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AN. 1101.

XII.

Etienne de

Garlande

élû évéque

que de Châlon & de celui d'Autun déposé l'anné precedente au concile de Poitiers, par les cardinaux legats Jean & Benoît. Comme l'archevêque n'étoit pas content de ce jugement & s'en plaignoit publiquement, il perfuada à Jean de Tufculum de rétablir l'évêque d'Autun: en recevant fa purgation & le ferment que firent l'archevêque de Lion & l'évêque de Châlon pour en certifier la verité. Ainfi Jean de Tufculum ramena avec lui Norgaud d'Autun, & le fit rentrer dans fon diocese, où il exerça les fonctions épifcopales, comme pleinement justifié.

L'archevêque de Lion étant arrivé à Rome, y trouva des chanoines d'Autun, qui y avoient porté leurs plaintes contre lui. Car après le départ des cardinaux il avoit excommunié ces chanoines, pour s'être pourvûs devant des juges Romains à fon préjudice, & pour avoir aliené quelques biens de leur églife, afin de fournir aux frais du procès. Ils fe juftifierent à Rome, le pape les renvoïa abfous; & l'archevêque de Lion partit pour Jerufalem avec l'évêque de Die. Cependant les cardinaux Jean & Benoît, qui étoient revenus de Rome, & avoient rendu compte de leur legation, se plaignirent hautement que l'évêque de Tufculum eût infirmé leur fentence contre l'évêque d'Autun, & leur mécontentement paffa jufques à quitter la cour. Jean se retira à Pavie dans une communauté dont il avoit été tiré: Benoît demeura à Rome dans l'église de fon titre.

Pendant qu'ils étoient en France, Ives de Chartres leur écrivit au fujet d'Etienne de Garlande élû évêque de Beauvais. Cette églife, de Beauvais dit-il, eft defaccoutumée depuis fi long-tems d'aepit. 87. voir de bons pafteurs, qu'elle femble être en droit d'en élire de mauvais. Elle vient de pren

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dre, fuivant la volonté du roi & de fa concubi-
ne, un clerc qui n'eft point dans les ordres fa-
crez, ignorant, occupé du jeu & de femblables
amusemens, & autrefois chaffé de l'églife pour
un adultere public, par l'archevêque de Lion le-
gat du faint ficge. Si jamais il parvient à l'é-
pifcopat par l'autorité du pape, on impofe de
nôtre tems aux canons un filence pernicieux,
Je vous en avertis, afin
foïez fur vos
que Vous
gardes: Car cet intrus fe preffera d'aller à Ro-
me ou d'y envoïer, de gagner la cour par pre-
fens & par promeffes, & furprendre le pape par
tous les artifices poffibles. Nous vous décla-
rons donc la verité de la chofe, afin que vous
puiffiez pourvoir à l'autorité du faint fiege &
à vôtre reputation. Car fi nôtre attente est
fruftrée en cette occafion, nous ne faurons plus
que répondre à ceux qui parlent contre l'église
Romaine.

AN. 1101

Ives écrivit au pape Pafcal fur le même fujet epift. 89. en ces termes : Comme veritable fils de l'église Romaine, & forti de fon fein, je ne puis m'empêcher d'être fenfilement touché lorfqu'elle eft déchirée par la médifance. C'eft pourquoi je vous prie que fi l'on porte devant vous de nos quartiers des accufations contre des évêques ou d'autres perfonnes, ou des excufes en leur faweur: vous ne vous preffiez pas d'y ajouter foi, mais que vous accordiez un délai convenable & long, pour vous faire informer de la verité par des perfonnes vertueufes du voifinage. Autrement s'il paroît quelque decret indigne de vous, nous garderons le refpect, mais nous cefferons de vous donner des avis inutiles. Et que vôtre fainteté ne trouve pas mauvais fi je prens cette liberté c'eft que j'ai déja vû plufieurs perfonnes zelées pour la juftice, qui voïant que l'on avoit pardonné ou diffimulé plufieurs cri

:

epift. 92.

mes fe font impofé filence; n'efperant prefque plus la correction des abus. Il avertit enfuite le pape de l'élection d'Etienne de Garlande, repetant les mêmes reproches qu'il avoit marquez dans fa lettre aux legats. Qu'il n'eft pas foûdiacre, qu'il eft fans lettres, joueur, adonné aux femmes, & qu'il a été excommunié pour adultere. Le plus grand merite d'Etienne étoit fa nobleffe. Il étoit fils de Guillaume de Garlande fenechal de France, qui étoit alors la premiere charge de la couronne; & lui-même fut depuis chancelier. Il devoit être jeune, puifqu'il vêcut encore quarante ans.

