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LXXX. Tentative Pour l'évê

ché de Tournai.

Narr. 12 ton, S.ic.

P 480

Sup. 117. LXIV. 45.

lettre de faint Bernard au pape Innocent II. Pierre le Venerable abbé de Clugni, écrivit auffi au pape en cette occafion une lettre, où avec beaucoup de difcretion & de refpect, il lui reprefente la dignité du roi & du roïaume de France, l'importance de l'affaire & le péril dont l'églife étoit menacée, & le prie d'ufer de condefcendance à l'égard du jeune roi: fans toutefois s'ingerer à donner au pape aucun confeil particulier.

Le clergé de Tournai voulut profiter de la divifion excitée entre le pape & le roi pour l'affaire du comte de Vermandois, dans laquelle Simon fon frere évêque de Noïon fe trouvoit enveloppé. Ils voulurent donc reprendre la procedure commencée fous le pape Urbain II. & Continuée fous Pascal, pour le rétabliffement de l'évêché de Tournai. Pour cet effet ils députerent à Rome Herman abbé de S. Martin, qui aiant expliqué l'affaire au pape Innocent, en obtint des lettres, par lefquelles il ordonnoir au clergé de Tournai d'élire un évêque, le prefenter à l'archevêque de Reims pour être facré; & s'il le refufoit, 1 amener au pape. En confequence de cet ordre, Abfalon abbé de faint Amand fut élû évêque de Tournai, & l'élection. notifiée à l'archevêque de Reims : mais il dit, qu'il n'ofoit facrer cet évêque, par la crainte du roi & du comte de Vermandois. Ils furent donc obligés de renvoïer à Rome; mais l'évêque élû ne voulut pas y aller craignant que cour de Rome ne fe laiffât gagner pour changer de fentiment, & qu'il ne reçût un honteux refus. Les députez du clergé de Tournai étant arrivez à Rome, montrerent leur decret d'élection au pape, qui les reçut agréablement; & ils attendoient de jour en jour la réponse décifive quand on apptit tout d'un coup, que

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Simon évêque de Noïon les avoit fuivis & étoit à Rome. Il fe plaignit au pape de l'élection que les clercs de Tournai avoient faite au préjudice du ferment qu'ils lui avoient prêté, comme à leur évêque mais le pape répondit, qu'il les avoit abfous de ce ferment, & qu'ils n'avoient rien fait que par fon ordre. Herman qui étoit à la tête des deputez de Tournai répondit, qu'ils n'avoient porté au pape aucune plainte contre l'évêque de Noion; & que l'élection d'un autre évêque ne venoit d'aucune mauvaise volonté contre lui, mais du besoin de leur églife. Que le diocese de Tournai contenoit plus de neuf cens mille ames; & que vêque favoit bien lui-même, que depuis dix aus il en étoit mort plus de cent mille fans avoir reçu la confirmation, & plus de dix mille pecheurs fans avoir reçu la penitence de la main de l'évêque. Le pape étonné de ce discours, confirma publiquement l'élection de l'évé que de Tournai, & promit d'y mettre la derniere main. Les deputez s'attendoient à voir l'affaire inceffamment terminée : mais le pape les retint encore plus de quinze jours, pendant lefquels l'évêque de Noïon diftribua cinq cens marcs d'argent dans la cour de Rome, & rentra ainfi dans les bonnes graces du pape, qui lui fit embraffer les députez de Tournai, & promettre de ne garder aucun reffentiment contre eux pour cette élection; & lui donna des lettres, par lefquelles il déclaroit qu'il n'avoit point changé de volonté, mais qu'il en differeroit l'execution, jufqu'à ce qu'il affemblât un concile d'évêques & de metropolitains pour confirmer l'élection. Ainfi les deputez de Tournai fe retirerent confus. Pierre de Clugni écrivit alors à faint Bernard une grande lettre, où il traite encore des diffe. Clugui. Tome XIV,

A a

LYXXI. Ecrits de Pierre de

Petr. Iv ep. 17. Bern. ep.

229.

faint

rends entre Cugni & Cifteaux, mais avec plus de douceur qu'il n'avoit fait dans fa premiere défenfe. En celle-ci il marque avec les expreffions les plus fortes fon affection pour Bernard & pour tout l'ordre de Cifteaux; & il ajoûte : Il faut que cette charité foit bien ar. n. 2c. dente, puifqu'elle n'a pû être éteinte ni par 17. l'affaire des dîmes, ni par celles de Langres.

2. 24

J'ai parlé de l'une & de l'autre en leur tems. L'abbé vient ensuite à la premiere fource de leur divifion, qui eft la diverfité des coûtumes entre ceux qui font profeffion d'obferver la même regle de faint Benoît. A quoi il répond par l'exemple de l'églife, où les diverfes nations & même les églifes particulieres gardent leurs ufages differens en tout ce qui n'eft point contraire à la foi, fans alterer l'union & la charité. Entrant dans le détail, il prétend montrer de même que les differentes pratiques de Clugni & de Cifteaux dans la reception des novices, ou des fugitifs, dans la quantité & la qualité des habits, dans les jeunes, le travail des mains, & de tout le refte : que ces differentes pratiques ont été introduites à bonne intention & par principe de charité, qui eft l'effentiel de la regle de faint Benoît.

