AN. 1134. n. 28. il fe mettoit aux fenêtres pour se montrer & leur donner fa benediction. Ils aportoient du pain & de l'eau qu'ils lui faifoient benir, & les gardoient comme des chofes facrées. On accouroit à Milan pour le voir des villages & des villes voifines. Il guerit plufieurs malades de la fievre, leur impofant les mains & leur faifant boire de l'eau benite: il rétablit des mains feches & des membres paralytiques en les touchant; il rendit la vue à des aveugles par le figne de la croix en prefence de plufieurs témoins. Au milieu de tant de miracles & de tant d'applaudiffemens, le faint abbé conferva toûjours une humilité profonde; & refufa conftamment l'archevêché de Milan, qu'on le Bern. ep. preffoit opiniâtrement d'accepter. Ribalde fut donc élû archevêque à la place d'Anfelme schifmatique, & le pape rendit à Milan la dignité de métropole qu'il lui avoit ôtée. Saint Bernard y fit tant de converfions, qu'il y eut de quoi peupler un nouveau monaftere de fon ordre, qui fut fondé dans le voisinage l'année fuivante epift. 134. 1135. & nommé Caravalle. De Milan il paffa epift. 134. par ordre du pape à Pavie & à Cremone pour pacifier la Lombardie: mais les Cremonois enAez de leur profperité, ne profiterent point de fa mediation. 1320 XXVI. Fin du Le cardinal Matthieu évêque d'Albane retourna à Pife malade d'un cours de ventre, qu'il avoit contracté tant par la fatigue du voïage, Petr. Clun. que par l'ardeur du foleil, car c'étoit l'été. Il cardinal Matthieu. combattit pendant quatre mois & demi contre fon mal, fans vouloir fe mettre au lit, ni rien omettre de fes occupations ordinaires. Il travailloit affiduement à la cour du pape aux affaires ecclefiaftiques, il s'aquittoit fidelement de l'office divin & de la longue pfalmodie de Clugni, & difoit tous les jours la meffe suivant la routune. Il refifta ainfi depuis le quinziéme de AN. 1134. Juillet, jufques au premier de Decembre, fans que perfonne lui pût perfuader de fe menager. Enfin la premiere femaine de l'Avent la nature défaillant, il fut obligé de fe mettre au lit; & voiant que fa fin étoit proche, il appella les moines qui le fervoient, & les chargea de faluer de fa part l'abbé & les principaux officiers de Clugni, & fur tout fes chers enfans de faint Martin des champs. Il faifoit fa confeffion à tous ceux qui c, 20 le venoient voir, & leur demandoit l'abfolution fuivant l'ufage monaftique : c'est-à-dire leurs prieres pour la remiffion de fes pechez. En recevant le viatique il fit fa profeffion de foi fur 6.22€ ce facrement, & dit: Je confeffe que ce facré corps de mon Sauveur cft vraiment & effentiellement celui qu'il a pris de la fainte Vierge, qui a été crucifié pour le falut du monde, qui eft reffufcité & monté au ciel, & qui viendra juger les vivans & les morts: par lequel j'efpere lui être incorporé, devenir un avec lui, & avoir la vie éternelle. Il mourut far la cendre & le cilice, le matin du jour de Noël, & fut enterré le len- . 23à demain, après que le pape cut celebré lui-même la meffe folemnelle fur le Cependant faint Bernard revint en France; & comme il paffoit les Alpes, les paftres def- Retour de cendoient du haut des rochers, & lui demandoient de loin fa benediction: puis ils retournoient à leurs troupeaux; fe réjouiffant de l'a- 18. voir vû, & de ce qu'il avoit étendu la main fur eux. Arrivant à Clairvaux il fut reçu par fes freres avec une joie qui éclatoit fur leurs vifages, mais fans préjudice de la gravité & de la modeftie religieufe. Il ne trouva rien de dérangé dans fa communauté après une fi longue abfence: ni plaintes à écouter, ni differends à appaifer, l'union s'y étoit conferyée parfaite. Ceux corps. XXVII. S Bernard. Via.ib. It. c. So the AN 1134. 