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& le roi par terre, pendant près de quatre AN. 1147. mois, & la prirent enfin à compofition le jour de fainte Urfule vingt-unième d'Octobre. Les conditions furent que la ville demeureroit au roi Alfonfe, & que tout le butin appartiendroit aux croifez. Ainfr cette grande ville fut reduite à l'obéïssance des Chrétiens, & ce fut tout le fruit de cette partie de la croisade.

Cependant le pape Eugene fatigué par les feditions des Romains, vint en France; & fur reçu à Paris par le roi Louis & l'évêque Thibaud, auparavant prieur de faint Martin des champs. Ils allerent au devant du pape, & l'amenerent en grande folemnité à l'églife de nôtre-Dame. Quelques jours après le pape voulut aller dire la meffe à fainte Genevieve, & quand il y fut arrivé, les officiers de l'église étendirent devant l'autel un drap de foye, où il fe profterna pour faire fon oraifon. Énfuite il entra dans la facriftie & fe revêtit pour la meffe. Cependant les officiers du pape prirent le drap du pied, difant qu'il leur appartenoit felon la coûtume: de quoi les ferviteurs des chanoines étant irritez, ils voulurent le leur arracher, & en tirant de part & d'autre ils le mirent en pieces: puis ils en vinrent aux coups de poing & de bâton. Le roi lui-même voulant appaifer le tumulte, fut frappé dans la foule."

Les officiers du pape vinrent fe plaindre, lui montrant leurs habits déchirez & leurs vilages enfanglantez le pape en demanda juftice au roi; & comme d'ailleurs la vie de ces chanoines étoit peu reguliere, le pape & le roi convinrent de donner la maifon de fainte Genevieve à des moines noirs, c'est-à-dire de Clugui, laiffant toutefois les prebendes aux anciens chanoines, leur vie durant. Le roi partant pour la croifade, laiffa l'execution de ce projet au

XXII. Reforme

a fainte Genev.

Vita S Guill. Rofch. 6.

April.

Bol⋅ to. g. P. 626.

AN. 1147. Eugen. ep. 1. 14. 15.

pape

& à l'abbé Suger ; & on étoit prêt à recevoir à fainte Genevieve huit moines de faint Martin des champs, quant à la priere des 16. 18. 19. anciens chanoines, le pape changea d'avis

20.

Gefta Lud.

ci 4.

Clun. P. 1623.

& leur permit d'y mettre des chanoines reguliers tirez de faint Victor, ce qui fut executé par l'abbé Suger. Odon prieur de faint Victor, fut le premier abbé de fainte Genevieve depuis cette reforme.

Le roi Louis le jeune avant que de partir pour la terre fainte, alla à faint Denis felon la coûtume, prendre congé des faints Martyrs & Chr. Bibl. recevoir le bourdon de pelerin & l'Oriflame. Il partit le famedi d'après la Pentecôte quatorziéme de Juin 1147. & prit la même route que le roi Conrad par l'Allemagne & la Hongrie : mais ils ne marchoient pas enfemble, à cause de la grandeur de leurs armées, & de la diverfité des nations dont elles étoient compofées, qui pouvoit caufer de la divifion. Ils avoient chacun un legat du pape: avec le roi des Romains étoit Theotin Alleman de nation, évêde Porto; & avec le roi de France Gui de Florence, prêtre cardinal du titre de faint Chryfogone.

XXIII. Erreurs de Gilbert de la Poirée.

to. X. conce

p.cs.

1121.

Gauf Claraual. v. Mabill. praf. in

Bern.n 58.

que

Le pape Eugene étoit à Paris dès la fête de Pâques, qui cette année 1147. fut le vingtiéme d'Avril, & à cette fête il tint une affemblée, où furent examinées les erreurs de Gilbert de la Poirée évêque de Poitiers. Ce prelat natif de Poitiers même, avoit paffé fa vie à étudier la philofophie en divers lieux de France; & avoit eu entre autres pour maîtres les deux freres, Anfelme & Raoul de Laon. Il paffoit lui-même pour grand docteur, & fes mœurs avoient beaucoup de gravité : mais il donnoit trop dans les fubtilitez de la dialectique. Dès la premiere année du pontificat d'Eugene, c'est-à-dire l'an

1145. Gilbert fut accufé devant lui par Arnauld, AN. 1547. furnommé Qui ne rit, & Calon, tous deux archidiacres de Poitiers: pour quelques propofi tions touchant la fainte Trinité, qu'il avoit avancées en plein fynode. Les deux archidiacres s'étant mis en chemin pour aller à Rome, rencontrent à Sienne le pape qui venoit en France; & qui aïant appris le fujet de leur voïage, leur ordonna de fe trouver à Pâques à Paris: où il auroit plus de commodité d'examiner leur affaire, à caufe de la quantité de lettrez qui y demeuroient. Les archidiacres revinrent en France confulter faint Bernard, & l'exciterent à s'opposer aux erreurs de Gilbert.

