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pour fa défenfe, qu'il n'avoit pas tué le prieur: AN. 1133 S. Bernard foûtient que c'eft lui qui l'a fait tuer par fes neveux. Il le haïffoit, dit-il, & le menaçoit de mort, à caufe des exactions illicites fur les prêtres, qu'il ne pouvoit plus exercer à fon ordinaire à l'occafion de fon archidiaconé, parce que Thomas s'y oppofoit avec zele & induftrie. Plufieurs perfonnes dignes de foi témoignent maintenant avoir oiii fes menaces. Enfin qu'il dife, s'il le peut, quel autre fujet ont eu fes neveux de porter leurs mains facrileges fur ce faint prêtre. S'il demeure donc impuni, com→ me il a l'infolence de fe le promettre par vôtre autorité, lui qui est la caufe, & comme prefque tous le foupçonnent, l'ordonnateur de ce crime: combien cette impunité produira-t-elle dans l'églife d'actions punillabies? L'un des deux arrivera neceffairement, ou que l'on n'admettra plus aux dignitez ecclefiaftiques aucun des nobles ou puiffans du ficcle ou que les clercs abuferont de leur miniftere pour toutes fortes de crimes; parce que fi quelqu'un eft affez zelé pour s'y oppofer, il s'expofera à être aussi-tôt maffacré. Saint Bernard écrivit auffi au pape au nom de l'évêque de Paris, une lettre fort pathetique, où il lui reprefente la perte qu'il a faite en la perfonne du prieur Thomas, qui lui aidoit a porter le poids de l'épifcopat; & finit en difant: Si Thibaud Notier, c'est l'archidiacre, a recours à vous, n'ayez point d'égard à fes paroles, jufques à l'arrivée de celui que nous devons envoier, qui vous inftruira plus amplement de la verité.

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A Orleans Jean intrus dans la dignité d'archidiacre, faifoit auffi des vexations aufquelles s'opofoit le fous-doïen Archembaud & quelques autres du clergé. Archembaud en porta fes plaintes à Henri archevêque de Sens, le fiege d'Or

epift. 159%

epif. to. 3. Spicil, p 153. &c. nota fuf.

ad. ep.1 S. Bern

AN. 1:33

leans étant vacant, & au pape Innocent; mais enfin l'archidiacre Jean le fit tuer vers le même tems du meurtre de Thomas de faint Victor epift. 161. & faint Bernard en écrivit au pape, l'excitant à faire une juftice fevere de ces meurtres redoublez. Il feroit très-utile, dit-il, & très-jufte, ce que plufieurs penfent, que les coupables fuffent privez par vôtre autorité de toute dignité ecclefiaffique, fans efperance d'être jamais élevez à aucune autre. Pierre abbé de Clugni écrivit auffi au pape au fujet de ces deux meurtres d'Arehembaud & de Thomas : l'exhortant à les van1. epift. 17 ger par les peines canoniques, & à confirmer la fentence que les évêques avoient prononcée contre eux dans leur concile. C'eft ce que fit le pape Innocent par fa conftitution adreffée à Rainal archevêque de Reims, Hugues de Rouen, Hugues de Tours & leurs fuffragans : où il fait mention des deux meurtres de Thomas & d'ArP. 97. chembaud, confirme ce que les prélats avoient ordonné dans le concile de Jouarre, & ajoûte: vôtre fentence nous paroît trop parce que moderée, nous voulons de plus que par tout ou les meurtriers feront prefens, on ne celebre point l'office divin, & que fi quelqu'un les maintient & les favorife, il foit excommunié. Nous ordonnons encore que Thibaud Notier & les autres foient privéz des benefices qu'ils ont acquis You confervez par les crimes de leurs parens.

10. x.cone.

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epift. S Bern. 158.

XXIV

Pife.

Mais

Le pape avoit convoqué un concile à Pise, Concile de & faint Bernard y étant appellé, fut obligé de faire un fecond voïage en Italie l'an 1134. Les Milanois avoient fiivi le parti de l'antipape Chr. Ber- Anaclet & de Conrad, qui s'étoit fait reconnoître roi d'Italie : mais voiant que ce prince avoit fait fa paix avec l'empereur Lothaire par la mediation de faint Bernard: ils prierent le faint abbé de les reconcilier auffi avec l'empereur &

nard.

ep. 132.133

vec le pape Innocent, qui les avoit excommu- AN. 1134niez & ôté à leur ville la dignité de métropole. Saint Bernard leur écrivit pour les feliciter de leur retour à l'unité de l'églife, & du defir qu'ils témoignoient de rétablir la paix dans le païs: sexcufant de ne pas aller chez eux, parce qu'il étoit preflé de fe trouver au concile & promettant de les fatifaire au retour.

