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AN. 1119.

8.12.

12.38.

menoit à leur logis; & celui-là s'eftimoit heureux, qui les recevoit chez lui: l'un trainoit l'âne qui étoit tout leur équipage, l'autre emmenoit le garçon qui fervoit à le garder; & cet âne ne portoit que la chapelle pour la meffe, le pfeautier & quelque autre livre. Pour les repas, Norbert s'affeoïoit à terre & mangeoit fur fes genoux: : il n'ufoit d'autre affaifonnement que de fel, & ne buvoit que de l'eau: mais quand des évêques & des abbez le faifoient manger avec eux, il fe conformoit aux au

tres.

neur,

Ces prélats lui rendoient toute forte d'hou jufques à le recevoir dans leurs chapitres, pour l'entendre prêcher; & ils lui faifoient plufieurs queftions, fur la difcipline ec clefiaftique & reguliere, & fur la morale. Quel. ques-uns le faifoient pour le tenter & lui tendre des pieges: d'autres de bonne foi s'inpour ftruire: mais le faint homme alloit fon chemin, & fans examiner les intentions des auditeurs, prêchoit fortement contre les vices, & foûtenoit fa doctrine par fes exemples & fes miracles. Le peuple avoit pour lui une affection merveilleufe, & ne pouvoit fe raffafier de le voir & de l'entendre: lui de fon côté étoit d'une patience incroïable pour le travail. Il s'appliquoit particulierement à appaifer les inimitiez, qui caufoient dans le païs quantité de meurtres; & il fit des reconciliations admirables. Ilgardoit encore l'ufage de dire quelquefois deux meffes par jour une de la Vierge par exemple, &

une des morts.

Aiant donc appris que le pape Callifte avoit été élevé sur le faint fiege, & qu'il tenoit un concile à Reims: il y vint nuds pieds comme il étoit, quoique l'hiver commençât à fe faire fentir; & il fut reçu avec grande joie par

les évêques & les abbez, qui y étoient affeinblez. Ils admiroient la force de fes discours, la fageffe de fes réponfes, & la rigueur de la penitence : & plufieurs l'exhortoient à la moderer, mais inutilement. Toutefois de peur que fa vie extraordinaire ne donnât pretexte de calomnier fa doctrine, il fit renouveller par le pape Callifte les lettres qu'il avoit obtenues de Gelafe. Il fut prefenté au pape par Barthelemi évêque de Laon, à qui il avoit été recommandé par des parens qu'il avoit dans le diocefe; & le pape ordonna à cet évêque d'en prendre foin, & de le traiter pendant quelque tems plus doucement qu'il ne voudroit: promettant d'aller lui-même à Laon après le concile. Le pape y vint en effet peu de tems après; & l'évêque aïant deliberé avec lui comment il pourroit retenir ce faint homme dans fon diocefe, lui offrit une églife de faint Martin dans le faux-bourg, & fervie par quelques chanoines.

: mais

Norbert eut bien de la peine à l'accepter, & ne le fit que par obéiflance pour le pape: à condition que les chanoines fuivroient fa maniere de vivre. Quand il la leur cut propofée, en leur difant qu'il falloit méprifer le monde, embraffer la pauvreté, fouffrir les opprobres, les moqueries, la faim, la foif, le froid, & les autres incommoditez: ils en furent épouvantez, & dirent: Nous ne voulons point d'un tel fuperieur qu'on nous laiffe vivre fuivant la coûtume de nos predeceffeurs. L'évêque de Laon retint Norbert avec lui le refte de l'hiver, tâchant de rétablir fon corps attenué par le jeûne & par le froid; & le priant inftamment de demeurer dans fon diocefe. Comme Norbert avoit declaré qu'il cherchoit la folitude,l'évêque le menoit en divers lieux pour voir s'il entrouveroit quelqu'un à fon gré. Il ceda en

:

MY

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X.

Fin de S. Vital de Savigni. Vita M S.

Chr. Sa

vign. to.2. Mifcell. Balux. P. 330.

Rob. de Monte an. 3178

fin à fes prieres, & à celles de plufieurs perfon nes pieufes, nobles & autres, & choifit un lieu très-folitaire nommé Premontré, pour y blir fa demeure.

éta

S. Vital de Savigni fe trouva aussi au conci. le de Reims; & y prêcha avec tant de force, que le pape. Callifte déclara que perfonne juf ques-là ne lui avoit fi bien reprefenté les obligations des papes. Callifte lui fit des presens, & écrivit en fa faveur aux évêques du Mans & d'Avranches, au comte de Mortain & aux feigneurs de Fougeres & de Mayenne. L'année fuivante 1110. Vital transfera en un lieu plus éloigné les religieufes qui étoient à la porte de fon monaftere: car il l'avoit fait double d'hommes C. de femmes, à l'exemple de fon ami Robert d'Arbriffelles. La même année il prêcha encore en Angleterre, & y fit quantité de converfions: car encore qu'il prêchât en Romain, ou François du tems, ceux même qui n'entendoient pas fa langue, étoient touchez de fes fermons. Il n'épargnoit perfonne, fur tout les ecclefiaftiques dereglez, qui confpirerent plusieurs fois contre fa vie.

