Imágenes de páginas
PDF
EPUB

XLV.

raine.

Ma'

guéri. Les freres & les difciples de Bernard regardoient avec étonnement ces merveilles : mais ils n'en tiroient pas une vaine gloire humaine, comme auroient fait des hommes ordinaires : l'affection fpirituelle qu'ils lui portoient les faifoit craindre pour fa jeuneffe & la nouveauté de fa converfion. Les deux que ce zele animoit le plus, étoient Gaudri fon oncle & Gui fon frere aîné. Ils n'épargnoient point les paroles dures pour fatiguer fa modeftie : ils le chicanoient même fur ce qu'il faifoit de bien, ils ré duifoient à rien fes miracles; & comme il ne fe défendoit point, ils le pouffoient fouvent par leurs reproches jufques aux larmes.

Il arriva enfin que fon oncle Gaudri tomba malade d'une groffe fievre; & preffé de la douleur, il pria l'abbé d'avoir pitié de lui & ne lui pas refufer le fecours qu'il donnoit aux autres. L'abbé ufant de fa douceur ordinaire, le fit premierement fouvenir des frequens reproches qu'il lui avoit faits fur ce fujet, lui demandant s'il ne parloit point ainfi pour le tenter: mais comme Gaudri perfeveroit, il lui impofa les mains, commanda à la fiévre de fe retirer & elle fe retira. Saint Bernard continua de faire quantité d'autres miracles.

Vers le même tems un faint perfonnage Monafte nommé Geraud de la Sale prêchoit la penitence res d'Aqui en Aquitaine, où il fonda plufieurs monafteres. On en compte fept entre les autres: Cadouin au diocefe de Périgueux à prefent de Sarlat: les Alleus, Chafteliers, & l'Abfie au diocefe de Poitiers; Dalone au diocefe de LimoGrand-felve au diocefe de Toulouse, ges: Bournet en celui d'Angoulefme. Dalone fut fondée en 1117. & devint chef d'une congre gation mais dans la fuite cette abbaie avec fes filles embraffa l'obfervance de Cifteaux,auffi

Ch. leac. an 1120. p. 119. Chartul M. S. Loci Dei.

&

#bien

que la plupart des autres que Geraud avoit AN. 1118. fondées. Il mourut en 1120.

en

XLVI.
Mort de

Pafcal 11.
Petr Pijan

ар. Вагон.
& Papebre

Après le concile de Benevent le pape Pascal étant en Campanie tomba malade pendant l'automne, & vint à Anagnia où les medecins défefpererent de fa vie. Il revint toutefois affez bonne fanté pour faire à Prenefte la dédicace de l'églife de faint Agapit. Il celebra à Rome la fête de Noël & fit l'office de l'octave & de l'Epiphanie. Il congedia les ambatladeurs de Conftantinople qu'il y avoit reçus, & intimida tellement par fa prefence Ptolomée & le nouveau prefet, qu'ils lui demanderent la paix les premiers, &. craignant de ne pas obtenir leur grace, ils quitterent leur maison pour fe cacher dans Rome. Le pape faifoit faire des machines & les autres préparatifs neceflaires pour les réduire par la force, quand il retomba malade de fatigue pour les mouvemens qu'il s'étoit donnez. Se voiant à l'extrêmité, il affembla les cardinaux, & leur recommanda de fe donner de garde de l'artifice des Guibertins & de la violence des Allemans, & de demeurer unis entre eux. Enfuite aïant reçu l'extrêmeonction, fait fa confeffion, & fatisfaic aux autres devoirs de la religion, il mourut à minuit le dix-huitiéme de Janvier 1118. après avoir tenu le faint fiege dix-huit ans cinq mois & cinq jours. En plufieurs ordinations il avoit fait cinquante prêtres, trente diacres, & cent évêques. Il fut embaumé, revêtu de fes ornemens, fuivant le ceremonial, & porté par les cardinaux à faint Jean de Latran: où il fut enterré dans un fepulcre de marbre artiftement travaillé. Le faint fiege vaqua douze jours. Entre les lettres de Pascal II. nous en avons une à Pons abbé de Clugni, où il ordonne de ep.32. donner à la communion les deux efpeces fepa

[blocks in formation]

rément ›

& non le pain trempé dans le vin comme il fe pratiquoit à Clugni. Il excepte les enfans & les malades, qui ne pouvoient avaler le pain. On communioit donc encore les petits

enfans.

Après la mort de Pafcal II. Pierre évêque de Porto, qui depuis long-tems tenoit la premiereplace après le pape, & avec lui tous les cardinaux, prêtres & diacres, commencerent à déliberer fur le choix d'un fucceffeur; & jettant principalement les yeux fur Jean de Gaëre chancelier de l'églife Romaine, ils envoïerent au mont-Caffin où il étoit, le prier de venir inceffamment. Il partit fans favoir ce qu'ils avoient fait entr'eux, monta fur fa mule & vint promptement à Rome. Le lendemain les cardinaux s'affemblerent au nombre de quarante-fix, lui compris favoir les évêques de Porto, de Sabine, d'Albane & d'Oftie, vingt-trois prêtres & dix-huit diacres. Nicolas primicier avec le corps des chantres: tous les foúdiacres du palais, plufieurs archevêques, grand nombre de cleres d'un moindre rang: quelques uns des fenateurs & des confuls Romains. Pour éviter les fcandales affez frequens dans ces élections, ils s'affemblerent en un lieu qu'ils croïoient très-fur; & après avoir long-tems deliberé, ils s'accorderent tous à élire le chancelier. Ils le prirent auffitôt, le nommerent Gelafe, & l'introniferent malgré fa refiftance.

