Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ap. Edmer

p. 91.

reçut une réponse adreffée aux évêques d'An- AN. 1117. gleterre & au roi Henri: où il declare qu'il ne veut diminuer en rien la dignité de l'église de Cantorberi, mais la conferver fuivant l'institution de faint Gregoire & la poffeffion d'Anselme de fainte memoire. La lettre eft du vingtquatriéme Mars 1117. Aprés que l'archevêque Raoul l'eut reçue, l'empereur l'invita à l'aller trouver; il y alla du confentement du pape, & fut huit jours avec ce prince en fon camp près de Rome. Il attendit encore quelque tems fur le bruit que le pape alloit revenir à Rome; mais volant qu'il n'en étoit rien, il retourna en Normandie vers le roi fon maître.

Cependant le clergé d'Yorc avoit envoïé des députez au pape pour faire confirmer l'élection de Turftain, fans qu'il fut obligé de faire sa soûmiffion à l'archevêque de Cantorberi. Ils expoferent au pape ce qu'ils voulurent, & en obtinrent une lettre datée auffi de Benevent le cinquiéme d'Avril, & adreffée au roi Henri; où il p. 92å dit que celui qui a été élu archevêque d'Yore a été privé de ce fiege fans avoir été jugé; ce qui eft contre les regles. Qu'il ne prétend faire préjudice ni à l'églife d'Yorc, ni à celle de Cantorberi; & qu'après que l'archevêque élû aura êté rérabli, fi ces églifes ont quelque differend entr'elles, il fera examiné devant le pape en prefence des parties. C'eft ce qui fe paffa en cette affaire, fous le pontificat de Pascal II.

XLIII
Suite de

Cependant Tecelin pere de S. Bernard, qui étoit demeuré feul dans fa maifon, vint auffi trouver les enfans à Clairvaux, où il embraffa hiftoire comme eux la vie monaftique, &y mourut quelque tems après dans une heureuse vieilleffe.

de S. Bernard.

Vita Berne

Sa fille Humbeline fut la derniere à fe donner lib. 1. c. 6. à Dieu. Elle étoit mariée; riche & attachée au monde, quand Dieu lui infpira un jour d'al

[blocks in formation]

Vita c. 4. n. 19.

6. 7. n. 31.

ler vifiter fes freres. Comme elle étoit parée & accompagnée magnifiquement, Bernard ne put fe refoudre à fortir pour la voir; aucun de fes freres ne daigna paroître, finon André qu'elle rencontra à la porte, & qui la traita d'ordure bien couverte,à caufe de fes habits précieux. Elle fondit en larmes & dit: Je fuis pechereffe, il eft vrai, mais c'eft pour les pecheurs que JESUSCHRIST cft mort; c'eft pour cela que je viens chercher les gens de bien; que mon frere vienne, & je fuis prête à faire tout ce qu'il me preferira. Bernard vint la trouver avec le refte de fes freres; & ne pouvant la feparer de fon mari, il commença par lui retrancher toute la vanité mondaine & la curiofité des habits, lui donnant pour modele la vie de fa mere. Humbeline étant retournée chez elle, elle pratiqua fidelement ce confeil au grand étonnement de tout le monde. Car quoique noble, jeune & délicate, elle vivoit dans une grande retraite, appliquée aux jeûnes, aux veilles & aux prieres. Elle demeura ainfi deux ans avec fon mari; qui la refpectant comme un temple du S. Efprit, lui permit de fe feparer & de fuivre l'attrait de Dieu. Elle fe retira au monaftere de Julli dans le diocefe de Langres, fondé depuis peu pour les femmes de ceux qui étoient venus à Clairvaux avec S. Bernard, Humbeline y paffa le reste de fes jours avec tant d'édification, qu'elle est honorée comme fainte le vingt-uniéme d'Août dans l'ordre de Cifteaux.

Environ deux ans après que S. Bernard fut établi à Clairvaux, fes aufteritez exceffives lui cauferent une fi griéve maladie, qu'on n'en attendoit que la mort, ou une vie languiffante pire que la mort même. Guillaume de Champeaux évêque de Châlons, l'étant venu vifiter, dit qu'il efperoitnon-feulement lui fauver la vie

mais rétablir fa fanté, s'il vouloit croire fes confeils & fe laiffer traiter. Et comme l'abbé ne pouvoit fe refoudre à quitter la rigueur de fon obfervance, l'évêque alla au chapitre de Cifteaux,qui fe tenoit alors entre le peu d'abbez qui en dépendoient; & profterné en terre devant eux, il leur demanda de mettre l'abbé Bernard fous fon obéiffance pour un an. Ils ne purent refufer à un prélat d'une telle autorité, ce qu'il demandoit fi humblement. Etant donc revenu à Clairvaux, il fit faire à l'abbé une loge hors l'enclos du monaftere, & défendit que dans fa nourriture & tout le refte il s'aftreignît en rien à la rigueur de l'obfervance, ni qu'on lui parlât d'aucune affaire de la maison. En cette retraite Bernard n'étant occupé que de Dieu, goûtoit par avance les délices du paradis ; & deux abbez l'étant venu voir & lui demandant comment il fe portoit, il répondit en foûriant agréablement & de la maniere noble qui lui étoit ordinaire: Je vis fort bien, moi à qui des hommes raisonnables obéiffoient auparavant,j'ai été