28. dont il prenoit confeil, favoir fes freres & le pricur Geofroi, depuis évêque de Langres, Îui reprefenterent que le monaftere ne pouvoit plus fuffire à une communauté fi nombreuse & qu'il étoit bâti dans un licu trop ferré pour pouvoir l'étendre lui en montrant un plus commode. Le faint abbé leur dit : Vous voiez que cette maison a été bâtie à grands frais; si nous l'abattons les gens du monde nous accuseront de legereté, ou diront que les richeffes nous font tourner la tête : quoique nous ne soïons point riches: car vous favez que nous n'avons point d'argent, & par confequent il y auroit de la temerité, felon l'évangile, à entreprendre un Luc. XIV. bâtiment. Ils répondirent: Cela feroit bon fi depuis que nôtre maifon eft achevée, Dieu avoit ceflé d'y envoier des habitans: mais puis qu'il augmente tous les jours fon troupeau, il faut chaffer ceux qu'il envoïe, ou pourvoir à leur logement; & il ne faut pas douter qu'il n'en prenne foin lui même. L'abbé fe rendit; & le deffein du nouveau bâtiment étant dévenu public, Thibaud comte de Champagne donna de grandes fommes pour cet effet, & en promit encore plus ; les évêques voifins, les nobles, les riches marchands y contribuerent volontairement & avec joie : les moines travaillerent euxmêmes avec les ouvriers à tailler les pierres, à maçonner, à couper le bois, à conduire l'eau de la riviere par des canaux: ainfi ce grand ou vrage fut achevé beaucoup plûtôt qu'on ne l'ef peroit. XXVIII. L'abbé Rupert & Les écrits. C'eft le tems où murat l'abbé Rupert fameux par fes écrits. Il fut premierement moine à faint Laurent près de Liege, où il eut pour maîtres Berenger abbé de ce monaftere, & Heribrand fon fucceffeur. Il passa sa vie à étudier & compofer des livres, dont le premier fut celui des divins offices, écrit en 1111. Il fit enfuite des commentaires fur l'écriture, fuivant un deffein qu'il s'étoit propofé, de raporter tout ce qu'elle contient, aux œuvres des trois perfonnes de la fainte Trinité. L'œuvre du Pere eft la creation, depuis le commencement jufques à la chute du premier homme, l'œuvre du Fils eft la redemption, depuis cette chute jufques à la paffion de JESUS-CHRIST, ce qui comprend la plus grande partie des livres faints. L'œuvre du Saint-Efprit eft le renouvellement de la creature, depuis la refurrection de JESUS-CHRIST jufques à la fin du monde. Il dedia ce grand ouvrage en 1117. à Cuno abbé de Sigeberg, & depuis évêque de Ratisbone fon protecteur qui le fit connoître à Frideric archevêque de Cologne ; & ce prelat le fit abbé de Duits vis-à-vis de la même ville. epift. ad Cun. pro Div. Off. Lib. 11. in Quelques-uns fe plaignoient que Rupert & les autres favans de ce tems écrivoient trop; & ils difoient, comme il le raporte lui-même: Les écrits des faints nous fuffifent, nous ne pouvons pas même lire tout ce qu'ils ont écrit: beaucoup moins ce que ces docteurs inconnus & fans autorité écrivent de leur tête. On reproche en particulier à Rupert d'avoir dit, que la fubftance du pain & du vin n'eft point changée dans l'eucharistie, non plus que la fubftance du Verbe dans l'incarnation. Mais il explique luimême, en disant, que la fubftance du pain & du vin n'eft point changée quant aux efpeces fenfibles; & il dit ailleurs nettement: Croïons fur la parole du Sauveur ce que nous ne voïons pas, c'eft-à-dire que le pain & le vin a paffé dans la vraie fubftance de fon corps & de fon fang. Il s'en explique encore en plufieurs autres endroits de fes ouvrages. L'abbé Rupert mourut le quatrième de Mars 1135. & quelques-uns l'ont p. 299. Cun ante epift. ad Evan. Jo. v. Gerber. apel. Rup. pro Bol. 4. Mart.to 6 AN. 1135. XXIX. S. Bernard pafle en Aquitaine. c. 6 n. 34. V. ep. 1.6. ibi.n. Vita n. 36. P. 348. compté entre les faints. Son nom eft le même Le duc d'Aquitaine, feul appui du schisme deçà les Alpes, étoit Guillaume IX. du nom, né l'an 1099. qui fucceda en 1126. à GuillauBoll. 10. me VIII. fon pere. Il reconnut d'abord le pape Feb. to. 4. Innocent, puis il fe laiffa entraîner dans le fchifme par l'évêque d'Angoulefime. Aïant infulté les moines de faint Jean d'Angeli le jour même de la S. Jean, lorfqu'ils celebroient l'office, & enlevé les offrandes, il leur en fit reparation en plein chapitre: puis en leur prefence & de fes barons, il alla à l'églife nuds pieds, des verges à la main ; & profterné à terre devant l'autel, il fe reconnut coupable; & pour reparation, fit au monaftere une donation confidera 2 |