ques

Vita S. Bern. 12.0

Etant arrivé à Pife il affifta au concile, qui fur grand comme étant compofé de tous les évêd'Occident. Le faint abbé affiftoit à toutes les déliberations & à tous les jugemens : il étoit refpecté de tout le monde, & on voïoit les évêques attendre à fa porte: mais ce n'étoit pas le fafte qui le rendoit de difficile accès, c'étoit la multitude de ceux qui vouloient lui parler: en forte que malgré fon humilité, il fembloit avoir toute l'autorité du pape. En ce concile on excommunia de nouveau Pierre de Leon, & on dépofa fes fauteurs fans efperance de rétabliffement. Alexandre ufurpateur de l'évêché de Liege y fut dépofé, & mourut de chagrin peu de tems après qu'il en cut appris la nouvelle. On raporte auffi à ce concile la canonifation de faint Hugues de Grenoble faite à Pife par le epift. ult. pape Innocent, de l'avis des évêques & des cardinaux comme il paroît par fa lettre du vingtdeuxième d'Avril, adreflée à Guigues pricur de la Chartreufe, à qui il ordonne d'écrire de la vie du faint, comme en aïant une connoiffance particuliere, & Guigues l'executa.

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to. x.conc. f. 990.

Au retour du concile plufieurs prelats étant encore en Tofcane, furent attaquez min & maltraitez. Leur troupe étoit grande, Petr. Clun. compofée d'archevêques, d'évêques, d'archiep. 27. diacres, & d'autres clercs diftinguez, d'abbez & de moines. Ils furent difperfez, pillez, bleffez, poursuivis l'épée à la main, quelques-uns

AN. 1134. pris & enfermez dans les châteaux voifins. L'ar chevêque de Reims après avoir été infulté & i bleffé, fans refpect pour fon âge & fa dignité, fut mis en prifon : l'évêque de Perigueux fut traité de même. L'archevêque de Bourges & celui de Sens aïant perdu prefque tout ce qu'ils avoient, arriverent à grand'peine à Pontremo li mais ils y furent arrêtez pour la feconde fois avec l'archevêque d'Embrun, l'évêque de Troyes bleflé d'un coup de lance, qui l'avoit fait tomber de fon cheval, les évêques de Limoges, d'Arras, de Bellai, de Rennes, & d'autres les abbez de faint Martial de Limoges, de Vezelai, de faint Germain de Paris, de Corbie, de Bourgueil, & plufieurs autres: la ville de Pontremoli étoit remplie de ces prelats. Pierre abbé de Clugni, qui étoit de leur troupe, s'y rendit avec eux, & à leur priere il écrivit au pape Innocent cette lamentable histoire, le priant d'exercer en cette occafion la feverité de fa juftice; & d'étendre la punition non.seulement fur les auteurs du crime, mais fur tout le diocefe de Lune, dont l'évêque au lieu de les accompagner toute une journée, n'avoit pas fait avec eux une lieuë. Mais les cenfures ecclefiaftiques étoient de foibles armes contre de tels ennemis.

XXV. S. Bernard à Milan. Vita lib. 11.C.2.8.9.

Après le concile de Pife le pape envoïa faint Bernard à Milan où il étoit tant defiré, & avec lui deux cardinaux, Gui évêque de Pife & Matthieu évêque d'Albane pour reconcilier à l'églife les Milanois, & les abfoudre du fchifme où leur archevêque Anfelme les avoit engagez. Saint Bernard fit trouver bon au deux cardinaux de mener avec eux Geoffroi évêque de Chartres, dont il avoit reconnu le merite en plufieurs occafions. Les Milanois vinrent à grandes troupes au-devant du faint abbé juf

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ques à fept milles. Ils lui baifoient les pieds fans AN. 114 qu'il pût s'en défendre, ils arrachoient des poils de fes habits pour fervir de remede aux maladies: ils marchoient devant & après avec des acclamations de joie, & le conduifirent ainfi à fon logis. On traita en public de l'affaire pour laquelle le faint abbé & les cardinaux étoient venus: toute la ville fe foùmit, l'église fut reconcilliée, & la paix établie entre les peuples. Pendant ce fejour de Milan, faint Bernard ". 10, fit plufieurs miracles, principalement fur des poffedez: il les artribuoit à la foi de ce peuple, & le peuple à la vertu du faint abbé. On -lui amena une femme connuë de tout le mon1 de, tourmentée depuis fept ans de l'efprit malin, le priant de la delivrer. Le faint homme étoit confus de l'opinion qu'on avoit de lui; & l'humilité lui défendoit d'entreprendre des chofes extraordinaires : d'un autre côté il rougiffoit d'avoir moins de foi que ce peuple, & craignoit d'offenfer Dieu en fe défiant de fa toutepuiflance: enfin il s'abandonna au faint-Efprit; & s'étant mis en priere, il chaffa le demon & rendit la femme tranquille. Les affiftans tranfportez de joïe & levant les mains au ciel, rendirent graces à Dieu; & le bruit s'en étant répandu par la ville, la mit toute en mouvement on s'affembloit de tous côtez, on ne parloit que de l'homme de Dieu, on ne pouvoit fe raffafier de le voir, ou de l'entendre: on s'empreffoit pour le toucher, ou recevoir fa benediction.

Il delivra encore d'autres poffedez par la vertu de la fainte cuchariftie, par l'eau benite & le figne de la croix il guerit auffi plufieurs malades; & la foule du peuple étoit fi grande à fa porte depuis le matin jufques au foir, que la foiblefle de fon corps n'y pouvant refifter,

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