mis

par un jufte jugement de Dieu fous l'obeïffance d'une bête fans raifon. Il parloit d'un homme ruftique & ignorant qui s'étoit vanté de le guérir, & fous la conduite duquel il avoit été mis par l'évêque & les abbez fes confreres. Cet ignorant lui faifoit manger des viandes dont un homme fain & preffé de la faim, cût eu peine à s'accommoder; mais Bernard prenoit tout indifferemment, aïant prefque perdu le goût, en forte que pendant plufieurs jours il prit du fang tout cru pour du beurre, & bût une fois de l'huile pour de l'eau.

Mais après que cette année d'obéiffance fut paffée, il revint à fes premieres aufteritez avec un nouveau zele, comme un torrent retenu long-tems; & voulut recompenfer le tems per

[ocr errors]

XLIV.

[ocr errors]

que

du. Il prioit debout jour & nuit, jufques à ce
que fes genoux affoiblis & fes pieds enfiez ne
puffent plus le porter. Il porta long-tems un cili-
ce fur fa chair, & ne le quitta que quand il s'ap
perçut qu'on le favoit. Sa nourriture étoit du pain
avec du lait, du bouillon de legumes ou de la
boüillie. Les medecins admiroient qu'il pût vi-
vre & travailler en forçant ainfi la nature, & di-
foient c'étoit mettre un agneau à la char-
ruë. Ses vomiffemens frequens causez par la foi-
bleffe de fon eftomac l'obligerent à faire creu-
fer un trou près de fa place au choeur, pourre-
cevoir ce qu'il rejettoit; & enfin cette incom-
modité vint à tel point, qu'il fut reduit à s'ab-
ftenir de l'office public. Avec toutes ces infirmi-
tez, il ne laiffa de vivre foixante & trois
pas
ans, de fonder grand nombre de monafteres,
de prêcher, d'écrire plufieurs ouvrages excel
lens, & d'être emploïé aux affaires les plus im-
portantes de l'églife, qui l'obligerent à faire
de grands voïages.

Quand fes infirmitez le réduifirent à fe féparer pour un tems de la communauté, ce fut la premiere occafion aux gens du monde de le connoître & de le venir chercher. Ils y venoient en grand nombre,& de fon côté il les recevoit plus facilement & leur prêchoit les veritez de la religion. Quand l'obéiffance l'obligeoit às'éloigner du monaftere pour les affaires de l'églife, quel que part qu'il allât & de quelque fujet qu'il fut queftion, il ne pouvoit s'empêcher de parler de Dieu. Ce qui le fit bien-tôt connoître dans le monde; & dès lors la grace fe rendit en lui plus fenfible par le don de prophetie & par les

miracles. i

[ocr errors]

Le premier fut en la perfonne d'un gentilPremier homme de fes parens nommé Joubert de la Fer

miracle de

S. Bernard. té, qui perdit tout d'un coup la parole & la con

noiffance. Son fils & fes amis étoient fenfiblement affligez de le voir mourir fans confeffion cap.9. & fans viatique. On envoïa avertir l'abbé, qui le trouva au même état depuis trois jours. Il dit au fils & aux affiftans: Vous favez que cet homme a offenfé Dieu; principalement en faifant tort aux églifes & en opprimant les pauvres ; fi vous me croïez, on rendra aux églifes ce qu'il leur a ôté, & on remettra les redevances injuftes dont il a chargé les pauvres : alors il recouvrera la parole, il fe confeffera & recevra les facremens. Toute la famille le promit avec joïe & l'accomplit: mais Gerard frere de l'abbé, & Gaudri fon oncle, étonnez & allarmez de la promeffe qu'il avoit faite, le tirerent à part & l'en reprirent durement. Il leur répondit avec fimplicité Il eft facile à Dieu de faire ce qui vous eft difficile à croire. Il pria en fecret, puis il alla offrir le faint facrifice; & comme il étoit encore à l'autel, il vint un homme dire que Joubert parloit librement, & demandoit avec empreffement le faint abbé. Après la messe il y allá, le malade fe confeffa à lui avec larmes, reçut les facremens, & vêcut encore deux ou trois jours: pendant lefquels il ordonna que ce que l'abbé avoit preferit fut inviolablement executé, fit encore des aumônes, & mourut chrétiennement.

[ocr errors]

Un jour comme Bernard revenoit des prez il rencontra une femme qui venoit de loin lui Eapporter fon enfant, dont une main étoit seiche & le bras tourné depuis fa naiffance. L'abbé touché des larmes & des prieres de cette femme, lui dit de mettre fon enfant à terre. Aiant fait fa priere, il fit le figne de la croix fur la main & fur le bras de l'enfant, puis il dità la mere de l'appeller. L'enfant accourut embraffa fa mere des deux bras, & fut deflors

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »