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Hiftoire Ecclefiaftique

P. 1229. C. clut en adreffant cet écrit aux évêques, comme à ceux à qui le foin de l'église cft confié, & à qui il convient principalement d'inftruire les peuples & de reprimer les heretiques.

Quelque tems après Pierre de Bruis fut brûlé à S. Gilles par les catholiques, en punition des croix qu'il avoit brûlées. Il avoit prêché fes erreurs pendant près de vingt ans. Henri fon difciple continua de les enfeigner, mais avec quelque changement, & ajoûta aux cinq articles que je viens de rapportter. C'eft ce que vid Pierre de Clugni dans un livre que l'on difoit avoir été recueilli de fes difcours. Je me fens, dit-il, excité à le refuter auffi; mais parce que je n'ai pas encore de preuve complete, que Henri penfe & prêche ainfi, je differe ma réponse jufques à Ib. p. 1117. ce que j'en aïe une certitude entière. C'est ainsi qu'il parle dans une lettre à l'archevêque d'Arles & aux trois évêques precedens; leur envoïant fa premiere lettre, & marquant que ces heretiques avoient paffé de la Septimanie, qui eft le Languedoc dans la Novempopulanie, nommée deflors Gascogne.

Analect.

tom. 3. F. Sup. liv.

352.

LXVII. %. 24, 6.

L'heretique Henri avoit auffi paffé au Mans lorfqu'Hildebert en étoit évêque, c'eft-à-dire, avant l'an 1125. C'étoit alors un jeune homme de grande taille, qui avoit les yeux agitez la voix forte, la barbe longue, les pieds nuds, tout l'exterieur negligé : il avoit déja une grande reputation de fainteté & de doctrine. Arrivant au Mans il envoïa devant deux de fes difciples, qui portoient comme lui un bâton au haut duquel étoit une croix de fer, & paroif foient des penitens. Ils y arriverent le jour des cendres; l'évêque Hildebert les reçut favorablement; & comme il partoit pour aller à Ro me, il ordonna à fes archidiacres qu'ils permif fent à Henri d'entrer dans la ville, & d'y prê

cher. Comme il étoit fort éloquent, le peuple accouroit en foule pour l'entendre, joint l'amour de la nouveauté; & l'effet de fes fermons fut, que le peuple entra en fureur contre les clercs, les regardant comme des excommuniez, & refufant de rien vendre à leurs domeftiques. Ou vouloit abattre leurs maisons, piller leurs biens, les lapider eux-mêmes, ou les pendre: fi les feigneurs ne fe fuffent oppofez à la violence du peuple. L'évêque lui-même à fon retour de Rome, fut mal reçu par ceux que Henri avoit infatuez; & ils refuferent avec mépris fa benediction. Hildebert le chaffa donc de fon diocefe, & reçut deux de fes difciples qui l'abandonnerent, aiant reconnu fes erreurs & les mœurs infames. C'est ce qui se passa dans le diocefe du Mans.

Le legat Alberic étant donc envoïé contre ces heretiques, prit avec lui Geofroi évêque de Chartres, & perfuada auffi à saint Bernard de l'accompagner en ce voïage, nonobftant fes infirmitez; mais l'églife de Toulouse l'avoit déja fouvent prié d'y venir. Il envoïa devant une lettre qu'il écrivit à Alfonfe comte de faint epift. 2416 Gilles & de Toulouse, dans les terres duquel étoit Henri; & il décrit ainfi les ravages qu'il y faifoit. Les églifes font fans peuple, le peuple fans prêtres, les prêtres méprifez; les églifes ne font plus eftimées des lieux faints, ni les fa cremens des chofes facrées; on ne celebre point les fêtes. Les hommes meurent dans leurs pechez fans penitence & fans communion; on refufe le baptême aux enfans. Et enfuite: Aprenez maintenant quel eft cet homme. C'est un apoftat, qui après avoir été moine, en a quité l'habit & eft retourné aux impuretez du fiecle. N'ofant enfuite demeurer avec fes parens, il est devenu vagabond & mendiaut

XXV.

S. Bernard

à Toulou-
fe.
Vita lib.

III. c. 6.

Vita lib.

cod. c. 6.

& comme il avoit des lettres, il s'eft mis à prêcher pour vivre. S'il avoit quelque chofe de refte, il l'emploïoit au jeu, ou à des ufages plus honteux. Car fouvent après qu'il avoit attiré le jour les applaudiflemens du peuple, on la trouvé l'année fuivante avec des proflituées, ou même des femmes mariées. Informez-vous, mon feigneur, comment il eft forti de Laufane, du Mans, de Poitiers, de Bordeaux. Il n'ofe retourner nulle part, tant il eft décrié par tout. Ainfi parle faint Bernard.

En ce voïage de Languedoc il fut par tout reçu comme un ange envoïé du ciel, & fit encore plufieurs miracles; en forte qu'il étoit accablé de la foule du peuple, qui demandoit jour & nuit fa benediction. Geoffroi alors moine & depuis abbé de Clairvaux, le dit expreffement dans la vie du faint; & dans une lettre vi. in fin. écrite pendant ce voïage où il l'accompagnoit, il fpecifie plufieurs miracles faits à Bergerac, à Cahors, à Toulouse, à Verfeuil, & en d'autres lieux. Le plus fameux de tous ces miracles, eft celui qu'il fit à Sarlat en Perigord. Après le fermon on lui offrit plufieurs pains à benir, comme on faifoit par tout. En les beniffant il éleva la main, fit le figne de la croix, & dit : Vous connoîtrez que ce que nous vous prêchons eft vrai, & que ce que les heretiques vous prê chent eft faux, fi vos malades gueriffent après avoir goûté de ce pain. Geoffroi évêque de Chartres, qui étoit auprès du faint abbé, craignant qu'il ne s'avançât trop, ajoûta: S'ils le prennent avec foi, ils feront gueris. Mais faint Bernard reprit Ce n'eft pas ce que je dis, mais affurément ceux qui en goûteront feront gueris: afin qu'ils fachent que nous fommes veritables & vraiement envoïés de Dieu, Tant

à

Tom. 3. Anale& P. 467

de malades furent gucris après avoir goûté de AN. 1847. ce pain, que le bruit s'en répandit par toute la province; & le faint homme en revenant paffa par les lieux voifins, n'ofant venir à Sarlat, caufe du concours infuportable du peuple. Une lettre écrite à tous les fideles par un moine nommé Heribert, nous apprend queis étoient ces heretiques de Perigord. Ils prétendoient mener la vie apoftolique, ne mangeoient point de chair & ne buvoient point de vin; faifoient cent genuflexions par jour & ne recevoient point d'argent. Ils ne difoient point Gloria Pairi, Ils foutenoient que l'aumône n'étoit point meritoire, parce qu'on ne devoit pas avoir de quoi la faire, ni rien poffeder. Ils comptoient pour rien la meffe & la communion; & fi quelqu'un d'eux celebroit la meffe pour tromper le peuple, il ne difoit point le canon, ni ne communioit, mais jettoit l'hoftie derriere l'autel, ou dans le miffel. Ils n'adoroient ni la croix, ni l'image de nôtre Seigneur, difant que c'étoit une idolâtrie. Ils avoient perverti plufieurs nobles, à qui ils avoient fait quitter leurs biens,' plufieurs ecclefiaftiques, moines & religieufes. Les plus ignorans devenoient en huit jours fi favans avec eux qu'on ne pouvoit plus les convaincre. On difoit qu'on ne pouvoit les retenir en prifon & qu'ils faifoient des miracles. Leur chef étoit un nommé Pons, apparemment difciple de Henri.

Albi étoit la ville de tout le païs la plus infectée de cette herefic, d'où vint enfuite le nom d'Albigeois à toute la fecte. Le legat y arriva vers la fin de Juin, & le peuple alla au-devant avec des ânes & des tambours par dérifion; fonna la messe, & à peine s'y trouva-t-il trente perfonnes. Mais faint Bernard qui arriva deux jours après, fut reçu du peuple avec une,

on

Gauf. epi

n. 10.

AN. 1147. grande joie : le lendemain jour de faint Pierre il vint au fermon une fi grande multitude, que l'églife, quoique grande, ne la pouvoit contenir. Le faint homme parcourut tous les articles de leurs erreurs ; commençant par le faint facrement de l'antel, & leur expliquant fur chaque point ce que les heretiques prêchoient, & ce qui eft de la foi catholique. Enfin il leur demanda ce qu'ils choififfoient. Tout le peuple déclara qu'il deteftoit l'herefie & qu'il revenoit avec joie à la verité catholique. Revenez donc à l'églife, reprit faint Bernard; afin que nous fachions qui font ceux qui fe repentent, qu'ils levent la main au ciel. Ils leverent tous la main droite, & ainsi finit le sermon. Geofroi rapporte ce fait, comme le plus grand miracle du Saint en ce voïage.

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&

Il fut reçu à Toulouse avec affez de devotion, & en peu de jours elle augmenta jusques à un empreffement exceffif. Il y avoit peu de gens en cette ville qui favorifaffent la perfonne de Henri; c'étoit feulement quelques tifferans, & on les nommoit Ariens: mais il y en avoit un grand nombre & des principaux de la ville qui favorifoient l'herefie. On appella Henri, on appella auffi les Ariens, & le peuple promit que deformais perfonne ne les recevroit, s'ils ne venoient & ne s'expliquoient publiquement. Mais Henri s'enfuit, les Ariens fe cacherent, & la ville de Toulouse parut enticrement délivrée de Therefe. Quelques-uns des gentilshommes promirent qu'ils les chafferoient & ne les protegeroient point; & le legat prononça une fentence contre les heretiques & leurs fauteurs: portant qu'ils ne feroient reçus ni en témoignage, ni en jugement; & que perfonne ne communiqueroit avec eux. En cette fentence on découvroit à tout le peuple la vie corrompuë de

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