AN. 1:99. : Après la mort du pape Urbain, les cardinaux, les évêques, le clergé de Rome, & les principaux de la ville s'aflemblerent dans l'égli fe de faint Clement, pour proceder à l'élection. Aïant propofé plufieurs fujets, on convint du cardinal Rainier, qui l'aïant appris s'enfuit & fe cacha mais il fut découvert & ramené par force à l'affemblée. On lui fit des reproches de fa fuite, & malgré les proteftations de fon indignité, on lui déclara qu'il étoit élu pape, & qu'il devoit fe foûmettre à la volonté de Dieu. Alors quelques-uns du clergé lui changeant de nom crierent trois fois: Pafcal pape, faint Pierre l'a élu à quoi l'affemblée répondit de même, ajoûtant plufieurs autres acclamations de louanges. Enfuite on le revêtit de la chape d'écarlate rouge, qui étoit alors un ornement particulier du pape, car les cardinaux ne portoient encore que le violet: on lui mit la tiare fur la tête, il monta à cheval & fut conduit en chan¬ tant, & avec une nombreuse fuite au palais de Latran. Il defcendit de cheval à la porte meridionale de la bafilique du Sauveur, & fut mis dans le ficge qui y étoit puis étant monté au palais il vint à l'endroit où étoient deux fieges d'ivoire. Là on lui mit une ceinture où pendoient fept clefs & fept feaux, fignifiant les fept dons du Saint-Efprit: fuivant lefquels le pape doit ufer du pouvoir d'ouvrir & de fermer, Où le fit affeoir dans l'un & dans l'autre fiege, & on lui mit en main la ferule ou bâton paftoral. C'est ainsi qu'il prit poffeffion du palais de Latran. Le lendemain dimanche quatorziéme jour d'Août 1999. il fut facré à S. Pierre par Odon évêque d'Oftie affifté de Maurice de Porto, Gautier d'Albane, Bofon de Lavici, Milon de Preneste, & Otton de Nepi. L'évêque d'Oftie porte le pallium en cette fonction, & le remet enfuite au pape. C'est ainfi qu'en parle Pierre Pifan auteur du tems, de qui nous tenons ces particularitez. Le pape Pafcal II. tint le faint ficge plus de dix-huit ans. Il celebra à Rome en grande paix la fête de Noël de cette année 1099. & confirma par fes lettres la legation d'Allemagne donnée par fon predeceffeur à Gebehard évêque de Conftance: comme témoigne Bertold prêtre de la même église qui vivoit alors & dont la cronique finit l'an 1100. Le pape Pafcal reçut bien-tôt des nouvelles de l'armée des croifez, par une lettre adreffée non-feulement à lui, mais à tous les évêques & à tous les fideles; qui contenoit en abregé toutes les conquêtes des croifez, depuis la prife de Nicée jufques à celle de Jerufalem Le pape leur écrivit de fon côté une lettre où il les felicite, principalement de la découverte de la fainte Lance & d'une partie de la croix trouvée à Jerufalem. Et comme le legat Daïmbert avoit été élu patriarche, il leur envoïe pour legat Maurice évêque de Porto, avec pouvoir de regler toutes chofes dans les églifes nouvellement délivrées. La lettre eft du quatriéme de Mai indiction huitième, qui eft l'an 1100. Peu de tems après les chofes changerent de face à Jerufalem par le decès du roi Godefroi, qui mourut le dix-huitiéme de Juillet n'aiant regné qu'un an; & fut enterré dans l'églife du S. Sepulcre, où fut auffi la fepulture de fes fucceffeurs. Son frere Baudouin comte d'Edeffe fut reconnu roi de Jerufalem, & on lui manda d'y venir inceffamment. Cependant le comte Garnier qui commandoit à Jerufalem, refusa d'en reconnoître le patriarche pour feigneur, & de lui livrer la tour de David & la ville de Joppé, fuivant la promeffe que Godefroi en avoit AN, 1190 c. 4. faite; : Vous favez que vous m'avez élû malgré moi pour être patriarche de Jerufalem; & je fai ce que j'y ai fouffert. A peine le duc Godefroi laifloit à l'églife ce que le patriarche avoit tenu fous les Turcs jufqu'à ce qu'il s'eft reconnu & lui a reftitué