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AN. 1114.

XXVIII.

froi d'A

miens.

c.30.

lib.1.c.1.

6. 3.

lui en ont donné mes predeceffeurs. L'abbé dit: Dieu ne veut point de fervices forcez : c'eft-pourquoi fi vous avez pris l'habit monaftique contre vôtre volonté, mettez - le aux pieds du pape : vous pourrez enfuite le reprendre ou le laiffer. L'archevêque de Cofence mit auffi-tôt fon habit monaftique aux pieds du pape, & jamais on ne pût lui perfuader de le reprendre.

Godefroi évêque d'Amiens étoit fatigué deRetraite puis long-tems de l'indocilité de fon peuple, & de S Gode- des violences exercées par les nobles,au mépris de la treve de Dieu. Celui dont il eut le plus à Vitatib.2. fouffrir, fut Guermond vidame de Piquigny, qui bien que fon vaffal prit à fes yeux un autre de fes vaffaux nommé Adam, contre la paix qu'il avoit jurée, & le tint dans une dure prifon: fans être touché ni de l'excommunication de l'évêque, ni de fon humilité; qui le porta jufques à aller trouver Guermond chez lui, & fe jetter publiquement à fes pieds. Enfin Guermond étant pris lui-même, le faint évêque eut encore la charité de le délivrer. Les bourgeois d'Amiens aïant obtenu du roi le droit de commune, à l'exemple de ceux de Laon, l'évêque en favorifà l'établissement : mais Enguerran comte de la ville voïant diminuer par là fes moïens droits, s'y oppofa comme à une rebellion & attaqua les bourgeois à main armée. Ils le chafferent de la ville & lui firent la guerre, foûtenus par l'évêque & par le vidame. Mais aïant été abandonnez par Thomas de Marle, qu'ils avoient appellé à leur secours, ils ne pûrent fe maintenir.

Guibert. 1.de vita S. c. 14.

c. 8

Godefroi ne pouvant donc plus fouffrir les défordres dont fon diocefe étoit agité, réfolut de tout quitter; & aiant oui parler de la fainte vie des ermites de la Chartreuse, il s'y retira.

Guigues homme diftingué par fa fience & par AN. 1114 fa vertu, en étoit alors prieur. Quand il vit la fainte fimplicité du prelat, il en rendit graces à Dieu, & l'auroit auffi-tôt reçu dans fa com=munauté, s'il n'avoit craint que le pape, l'archevêque de Reims & les autres évêques de France ne l'euffent obligé à en fortir. Il lui donna toutefois une cellule, où le faint évêque ravi de se trouver en liberté, s'appliquoit à tous les exercices fpirituels avec la même ferveur, que s'il n'eût fait que commencer de se donner à Dieu.

Cependant Conon évêque de Paleftrine, cardinal & legat du pape, tint un concile à Beau vais avec les archevêques de Reims, de Bourges & de Sens & leurs fuffragans le sixiéme de Decembre 1114. En ce concile on excommunia l'empereur Henri; & on renouvella plufieurs decrets des derniers papes touchant la confervation des biens ecclefiaftiques, & les autres points de difcipline les plus neceffaires alors. On y fit de grandes plaintes contre Thomas feigneur de Marle, qui défoloit par fes pillages les diocefes de Laon, de Reims & d'Amiens: fans épargner les églifes, les monafte res, ni les pauvres. Il tuoit de fang froid fes prifonniers, ou les faifoit pendre par les pouces, & mourir fous les coups, ou les laiffoit perir en prifon Le legat prononça contre lui, bien qu'abfent, fentence d'excommunication, & le déclara infâme, déchû de l'ordre de chevalerię & de toute dignité.

Lifiard évêque de oiffons alla confulter ce concile touchant des heretiques qu'il avoit découverts dans fon diocefe. Un paifan nommé Clementius avec fon frere Ebrard, paffoient pour être des premiers de la fecte, & l'enfeignoient fecretement & avec une extrême

XXIX.

Concile de
Beauvais.

to x.7.797

Guib. vita

S. 1o6g17.

AN 114.

diflimulation. Ils difoient que l'incarnation du
Fils de la Vierge n'avoit été qu'un fantôme. Ils
tenoient pour nul le batême des enfans avant
l'âge de raifon; & appelloient leur batême la
parole de Dieu, y emploïant un long circuit de
difcours. Ils avoient tellement en horreur le
myftcre de nos autels, qu'ils nommoient bouche
d'enfer la bouche des prêtres. Ils condamnoicnt
le mariage & tout fruit de l'union de fexes:
d'où vient qu'ils ne mangeoient rien de ce qui
eft produit par cette voïe, comme la chair
& le lait. Ils tenoient leurs affemblées dans
des foûterrains & d'autres lieux cachez, où on
les accufoit de commettre des abominations
inoüics. Guibert abbé de Nogent qui rapporte
cette hiftoire, ajoûte: Si vous relifez les here-
fies rapportées par faint Augustin, vous n'en
trouverez point de plus conforme que celle des se
Manichéens.

