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AN. 1103.

roi. Le roi dit en colere & avec ferment: Il ne facrera point l'un fans les autres de mon vivant. Guillaume avoit été élû pendant l'exil d'Anfelme mais il ne vouloit ni confentir à l'élection, ni recevoir la crosse de la main du roi, ni s'ingerer au gouvernement de l'églife. Anfelme étant de retour lui donna la croffe à la priere du clergé & du peuple, & du confentement du roi.

Sur le refus que faifoit Anfelme de facrer les deux autres, le roi ordonna à Girard archevêque d'Yorc de les facrer tous trois: mais Reinelme nommé à Herford rapporta au roi la croffe & l'anneau fe repentant de les avoir pris de fa main, de quoi le roi irrité le chaffa de la cour. Girard prit jour avec tous les évêques d'Angleterre pour facrer les deux autres, Guillaume & Roger: on cominença la ceremonie, & cn en vint à l'examen des deux élûs : quand Guillaume faifi d'horreur, déclara qu'il aimoit mieux être dépouillé de tout, que de confentir à une ordination fi irreguliere. Les évêques chargez de confufion & des reproches du peuple fe retirerent, on mena Guillaume au roi; & ce prélat demeurant ferme dans fa réfolution, fut chaffé du roïaume & dépouillé de tous fes biens. Anfelme en demanda juftice, mais inutilement.

Vers la mi-carême de l'an 1103. le roi vint à Cantorberi fous prétexte d'aller à Douvres traiter quelque affaire avec le comte de Flandres, mais en effet, pour preffer l'archevêque de ne lui plus contefter fes anciens droits. AnSup. n. 21. felme répondit: Ceux que j'ai envoïé à Rome pour s'informer du rapport des évêques, font revenus, & ont rapporté des lettres: je prie qu'on les life, pour voir s'il s'y trouvera quelque chofe qui me permette de condefcen

.

dre à la volonté du roi. Le roi répondit: Je ne AN. 110}, fouffrirai plus de ces détours, je veux une décifion qu'ai-je affaire du pape pour regler mes droits? Quiconque me les veut ôter eft mon ennemi. Enfin il fit dire à l'archevêque, qu'il le prioit d'ailer lui-même à Rome, & de s'efforcer d'obtenir pour lui ce que les autres n'avoient pû. Anfelme vit bien ou tendoit cette propofition, c'eft-à-dire à le faire fortir du roïaume, & il fit convenir le roi de differer jufques à Pâques, pour prendre l'avis des évêques & des feigneurs. Pâques cette année fut le ving-neuviéme de Mars. Anfelme vint à la cour; & d'un commun avis on le pria de faire le voïage de Rome. Puifque vous le voulez, dit-il, je le ferai nonobftant mon âge & la foibleffe de ma fanté: mais fachez que je ne demanderai rien au pape qui puiffe nuire à mon honneur, ou à la liberté des églises. On convint que le roi envoieroit un député de fa part. Anfelme quitta donc la cour après les fêtes, voulant fortir au plûtôt d'Angleterre, & s'embarqua le vingt-feptiéme d'Avril 1103. Il arriva à Guiffand, paffa à Boulogne, entra en Normandie & vint au Bec, où il ouvrit la derniere lettre qu'il avoit reçue du pape, & qu'il n'avoit pas voulu ouvrir plûtôt; pour ne pas donner prétexte au roi de la contefter. Elle étoit datée du douzième de Decembre 1102. & por- epift. toit un defavcu formel de ce que les évêques envoïés par le roi d'Angleterre lui avoient rapporté. C'est-à-dire, que le pape ne condamnoit. point les inveftitures, mais qu'il n'avoit pas voulu le déclarer par écrit, de peur de s'attirer les plaintes des autres princes. Le pape ajoûte: Nous prenons à temoin JESUS qui fonde les cœurs, que jamais une penfée fi criminelle ne nous eft tombée dans l'efprit;& Dieu nous garde

XXVIII.

s. Anfelme retourne à Rome.

tc. x, con

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Sup. liv. LX. V. 4.

d'avoir autre chofe à la bouche que dans le cœur. Et enfuite: Quant aux évêques qui ont changé la verité en menfonge, nous les excluons de la grace de faint Pierre & de nôtre focieté, jufqu'à ce qu'ils fatisfaffent à l'église Romaine : & nous déclarons excommuniés ceux qui pendant ce délai ont reçu l'inveftiture ou l'ordination, & ceux qui les ont ordonnés.