La feconde fource de divifion étoit la cou→ leur des habits, qu'il tient indifferente dans le fond, puifque la regle n'en parle point; mais il montre que le noir convient mieux aux moines par l'exemple des anciens, particulierement de faint Martin. Il marque en passant qu'en Efpagne on portoit le deuil en noir; ce qui étoit aters fingulier à ce païs. Enfin il découvre la principale fource de divifion, qui est l'orgueil & l'envie. Les moines noirs ne peuvent fouffrir qu'on leur prefere des nouveaux venus ; & les blancs fe felicitent d'être plus

parfaits & plus cftimez que les autres, comme les reftaurateurs de l'obfervance reguliere. Ces penfées font perdre le fruit de l'austerité & de la reforme, faifant perdre l'humilité, & par confequent la charité. A la fin de cette lettre Pierre de Clugni marque à faint Bernard; qu'il lui cnvoïe la version de l'Alcoran de Mahomet; & lui demande fon traité du precepte & de la difpenfe.

Or encore que l'abbé Pierre défendît autant qu'il lui étoit poffible les pratiques de fon ordre, il ne laiffa pas de s'appliquer ferieufement à en corriger les abus. Dès l'année 1132 il tint un chapitre general à Clugni, où le trouverent deux cens prieurs & douze cens moines. Il y augmenta les jeûnes, ôta les converfations & quelques foulagemens du corps accordez par fes predeceffeurs, imitant les Cifterciens. Toutefois cedant aux remontrances des freres, il adoucit en plufieurs points la rigueur de cette reforme. C'eft ainfi qu'en parle le moine Orderie Vital, qui avoit affifté à ce chapitre.

oder. lib.

x11. p.

896.

art. 10.

Quatorze ans après, c'est-à-dire en 1146. Bibl. Clun l'abbé Pierre recueillit les ftatuts qu'il avoit p. 13549 faits depuis vingt-quatre ans qu'il étoit abbé, & les redigea en foixante & feize articles, où l'on voit la correction de plufieurs des abus que l'on reprochoit aux moines de Clu gni, & fur chaque article il rend raifon du changement. Défenfe de manger de la graiffe les vendredis, nonobftant l'ancien ufage. Défenfe d'ufer d'hypocrat, c'eft-à-dire de vin mêlé de miel & d'épices. Défenfe de manger de la viande, finon en maladie. C'eft que les moines de Clugni fe donnoient fur ce point autant ou plus de liberté que les feculiers: comme on voit par une lettre vehemente du même abbé à tous les prieurs de l'ordre. Défense

Sup. live LXII.

61.

a II.
4. 12.

vi. ep. isi

a. 14.

19. 20. 21.

de fe difpenfer du jeûne prefcrit par la regle depuis la mi- Septembre jufques au carême, excepté pour certaines fêtes en petit nombre: au lieu qu'on les avoit multipliécs pour diminuer les jeûnes. Défenfe de porter des étoffes & des fourrures précieuses, qui font specifiées 16. 17. 19. en particulier. Ordonné de garder le filence à l'infirmerie, dans la chambre des novices, au 22. refectoire & toûjours pendant le carême. On retranche plufieurs menues pratiques qui n'étoient plus ferieufes, parce que les raifons en avoient ceffé. Défenfe de recevoir aucun moine dans l'ordre fans la permiffion de l'ab35 bé de Clugni: parce qu'on rempliffoit les maifons de perfonnes inutiles. On ne donnera l'habit monaftique à perfonne avant l'âge de vinge 36.37 ans. On éprouvera les novices au moins pen

26.27 28.

Bibl. Clun. P. 1109.

dant un mois. On rétablira le travail des mains autant qu'il fera poffible. On voit par les raifons qui font rapportées de ces reglemens, le relâchement qui s'étoit déja introduit dans l'ordre de Clugni.

Quant à la verfion de l'Alcoran, l'abbé Pierre la fit faire en Espagne, où il étoit allé vifiter les maifons de fon ordre. Il fit premierement traduire en latin, une refutation des erreurs de Mahomet compofée en arabe ; & parce que Pierre de Tolede, qu'il emploïa à faire cette traduction, favoit mieux l'arabe que le latin, il le fit aider par le moine Pierre fon fecretaire. L'abbé de Clugni fit enfuite traduire l'Alcoran même, par un Anglois nommé Robert archidiacre de Pampelune & un autre favant nommé Herman de Dalmatie, qu'il trouva l'un & l'autre cn Efpagne; où ils étudioient l'aftronomie ; & les engagea paiant largement. L'intention de l'abbé de Clugui fut de fuivre l'exemple des peres: qui

à

ce travail en les

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