tous les droits, se rendant vassal du faint Sepulcre & le nôtre, & remettant en nôtre pouvoir la tour de David, toute la ville de Jerufalem avec fes dépendances & ce qu'il avoit à Joppé. Il a promis tout cela publiquement à Pâque, & l'a confirmé au lit de la mort. Toutefois après fon decès le comte Garnier a fortifié. contre nous la tour de David, & a mandé à Baudouin de venir au plûtôt s'emparer violemment des biens de l'églife. En cette extremité, je n'ai après Dieu d'efperance qu'en yous feul. Si vous avez de la pięté, & fi vous ne voulez pas dégenerer de la gloire de vôtre Sup. liv. pere, qui délivra le pape Gregoire affiegé à Rome, hâtez-vous de venir au fecours de cette églife comme vous me l'avez promis: Ecrivez donc à Baudouin pour lui défendre de venir fans nôtre permiffion : lui montrant qu'il n'est raifonnable d'avoir effuïé tant de travaux pas & de perils pour délivrer cette églife, & la réduire à prefent fous la fervitude de ceux à qui elle doit commander, comme étant leur mere. Que s'il ne veut pas fe rendre à la raison : je vous conjure par l'obéiffance que vous devez à faint Pierre, de l'empêcher de venir par tous les moïens poffibles, même par force s'il eft neceffaire. €111.7.20 On voit par cette lettre qu'il ne tint pas au patriarche d'exciter une guerre civile entre leş Princes croifez; mais la providence en difpo fe fa autrement. Car Boëmond avoit été pris par AN. 1100, les Turcs quinze jours avant la mort de Godefroi; & Baudouin étant arrivé à Jerusalem, reconcilia avec le patriarche Daïmbert : non- LXIV.n 67 obftant les efforts de l'archidiacre Arnoul, qui avoit prétendu au patriarcat, & qui étoit toû jours puiffant par les richeffes & les artifices. Enfin Baudouin fut couronné roi par Daïmbert à Bethlehem le jour de Noël de la même année 1100. & regna dix-fept ans. Hugues archevêque de Lion aïant deffein d'aller à Jerufalem, envoïa des deputez au pape lui en demander la permiffion, que le pape lui accorda; lui mandant de venir lui-même à Rome afin de recevoir la legation d'Afic; comme il avoit eu celle de Bourgogne dont il s'étoit fi dignement acquité. Cependant il le prioit d'inftruire autant qu'il lui feroit poffible les legats qu'il devoit envoier. J'entens les deux car dinaux Jean & Benoît, qui vinrent en France cette année. Les députez de l'archevêque de Lion étant revenus avec cette réponse du pape, il affembla fes fuffragans & le clergé de fon diocefe, afin d'obtenir un fubfide pour les frais de fon voiage. Ce fut le principal fujet du concile d'Anfe tenu l'an 1100. où affifterent les quatre archevêques, de Lion, de Cantorberi, de Tours & de Bourges; & huit évêques, d'Autun de Mafcon, de Châlon, d'Auxerre, de Paris," de Die, & deux autres. Après avoir établi la paix, c'est-à-dire, comme je croi, la treve de Dicu, on parla du voïage de Jerufalem; & ceux qui étoient demeurez après avoir promis d'y aller, furent excommunicz, jufques à ce qu'ils euffent accompli leur vou. L'archevêque de Cantorberi qui affifta au concile d'Anfe étoit faint Anfelme, que l'état de fes affaires retenoit à Lion depuis plus d'un Sup. livi an. Le concile de Rome du mois de Mai 1099. ché. Cependant il apprit la mort du pape Urbain II. & la promotion de Pafcal: à qui il écrivit une lettre, où il explique ainfi le fujet de fa retraite d'Angleterre Je voïois plufieurs maux que je ne pouvois corriger, & qu'il ne m'étoit pas permis de tolerer. Le roi vouloit que je confentiffe à fes volontez, qu'il appelloit fes droits, & qui étoient contraires à la loi de Dieu. Car il ne vouloit pas que l'on reconnût le pape en Angleterre fans fon ordre, ni que je lui écriviffe ou que j'en reçuffe des lettres. Depuis treize ans qu'il regne, il n'a point permis de tenir de concile dans fon roïaume. |