Le concile fe tint à Paris au tems marqué; le pape y prefida affifté de plufieurs cardinaux ; il y avoit grand nombre de très-favans hommes, entre lefquels étoit faint Bernard. Gilbert de la Poirée étoit prefent. On produifit contre lui pour témoins deux docteurs Adam de Petitpont, chanoine de l'églife de Paris, & Hugues de Champfleuri chancelier du roi : qui affurerent par ferment avoir oui de fa bouche quelques-unes des propofitions qu'on lui reprochoit; & on produifit auffi contre lui un extrait de fon commentaire fur Boëce. Les principales erreurs dont on l'accufoit étoient: de dire que l'effence divine n'est pas Dieu : que proprietez des perfonnes divines ne font pas les perfonnes mêmes que les perfonnes divines ne font attribut en aucune propofition: enfin que la nature divine ne s'eft point incarnée, mais feulement la perfonne du Fils. L'évêque Gilbert nioit d'avoir jamais dit ou écrit, que la divinité ne foit pas Dieu : & produifoit pour témoins deux de fes difciples, Raoul évêque d'Evreux & depuis archevêque de Rouen, & un docteur nommé Ives de Chartres, que l'on

les

AN. 1147.

XXIV. Henriciens heretiques.

Vita Bern

croit être le chanoine de S. Victor, qu'Innocent II. avoit fait cardinal. S. Bernard étoit le principal adverfaire de l'évêque Gilbert en cette difpute, qui dura quelques jours: mais le pape en remit la decifion au concile qu'il devoit tenir l'année fuivante à la mi-carême.

La même année 1147. le pape Eugene envoïa à Toulouse en qualité de legat l'évêque d'Oftie Alberic, qui avoit déja été legat en lib. 1. c. Angleterre & en Syrie. C'étoit pour combattre l'heretique Henri difciple de Pierre de Bruis. Ils avoient prêché l'un & l'autre premierement en Dauphiné, puis en Provence, Bibl. Clun. d'où ils avoient paffé dans la province de Nar

6.

p. 1120.

bonne. On le voit par une lettre de Pierre abbé de Clugni, adreffée à Guillaume archevêque d'Embrun, Ulric évêque de Die & Guillaume de Gap: où il les felicite du fuccès de leurs travaux contre ces heretiques; & ajoûte: Paffant depuis peu par vos diocefes, j'ai trouvé que cette erreur avoit été chaffée de ces provinces pour la plus grande partie avec fes auteurs; mais j'y en p. 1122. B. ai trouvé auffi quelques reftes. Et enfuite: On a vû par un crime inoui chez les Chrétiens, rebaptifer les peuples, profaner les églifes, renverfer les autels, brûler les croix, foüetter les prêtres, emprifonner les moines, les contraindre à prendre des femmes par les menaces & les tourmens. Vous avez banni les chefs de cette fecte par le fecours des princes catholiques: mais il en refte des membres; comme j'ai dit. Il fe plaint enfuite, que Pierre de Bruis & Henri ont été reçus vers l'embouchure du Rône & à Toulouse, c'est-à-dire dans tout le Languedoc; & il emploïe cette lettre qui eft très-longue, à refuter leurs erreurs.

p. [1126.

Il commence par établir l'autorité des faintes écritures, , parce que l'on difoit

que ces

here

tiques

tiques les rejettoient toutes, ou en partie; & aprés avoir montré la verité du nouveau teftament, il s'en fert pour prouver l'autorité de l'ancien, puis il vient à leurs erreurs particulieres, qu'il réduit à cinq principales. La premiere, de rejetter le baptême des enfans, lous pretexte qu'ils ne peuvent croire, ni recevoir les inftructions. Sur quoi il dit ces paroles remarquables. Depuis environ cinq cens ans toute la Gaule, l'Espagne, la Germanie, l'Italie, enfin toute l'Europe n'a prefque baptifé que des enfans; d'où ils enfuit, felon vous, qu'elle n'a point eu de Chrétiens, ni par confequent d'églife; & que tous nos peres ont peri. La seconde crreur étoit de ne vouloir ni autels, ni églifes materielles. La troifiéme, de dire qu'il ne falloit ni adorer, ni honorer la croix ; mais la brifer & la fouler aux pieds. Sur quoi il leur fait ce reproche: Aïant fait un grand bucher de croix entaffées, vous y avez mis le feu; vous en avez fait cuire de la viande & en avez mangé le vendredi faint, après avoir invité publiques ment le peuple à en manger.

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le fa

les évê

La quatrième erreur étoit de dire, que crifice de la messe n'étoit rien, & que ques & les prêtres ne confacroient point le corps & le fang de JESUS-CHRIST Sur quoi Pierre de Clugni reproche aux nouveaux heretiques d'être pires que les Berengariens, qui ne nioient pas que le corps de JESUS CHRIST ne fût dans le facrement, au moins en figure. Enfin la cinquième & derniere erreur étoit de rejetter les prieres & les autres fuffrages pour les morts. Ils difoient encore, que c'étoit fe moquer Dieu, de chanter & le prier à haute voix. Pierre de Clugni répond fort au long à toutes' leurs objections, prouvant les veritez contraires par l'écriture & la tradition, & conTome XIV,

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