Enfin l'an 1122.il tomba malade dans le prieuré de Dampiere, que le roi Henri I. lui avoit donné trois ans auparavant. Après avoir reçu fes facremens le lendemain, qui étoit le feiziéme de Septembre, il fe trouva le premier à l'églife pour matines ; & après les avoir chantées, & commencé l'office de la Vierge, il expira faintement. Il fe fit plufieurs miracles pendant trois jours que fon corps demeura expofé à la veneration du peuple ; & les moines donnerent auffi-tôt avis de fa mort aux plus celebres églifes de France & d'Angleterre, dont ils recurent des réponfes pleines d'éloges du Saint, que conferve encore à Şavigui. Il avoit gouverné dix

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ans ce monaftere, & fa vie fut écrite par Etien- AN. 119. ne de Fougeres, chapelain d'Henri II. roi d'Angleterre, & depuis évêque de Rennes. Son fuecefleur fut Geoffroi, qui gouverna l'abbaie de Savigni pendant dix-fept ans, & eft aufli compré pour faint.

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pape

Callifte

Au mois de Novembre 1119. le vint en Normandie conferer avec le roi Henri d'Angleterre ce fut à Gifors, & le roi reçut avec toute forte d'honneur le pape, qu'il reconnoiffoit pour fon parent. Il fe jetta à fes pieds, le pape le releva, l'embraffa, & lui parla ainsi: Au concile de Reims j'ai promis de travailler pour la paix : c'eft pour ce fujer que je fuis venuici; & je vous prie d'y concourir de vôtre part. Le roi promit d'obéir à tout ce qu'ordonneroit le pape, qui reprit ainfi: Comme il faut fuivant la loi de Dieu, rendre à chacun ce qui lui appartient, le concile vous prie de rendre la liberté à Robert vôtre frere, & le duché de Normandie à fon fils.

Le roi répondit ; Je n'ai point dépouillé mon Frere de la Normandie, mais j'ai délivré cette province qui eft l'heritage de mon pere, & qui étoit miferablement ravagée par des voleurs & des facrileges. On n'y rendoit aucun honneur aux prêtres & aux autres ferviteurs de Dieu on y avoit prefque ramené le paganifine. Les monafteres fondez par nos ancêtres étoient ruinez, & les religieux difperfez faute de fubfiftance. On pilloit les églifes, on les brûloit la plupart, & on en tiroit ceux qui s'y cachoient :

fes
gens du peuple fe tuoient l'un l'autre, ou
demeuroient fans défenfe. La Normandie a été
près de fept ans en ce trifte état: j'en recevois
des plaintes frequentes, & les gens de bien me
prioient de venir au fecours du peuple afflige,
J'y fuis venir, & j'ai vu qu'il étoit impoffible

XI.

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Edmer. 5.

Novor. P.

64.

de le faire autrement que par les armes, parce que mon frere étoit le protecteur des méchans, & fuivoit les confeils de ceux qui le rendoient méprifable, & dominoient fous fon nom. J'ai donc été obligé de faire la guerre: Dieu favorifant mes bons deffeins, m'a donné la victoire, & j'ai rétabli les loix & la tranquilité publique. Pour la conferver il a fallu arrêter mon frere: mais il est traité selon que fa dignité le demande, & fi on ne m'avoit enlevé fon fils, je le ferois élever avec le mien. Telle fut la réponse du roi d'Angleterre, dont le pape parut fatisfait. Il propofa enfuite les plaintes particulieres du roi de France, contre lequel le roi d'Angleterre fit auffi les fiennes : mais enfin il témoigna defirer la paix; & le pape envoïa des députez au roi de France & à fes barons, porter la réponse du roi d'Angleterre.

pape

En cette conference de Gifors, le roi Henri obtint du la confirmation de toutes les coûtumes que fon pere avoit en Angleterre & en Normandie, & principalement de ne lui point envoier de legat s'il ne le demandoit, pour quelque affaire qui ne pût être terminée par les évêques de fon roïaume. Enfuite le pape pria le roi de rendre fon amitié à Turftain, & le rétablir pour l'amour de lui dans l'archevêché d'Yorc. Henri dit, qu'il avoit promis par ferment de ne le faire de fa vie. Callifte répondit : Je fuis pape, & fi vous faites ce que je vous demande, je vous abfoudrai de ce ferment. Le roi dit qu'il en prendroit confeil, & ils fe feparerent ainfi. Enfuite il envoia porter au pape cette réponse. Il ne me paroît pas convenable à ma dignité de recevoir l'abfolution que m'offrcz. Car quelle foi aura-t-on deformais aux fermens, fi l'on voit par mon exemple, qu'ils puiffent être fi facilement anéantis par

Vous

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