât des fucceffeurs il exauça enfin leurs prieres, & leur envoya tout à la fois trente novices, dont le chef étoit un jeune gentil-homme nommé Bernard. Il nâquit l'an 1091. prés de Dijon au Guill.. bourg de Fontaines, dont Tefcelin fon pere vita Bern. étoit seigneur : la mere Aleth étoit fille de Bernard

Bernard feigneur de Montbar. L'un & l'autre étoient vertueux : Tefcelin brave, fidele à ses feigneurs, jufte & de bon confeil : Alethe foûmife à fon mari, appliquée au gouvernement de fa maison & aux œuvres de charité. Ils eurent fept enfans, fix fils & une fille. La mere les offrit tous à Dieu de fes propres mains aussitôt aprés leur naiffance, les nourrit de fon lait; & tant qu'ils étoient fous fa main; elle ne fouffroit point qu'ils s'accoûtumaffent aux viandes trop délicates. Elle fembloit les préparer de loin à la vie monaftique, qu'ils embrafferent en effet tous fept dans la fuite.

Bernard vint au monde le troifiéme, & fa mere étant groffe de lui, fongea qu'elle portoit un petit chien blanc qui aboioit dans son sein. Effraïée de ce fonge elle confulta un homme pieux qui lui dit: Ne craignez point, ce fera un fidele gardien de la maifon du Seigneur, un prédicateur vehement contre les ennemis de la foi,& la douceur de fa langue guerira les ames malades. La vertueufe dame confolée par cette prédiction,ne fe contenta pas d'offrir à Dieu cet enfant comme les autres : elle le deftina entierement à fon fervice, & dans cette vuë le fit étu dier le plûtôt qu'il fut poffible. Ce fut à Châtillon fur Seine qu'il fit fes premieres études sous des ecclefiaftiques feculiers, à la place defquels il procura depuis l'établiffement d'une communauté de chanoines reguliers. Comme il avoit l'efprit excellent, il avança bien-tôt au - delà de fon âge, & paffa de loin fes compagnons : il aimoit deflors la retraite, meditoit beaucoup, parloit peu, étoit fimple, doux & fingulierement modefte. Il demandoit à Dieu de conferver

fa jeuneffe dans la pureté : & étudioit les lettres humaines pour lui fervir à l'intelligence des fain

tes écritures.

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Il étoit encore enfant quand un violent mal de tête l'obligea à garder le lit : on lui fit venir une femme qui prétendit le guerir par des charmes, mais fi-tôt qu'il s'en apperçut il la repoufla avec de grands cris, qui marquoient fon indignation, & auffi-tôt il se leva parfaitement gueri. In'avoit guere que quatorze ans quand il perdit fa mere, qui mourut faintement comme elle avoit vêcu." Bernard commença deflors à être maître de fa conduite; & comme il avoit toutes les graces exterieures du corps avec un efprit excellent & un grand talent pour la parole, on le regardoit comme un jeune homme de grande efperance. Tout lui rioit à son entrée dans le monde, & quelque chemin qu'il fuivît, il n'y avoit aucun avantage qu'il ne femblat fe pouvoir promettre. Il étoit afficgé d'amis dangereux qui cherchoient à le corrompre comme eux : mais il eut toûjours un attrait particulier pour la pureté Aïant un jour arrêté fes yeux quelque tems fur une femme avec trop de curiofité, il en eut une telle confufion, "qu'il fe jetta dans un étang glacé qui fe trouva proche : & y demeura jufques au cou affez longtems pour être penetré de froid. Il resista en deux occafions differentes aux plus violentes & preffantes tentations, où la chaíteté d'un jeune homme puiffe être expofée.

Ces perils dont il trouvoit le monde rempli, le firent penfer ferieufement à chercher une retraite, & il n'en trouva point de plus sûre que Ic nouveau monaftere de Ciftcaux. Sesfreres & Les amis s'en étant apperçûs, firent tous leurs efforts pour l'attacher au monde par l'étude des fiences profanes, & il penfa donner dans ce piege. Mais le fouvenir de fa mere le ramena; & il s'imaginoit la voir, qui lui reprochoit qu'elle ne l'avoit pas élevé avec tant de soin

pour un amusement fi frivole. Enfin il s'affermit dans fa réfolution en priant avec larmes dans une églife; & deflors il travailla même à gagner les autres. Il commença par fes freres, laillant feulement le dernier encore trop jeune & neceffaire à la confolation du pere qui étoit avancé en âge: enfuite il s'adreffa à fes autres parens & à fes amis, où il vit quelque cfperance de conversion.

Le premier qu il perfuada fut fon oncle Gaudri feigneur de Touillon en Auftunois, puiffant dans le monde, & renommé par fa va= leur : enfuite Barthelemi le penultiéme des freres de Bernard qui n'étoit pas encore chevalier. Ces deux fe rendirent d'abord fans résistance. André plus jeune que Bernard, & nouvellement armé chevalier, étoit plus difficile à perfuader, quand il s'écria tout d'un coup: Je voi ma mere; & donna les mains. Gui l'aîné des fix freres étoit deja marié, homme puiffant & plus engagé dans le monde que les autres. Il hefita un peu d'abord, mais enfuite y aiant fait reflexion, il promit d'embrassur la vie monaftique fi fa femme y confentoit : ce qui ne fembloit pas être à efperer d'une jeune dame qui avoit de petites filles qu'elle nourriffoit. Bernard promit qu'elle confentiroit ou qu'elle mourroit bien-tôt ; & comme elle continuoit de refifter, fon mari réfolut, fans la quitter, de mener une vie pauvre à la cam$ pagne, & vivre du travail de fes mains. Elle tomba griévement malade; & aïant fait venir Bernard, elle le pria de lui pardonner, & fut la premiere à demander la féparation, puis elle fe fit religieufe à Lairé près de Dijon.

Le fecond des freres étoit Gerard homme de merite, aimé de tout le monde pour fa valeur, fa conduite & fa bonté. Il refiftoit fortement,

XXIII

S Bernard

raflemble plufieurs

compa

gnons.

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