Il étoit né à Gaëte de parens nobles, qui le firent étudier dès fon enfance: puis Oderife abbé du mont-Caffin le leur aïant demandé, ils le donnerent à ce monaftere, où il fe diftingua par fon progrès dans les arts liberaux & daus l'obfervance reguliere. Il étoit encore jeune quand le pape Urbain II. le tira du mont-Caf fin la première année de fon pontificat, & le fit

cardinal diacre de l'églife Romaine, & peu de tems aprés chancelier: pour rétablir dans le faint fiege l'ancienne élegance du ftile prefque perdue, comme dit Pandolfe d'Alatri auteur du tems. Après la mort d'Urbain le chancelier Jean de Gaëte fut toûjours attaché au pape Pafcal, avec une affection finguliere: il lui aida à fuppor ter toutes fes afflictions & fut fon bâton de vieilleffe. A fa recommandation ce pape promut à la dignité de cardinaux, prêtres ou diacres, plufieurs de fes fcripteurs & de fes chapelains? entre autres Pierre de Pife, Hugues d'Alatri, Saxon d'Anagnia & Gregoire de Gaete. Jean fit de grandes liberalitez à fon titre de fainte Marie en Cofmedin, tant en argenterie & en ornemens d'églife qu'en fonds de terres, & fut toûjours le protecteur du mont-Caffin. Tel étoit le chancelier Jean de Gaëte quand il fut élû pape

& nommé Gelafe II.

[merged small][merged small][ocr errors]

Cencio Frangipane dont la maison étoit proche du lieu d'élection, l'aïant appris, accourut auffi-tot l'épée au côté & frémiflant de colere: car il tenoit le parti de l'empereur. Il rompit les portes, entra dans l'églife, prit le pape a la gorge, le frappa à coups de poing & de pied, jufqu'à l'enfanglanter de fes efperons puis le traînant par les cheveux & par les bras, il le mena chez lui, l'y enchaina & l'y enferma. Les cardinaux, le clergé, & plufieurs laïques affemblez pour l'élection, furent de même arrêtez par les fatellites de Cencio: on les jettoit à bas de leurs chevaux & de leurs mules, on les dépoiiilloit, on les maltraitoit : quelques-uns gagnerent leurs maifons demi morts, & malheur à qui ne put s'enfuir. Au bruit de cette violence les Romains s'allemblerent; Pierre préfet de la ville, Pierre de Lcon avec les fiens & pluficurs autres nobles avec leurs gens: le peuple

AN. 1118.

Chr. Cof

IV. 6. 46.

Urfperg.

41. 1118.

XLVIII. Fuite de Gelafe.

de tous les quartiers prend les armes, on ac, court à grand bruit au Capitole, on envoïe députez fur députez aux Frangipanes, pour redemander le pape. Auffi-tôt les Frangipanes épouvantez le rendent, & Leon l'un d'eux se jette à fes pieds, lui demande pardon, & s'échape ainfi du peril qui le menaçoit.

Le pape étant délivré fut couronné, mis fur un cheval blanc, & mené par la ruë facrée à faint Jean de Latran, precedé & fuivi de banieres fuivant la coûtume. Son pontificat paroiffoit afluré & paifible: les comtes & les barons le vifitoient, il donnoit audience à ceux qui venoient pour quelques affaires, & les renvoïoit avec fa benediction. Ceux qui étoient fortis de Rome y rentroient, on s'affembloit pour déliberer quand le pape devoit être ordonné & facré; car il n'étoit encore que diacre. Mais cette paix ne fut pas longue; & une nuit le pape fut averti que l'empereur Henri étoit en armes à faint Pierre En effet fur la nouvelle de la mort de Pafcal & de l'élection de Gelafe, l'empereur étoit venu en diligence & avoit mandé au nouveau pape : Si vous voulez confirmer le traité que j'ai fait avec Pafcal, je vous reconnoîtrai pour pape & vous ferai ferment de fidelité: finon j'en ferai élire un autre & le mettrai en poffeffion; car l'empereur prétendoit toûjours être en droit d'approuver l'élection du pape.

Gelafe aiant donc appris qu'il étoit fi proche, fe leva quoi qu'il fut nuit ; & s'étant fait mettre fur un cheval, malgré fon grand âge & fes infirmitez, fe retira chez un citoïen nommé Bulgamin, où il demeura caché le refte de la nuit. Le lendemain matin le pape & les fiens fe trouverent fort embaraflez. Il n'y avoit pas de sûreté pour eux de demeurer à Rome, & ils ne

« AnteriorContinuar »