Etienne alla trouver le pape pour faire confirmer fon élection; & Ives de Chartres ne put lui refufer une lettre de recommandation, ou fans rien dire directement contre la verité, il fe joint à l'églife de Beauvais fa mere, pour prier le pape de lui accorder ce qu'elle demande, autant que la juftice & l'honneur du faint fiege le permettent. Etienne fut refufé, & le pape fit des reproches à Ives de fa recommandation. pist 95. A quoi il répondit : J'ai reçû une extrême joïe & du refus qu'à reçû Etienne qui briguoit l'églife de Beauvais, & de la reprimande paternelle que vous me faites à fon fujet ; quoique dans ma derniere lettre je n'aïe rien écrit de contraire à la premiere. Il a extorqué de moi cette lettre par fon importunité, mais j'ai crû qu'étant bien entendue, elle lui nuiroit plûtôt que de lui fervir. La vôtre m'a fait voir clairement combien vous êtes ferme dans l'amour de la juftice, & le zele de la maison de Dieu; & je l'ai fait connoître prefque à toutes les églifes du roïaume.

epift. 97.

Entre les évêques aufquels Ives de Chartres envoïa cette lettre du pape, étoient deux des plus vertueux de la province de Reims, Lam,

bert

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Bert d'Arras & Jean de Teroüane, qu'il exhor- AN. 1931.
ta à faire par obéïslance pour le pape, ce qu'ils
avoient fait jufques alors par le feul amour de
la juftice. Avertiffez, ajoûte-t-il, vôtre metro-
politain d'affembler le clergé de Beauvais pour
faire une élection canonique, afin que fon all-
torité gueriffe les foibles & affermiffe les forts:
qu'il honore fon miniftere, & ne s'expofe pas
à voir executer par d'autres ce qui le regarde.
Ives écrivit auffi au clergé de Beauvais, pour epist. 981 `
les encourager à élire un bon fujet à la place
d'Etienne, comme le pape leur ordonnoit: mais
il ne leur recommande, dit-il, perfonne en par-
ticulier.

En Angleterre le délai qui avoit été pris juf-
ques à Pâques 1101. fút prorogé jufques au re-
tour des députez envoïez à Rome touchant l'af-
faire des inveftitures. Cependant à la Pentecôte
la cour fut extrêmement troublée
la nou-
par
velle de l'arrivée en Angleterre de Robert duc
de Normandie. Le roi Henri & les feigneurs
étoient dans des défiances mutuelles : le roi
craignoit qu'ils ne l'abandonnaffent pour fe
joindre à fon frere, les feigneurs craignoient
que fi le roi étoit une fois paifible, il n'exerçât
fur eux une autorité trop absoluë. Ils n'avoient
confiance de part & d'autre qu'en l'archevêque
Anfelme; & il reçut au nom de la nobleffe &
du peuple, la promeffe du roi de les gouverner
fuivant de juftes & faintes loix.

Mais quand le duc Robert fut effectivement
entré en Angleterre, les feigneurs oubliant
leur ferment, fongeoient à paffer de fon côté,
& le roi Henri craignoit non feulement pour
fon roïaume, mais pour fa vie. Alors il eut
recours à Anfelme & promit de lui laisser un
pouvoir abfolu, pour exercer tous les droits
de l'églife en Angleterre, & d'obeïr toûjours

Tome XIV.

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B

XIII

s. Anfelme foûtient le roi Henri

Ladmer, 3.
Novor.

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XIV.

Lettre du pape con

tre les in-
veftitures.
Kajch.
epip. 96.
tom. X
con el ex
Eadmer.

aux ordres du

pape.

Anfelme affembla les fei gneurs, & leur parla en prefence de toute l'armée, avec laquelle le roi marchoit au-devant de fon frere. Il leur reprefenta fi fortement_combien étoient deteftables devant Dieu & devant tous les gens de bien, ceux qui manquoient à la foi jurée folemnellement à leur prince, que tous protefterent qu'ils demeureroient fideles au roi, dût-il leur en coûter la vie. Le duc Robert de fon côté perdit l'efperance qu'il avoit dans la défection des feigneurs, & fut touché de l'excommunication qu'Anfelme avoit publiée contre lui comme ufurpateur : ainfi il fit la paix avec fon frere, & fe retira.

Tout le monde attendoit que le roi Henri donnât à Anfeime quelque marque de reconnoiffance: quand il lui manda de venir à la cour pour s'expliquer fur l'affaire des inveftitures. Car les députez étoient revenus de Rome, & avoient apporté une lettre du pape Pascal au rci, cuì il difoit: Vous demandez que l'églife Romaine vous accorde le droit d'établir les évêques & les abbez par l'inveftiture, & qu'elle attribue à la puiflance roïale ce que le Tout-puiffant témoigne n'appartenir qu'à lui feul. Car le Seigneur dit: Je fuis la porte ; & Joan. *. 7. par confequent files rois s'attribuent d'être la porte de l'églife, ceux qui entrent par eux ne font pas des pafteurs, mais des larrons. Cette prétention eft fi indigne, que l'églife catholique ne peut l'admettre en aucune maniere, Saint Ambroife auroit plutôt fouffert les dernieres extremitez, que de permettre à l'empereur de difpofer de l'églife. Car il répondit : Ne vous faites pas ce tort de croire que comme empereur, vous ayez quelque droit fur les chofes divines. Les palais appartiennent à l'empereur, les églifes à l'évêque. Qu'avez-vous de

Ambr.

epift. 20.ad foror n.9.

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