Anfelme étoit à Chartres à la Pentecôte, & vouloit paffer outre, quand l'évêque Ives & d'autres perfonnes fages lui confeillèrent de ne pas s'expofer aux chaleurs d'Italie en cette faifon. Il retourna donc au Bec, où il demeura jufqu'à la mi-Aouft, s'appliquant infatigablement à l'édification des moines. Enfin il arriva heureufement à Rome, & y trouva l'envoïé du roi qui l'avoit prévenu de quelques jours. C'étoit Guillaume de Varelvaft, depuis évêque d'Exceftre, le même que le roi Guillaume le roux avoit envoié à Rome pour la même affaire quelques années auparavant. Anfelme fut logé au palais de Latran dans le même appartement que le pape Urbain II. lui avoit donné. Le pape Pafcal aiant marqué le jour pour examiner l'affaire, Guillaume de Varelvaft plaida la caufe du roi avec beaucoup d'éloquence: reprefentant l'état du roïaume d'Angleterre, les bienfaits des rois envers la cour de Rome, qui leur avoient attiré des privileges particuliers du S. fiege: qu'il feroit dur & honteux au roi fon maître de perdre les avantages de fes prédeceffeurs; & que les Romains même en fouffriroient un préjudice notable, qu'ils ne repareroient pas quand ils le voudroient.

Ce difcours toucha quelques-uns des Romains qui fe déclarerent hautement pour le roi. Anfelme gardoit le filence attendant le jugement du pape ; & Guillaume croïant qu'il alloit

prononcer en fa faveur ajoûta: Quoique l'on AN. 110. dife de part ou d'autre, je veux que tous les affiftans fachent que le roi mon maître ne souffrira point qu'on lui ôte les inveftitures, quand il en devroit perdre fon roiaume. Alors le pape dit: Sachez auffi, je le dis devant Dieu, que le pape Pascal ne lui permettra jamais de les garder impunément, lui en dût-il coûter la tête. Les Romains applaudirent à ce difcours ; & par leur confeil le pape accorda au roi d'Angleterre quelques ufages de fes prédeceffeurs, lui défendant abfolument les inveftitures des églises, & le déchargea de l'excommunication prononcée par le pape Urbain, fans toutefois en décharger ceux qui avoient reçu de lui les investitures, ou qui les recevroient à l'avenir. Anfelme prit enfuite congé du pape, qui lui donna une lettre confirmative des droits de fa primatie, datée du fciziéme de Novembre 1103,

to. x cone.

epift. 45.

3 Nover,

Mais Guillaume de Varelvaft demeura à Rome, fous prétexte d'un vœu qu'il difoit avoir fait d'aller à faint Nicolas de Bari: & en effer, pour effaïer fi en l'abfence d'Anfelme il pourroit faire changer au pape de refolution. Il n'y réiiffit pas, & obtint feulement une lettre pour le roi d'Angleterre datée du vingt-troifiéme de Novembre, où le pape témoignant à ce prince une amitié finguliere, l'exhorte par les motifs ap. Edmer. les plus preffans, principalement par fa propre p. 67. gloire, à renoncer aux inveftitures, & à peller Anfelme, lui demandant une prompte réponfe. Guillaume de Varelvaft rejoignit Anfel me à Plaisance, & vint avec lui jusques à Lion: où ils arriverent vers Noël, & Anfelme s'y arrêta pour celebrer la fête. Mais Guillaume youlut paffer outre, & lui dit en partant: Comme j'efperois que nôtre affaire auroit à Rome un autre fuccès, j'ai differé jufques ici de vous dé

rap

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XXIX. Galon évêque de Beauvais. Sup. n. 11.

clarer les ordres du roi. Sachez donc que fi vous retournez en Angleterre dans le deffein de vivre avec lui comme vos prédeceffeurs, il vous y recevra volontiers. Anfelme répondit: N'en dites pas davantage, je vous entends. Ils fe léparerent ainfi; & Anfelme demeura à Lion honoré par l'archevêque Hugues, comme s'il eût été lui-même archevêque & le feigneur de

la ville.

En France l'élection d'Etienne de Garlande pour l'évêché de Beauvais aïant été caffée, comme j'ai dit, on élut à fa place Galon abbé de faint Quentin de la même ville. Sur quoi Ives de Chartres, qui comme enfant de l'églife de Beauvais, prenoit toûjours fes interefts, écrivit Iv. ep.102. à Manaflés archevêque de Reims, pour le preffer de facrer Galon: dont il favoit que la cour vouloit traverser l'élection. Vous favez, dit-il, que le huitiéme concile approuvé par l'églife Romaine, a défendu aux rois de fe mêler de l'élection des évêques ; & que les rois de France Charles & Louis, ont accordé aux églises ces élections, comme ils l'ont écrit dans leurs capitulaires, & ont permis aux évêques de l'ordonner dans les conciles provinciaux. Et ne vous arrêtez pas à ce qu'on a dit malicieusement au roi de la condition fervile des parens de Galon car fa naiffance eft honnête quoique mediocre, & il n'y a homme vivant qui puiffe prouver qu'elle foit fervile.

epift. 104.

Ives écrivit auffi fur ce fujet au pape Pascal en ces termes : La plus faine partie du clergé de Beauvais, de l'avis des feigneurs & du confentement du peuple, a élu pour évêque Galon, homme d'une vie exemplaire, inftruit des bonnes lettres & de la difcipline de l'églife. Quelques-uns toutefois du parti d'Etienne qui a été refufé, & qu'il avoit gagnez

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