L'évêque de Soiffons aïant interrogé les
deux freres, ne put en tirer la confeflion de
leurs erreurs ; & les deux temoins qui avoient
depofé contre eux étoient abfens; favoir, une
femme que Clementius avoit féduite pendant
un an, & un diacre qui avoit oui de fa bouche
quelques herefies. L'évêque faute de preuve les
condamna au jugement de l'eau exorcifée. Il
dit la meffe, où il les communia, en difant:
Que le corps & le fang de Notre-Seigneur vous
foit aujourd'hui une épreuve : puis il fit l'excr-
cifme de l'eau, où Clementius étant jetté
n'alla point au fonds. Ainfi il fut tenu pour con-
vaincu, & mis en prison avec son frere, qui
avoit confeffé fes erreurs, mais fans y renon-
cer. On arrêta auffi deux autres herctiques très-
connus, qui étoient venus de Dormans à ce
fpectacle. L'évêque & abbé de Nogent alle
rent à Beauvais confulter les évêques du conci-

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le fur ce qu'il y avoit à faire. Mais cependant le AN. 15. peuple de Soiffons craignant la douceur des ecclefiaftiques, courut à la prifon, en tira les heretiques, & les brûla hors de la ville.

Au concile de Beauvais fe prefenterent des vira e. 9. deputez d'Amiens, fe plaignant que leur évêque les avoit abandonnez. Raoul archevêque de Reims leur dit: De quel front ofez-vous nous porter cette plainte, vous qui par vôtre indocilité avez chaffé de fon fiege un homme orné de toutes fortes de vertus ? L'avez-vous jamais trouvé attaché à son interêt ou à fon plaifir ? Allez donc le chercher & le ramenez avec vous: car je prends à témoin le Seigneur JESUS, que tant que Godefroi vivra, vous n'aurez point d'autre évêque. Cependant il vint auffi des deputez de la part de Godefroi avec des lettres par lefquelles il déclaroit qu'il avoit renoncé à l'évêché, & exhortoit fes diocefains à chercher un autre pafteur: affurant qu'il ne reviendroit point, & qu'il fe fentoit incapable des fonctions de l'épifcopat: qu'à la verité il les avoit inftruits par fes difcours, mais qu'il les avoit perdus par fon mauvais exemple. Cette lettre tira des larmes des évêques du concile; & ils remirent à deliberer fur cette affaire dans le concile qu'ils devoient tenir à Soiffons à l'Epiphanie

de l'année fuivante 1115.

A ce concile fut appellé par ordre du roi, Henri abbé de faint Quentin, où Godefroi avoit été élevé dès l'enfance, & Hubert moine de Clugni, homme de grande autorité; & le concile les envoïa aux freres de la Chartreuse, pour les prier & leur ordonner de renvoïer au plutôt l'évêque Godefroi à fon fiege. Les peres du concile lui écrivirent auffi à lui-même, lui reprefentant qu'il n'avoit pas dû quitter fon troupeau fous prétexte de fa perfection particu

Sup. liv

Lxv. 32.

AN. IS.

liere; & que du vivant d'un évêque, les canons ne permettent pas d'en mettre un autre à fa place, s'il n'eft incapable par maladie, ou déposé pour crime. Godefroi aïant reçu cette lettre, fut fenfiblement affligé, & fe jetta aux pieds des Chartreux, les priant avec larmes de ne pas fouffrir qu'on l'arrachât d'avec eux. Ils pleuroient de leur côté, & ne laiffoient pas de le confoler: mais ne pouvant refifter à l'autorité du roi & des évêques, ils le renvoïerent en paix. Godefroi fortant de la Chartreuse, se retournoit fouvent pour la regarder les yeux baignez de larmes, plaignant fon malheur de n'avoir pû y finir fes jours. Il y demeura environ trois mois, depuis le jour de faint Nicolas fixiéme de Decembre, jufques au commencement du Carême.

Il vint d'abord à Reims, où le legat Conon tenoit un autre concile, qui commença le quatriéme dimanche de carême vingt-huitiéme de Mars 1115. & il y excommunia encore l'empereur Henri. Raoul archevêque de Reims y amena l'évêque Godefroi tellement attenué de jeûnes, de veilles & d'autres exercices de pieté, qu'à peine pouvoit-il fe foutenir. Le legat Conon lui reprocha un peu durement d'avoir quicté fon troupeau, & lui enjoignit de preferer le falut de plufieurs à fon utilité particuliere. Ainfi Godefroi retourna à fon églife, où il fut reçu conime étant extrémement defiré : mais il ne vêcut gueres depuis fon retour; & comme il alloit à Reims, il mourut le huitiéme de Novembre 1115. à Soiffons dans l'abbaïe de faint Crefpin où il fut enterré. Il étoit dans fa cinquantiéme année, & l'onziéme de fon épifMartyr R. copat. L'églife honore fa memoire le jour de fa mort, & fa vie fut écrite par Nicolas moi

8. Νου.

ne de la même abbaïe, qui avoit vû le faint évêque.

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