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AN. 1119 François prenant le parti d'Amauri contre let Normans, il y eut une grande altercation. Enfin on fit filence, & le pape exhorta tous les affiftans à la paix, reprefentant les maux de la guerre, tant pour le temporel que pour le fpirituel. Il conclut en ordonnant la treve de Dieu, comme le pape Urbain l'avoit établie au concile de Clermont, dont il confirma tous les decrets puis il ajouta : L'empereur d'Allemagne m'a mandé d'aller à Moufon faire la paix avec lui pour l'utilité de l'églife. Je menerai l'archevêque de Reims, celui de Rouen, & quelques autres de nos freres les évêques, que j'eftime les plus neceffaires à cette conference. Je prie tous les autres d'attendre ici où je reviendrai au plûtôt : priez pour le bon fuccés de nôtre voïage. A mon retour j'écouterai vos plaintes & vos raifons; & Dieu aidant je vous renvoierai en paix chacun chez vous. Enfuite j'irai trouver le roi d'Angleterre mon filleul & mon parent, & je l'exhorterai lui & le comte Thibaut fon neveu, c'étoit le comte de Champagne, & les autres qui font en differend, de fe faire justice & fe donner la paix à eux & à leurs fujets: mais je frapperai d'un terrible anathême ceux qui ne voudront pas m'écouter, & s'opiniâtreront à troubler la tranquilité publique.

VI. Conferen cc de

Moufon

Le pape parloit ainfi le mardi vingt-unične d'Octobre, fecond jour du concile ; & c'étoit par l'avis des évêques qu'il avoit refolu d'aller à la conference avec l'empereur. Il leur recommanda pendant fon abfence, & principalement le jour de la conference, d'offrir à Dieu des prieres & des facrifices, & d'aller en proceffion nuds pieds de l'églife metropolitaine à S. Remi. Il partit le lendemain mercredi, & le jeudi il arriva fort fatigué au lieu de la conference. Le vendredi il fit venir dans fa chambre les évê

ques, les abbez, & les autres habiles gens qu'il AM 119. avoit amenez en grand nombre, & fit lire les deux écrits dressez de concert de la part de l'empereur & de la fienne. On commença à les examiner foigneufement; & fur cette clause de la promeffe de l'empereur: Je renonce à toute inveftiture de toutes les églifes, les évêques dirent: Si le roi agit fimplement, ces paroles fuffifent: mais s'il veut chicaner, cet article auroit befoin d'explication, de peur qu'il ne veüille revendiquer les anciens domaines des églifes, ou en inveftir les évêques de nouveau. Dans l'écrit du pape ils pefoient cette clause : je donne une vraie paix au roi & à tous ceux qui ont été ou font avec lui dans cette guerre. Sous le non de paix ils craignoient qu'on n'entendit quelque chofe de plus que la communion de l'églife, & qu'on ne voulût faire recevoir les évêques intrus ou legitimement déposez.

:

Aprés cet examen on envoïa au camp de l'empereur l'évêque d'Oftie, le Cardinal Jean de Creme, l'évêque de Viviers, l'évêque de Châlons, & l'abbé de Clugni: quand ils furent arrivez, ils montrerent les écrits & déterminerent les claufes, comme on étoit convenu. D'abord l'empereur nia qu'il eut rien promis de tout cela mais l'évêque de Châlons dit avec vigueur je fuis prêt à jurer fur des reliques ou fur l'évangile, que vous l'avez promis entre mes mains. L'empereur convaincu par le témoignage de tous les affiftans, fut contraint de l'avotier; mais il fe plaignoit qu'on lui avoit fait promettre ce qu'il ne pouvoit executer fans diminution de fon autorité roïale. L'évêque lui répondit: Seigneur, vous nous trouverez entierement fideles à nos promeffes. Car le pape ne pretend diminuer en rien vô tre autorité, comme difent quelques femcurs

AN. 1119.

de difcorde au contraire, il declare publiquement, que tous vous doivent fervir à la guerre, & en tout le refte, comme ils ont accoutumé de vous fervir, vous & vos prédecef feurs. Mais fi vous croiez que vôtre puiflance foit diminuée en ce qu'il ne vous fera plus permis de vendre les évêchez: vous devriez plu tôt compter pour un avantage de renoncer à ce que Dieu vous défend.

L'empereur n'aïant rien à répondre, commença à parler plus doucement, & à demande: un délai du moins jufques au lendemain : difant qu'il en vouloit conferer cette nuit avec fes barons, pour les porter, s'il pouvoit, à confentir l'execution de fa promeffe; & qu'il rendroit réponse dès le grand matin. Enfuite fes gens commencerent à conferer avec ceux du pape fur la maniere de l'abfolution & de la reception: difant qu'il leur feroit bien dur fi leur maître y venoit nuds pieds comme les autres. Les députez du pape répondirent, qu'ils feroient tout leur poffible pour engager le pa pe à recevoir l'empereur chauffé, & le plus en particulier qu'il pourroit. La conference finit ainfi ce jour-là, & les députez retournerent en faire leur rapport au pape. Il defefperoit de la paix, & vouloit des le matin retourner à Reims mais par le confeil du comte de Troyes & de plufieurs autres, il confentit de demeurer le lendemain famedi jufques vers le midi afin d'ôter toute excufe aux Alle

mans.

Dés le grand matin l'évêque de Châlons & l'abbé de Clugni retournerent favoir la réponse de l'empereur. L'évêque lui dit : Nous pou vions dès hier, feigneur, nous retirer avec juftice, puifque nous avons été prêts nommé d'accomplir nôtre promeffe: mais

au jour

nous

nous n'avons pas voulu pour le délai d'une nuit, AN. 11194) manquer un auffi grand bien qu'est la paix ; & fi vous voulez accomplir aujourd'hui vôtre promeffe, le pape eft encore prêt d'accomplir la fienne. Alors l'empereur en colere demanda encore un délai, jusques à ce qu'il pût tenir une diette generale avec les feigneurs de fon roiaume, fans le confeil defquels il n'ofoit renoncer aux inveftitures. Mais l'évêque lui declara qu'il ne vouloit plus avoir affaire à lui, & s'en retourna fans prendre congé. Sur fon rap=port le pape paffa en grande diligence à un autre château du comte de Troïes. L'empereur envoïa prier inftamment le comte de retenir en ce lien le pape pendant le dimanche, promettant abfolument d'executer le lundi ce qu'il avoit refufé. Mais le pape répondit: J'ai fait par le defir de la paix, ce qui n'a jamais été fait que je fache, par aucun de mes prédeceffeurs : j'ai quitté un concile general affemblé, & j'ai -pris beaucoup de peine pour venir trouver cet homme, en qui je n'ai point trouvé de difpofition à la paix. C'eft-pourquoi je n'attendrai pas davantage. Si pendant le concile, ou après, Dieu nous donne une veritable paix, je serai toûjours prêt de la recevoir à bras ouverts. Il partit donc le dimanche avant le jour, & marcha avec tant de diligence, qu'après avoir fait vingt lieuës il arriva le même jour à Reims & y celebra la meffe.

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VII.

Frideric

Liege,

Pendant les quatre jours de fon absence, les prélats affemblez pour le concile, n'étoient pas contens de demeurer fans rien faire, principale- évêque de ment ceux qui étant venus par fon ordre des païs éloignez, & qui aiant quitté leurs affaires ticulieres, faifoient durant ce féjour de la dépenfe inutile. Enfin il revint le dimanche vingtfixime d'Octobre, & le même jour il facra Tome XIV.

M

par

AN. 1119.

to. X. Conc.

p. 880. ex hift. Cha Peaville.

VIII. Suite du concile de Reims.

évêque de Liege Frideric, frere du comte de
Namur. Il avoit un competiteur, favoir Ale-
xandre treforier de la même églife, qui après
la mort de l'évêque Obert, alla trouver l'em-
pereur Henri, & en obtint l'inveftiture de l'é-
vêché de Liege pour fept mille livres d'argent,
comme on difoit. Frideric archevêque de Co-
logne, métropolitain de la province, défendit
aux Liegeois de le recevoir; & après l'avoir cité
trois fois, il fit élire à Cologne le frere du com-
te de Namur, & l'envoïa au pape pour
·le fa-
crer. Mais Alexandre foûtenu par le duc de
Louvain & d'autres feigneurs, fe retira à Hui,
où il fut affiegé La guerre dura quelque tems;
& quoique Frideric eût l'avantage, & demcu-
ra évêque de Liege, le parti d'Alexandre l'in-
quieta toûjours; & enfin la feconde année de
fon pontificat ils l'empoifonnerent.

Le lundi vingt-feptiéme d'Octobre, les féances du concile de Reims recommencerent : mais à peine le pape y put-il venir ce jour-là, tant il étoit incommodé de la fatigue du jour prece dent; & il fe contenta d'y faire expofer le fuccès de fon voïage. Ce fut Jean de Crême prétre cardinal qui en fit la relation en ces termes? Vous favez que nous avons été à Mouson, mais ç'a été fans aucun fruit. Car l'empereur

y

eft venu comme pour combattre avec une armée de près de trente mille hommes. Ce qu'aïant vû nous avons tenu le pape enfermé dans cette place, qui appartient à l'archevêque de Reims. Nous avons demandé plufieurs fois à parler à l'empereur en particulier: mais fi-tôt que nous le tirions à part, nous nous trouvions environ nez d'un nombre infini des gens de fa fuite, qui nous intimidoient en branlant leurs lances & leurs épées. Car nous étions venus fans ar

mes, non pour combattre, mais pour traiter la

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