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tus qu'elle a pratiquées, qui ont affermi fon efprit & fon cœur contre toutes les tribulations de la vie & contre toutes les craintes de la mort. Je vous prie de l'affurer que je ne l'oublierai pas devant le Seigneur, & de croire que perfonne ne vous fouhaite plus de repos, plus de fanté & plus de bénédictions spirituelles que moi, qui fuis autant qu'on le peut être, MONSIEUR, votre, &c.

A Nifmes, ce 27 Juin 1700.

LETTRE X C.

De confolation au même, fur la mort de fa fille.

E prenois autrefois plaifir, MONSIEUR, à recevoir de vos lettres, qui m'apprenoient des nouvelles de votre famille. Préfentement je tremble quand j'en reçois; elles m'annoncent toujours quelque mort, & par conféquent quelque affiction que Dieu vous envoie. Il est vrai que ce font des morts précieuses devant Dieu & devant les hommes qui couronnent une fainte vie, qui devroient être bénites & non pas pleurées, & fur lefquelles il faudroit plutôt louer les miféricordes du Seigneur, que de pleurer les fragilités humaines. Mais enfin quelques confolations que donne la foi, on ne peut refuser quelque douleur à la nature. Vous venez de perdre une fille qui avoit reçu des grandes grâces du Ciel, & qui en avoit fait un bon ufage, qui joignoit beaucoup de modeftie à beaucoup d'efprit, & qui avoit toujours confervé au milieu du monde, qu'elle méprifoit, une candeur & une innocence de mœurs admirable. Le récit que vous me faites de la confommation de fon facrifice eft touchant & édifiant tout ensemble. Quelque trifteffe que vous ayez des deux dernières pertes que vous avez faites, vous devez reconnoître qu'il n'y eut jamais de plus heureux père que vous. J'en dis de même de Madame de Richemont. Dieu vous avoit donné des enfans qui ont été votre couronne & votre joie, qui ne vous ont donné d'autre déplaifir que celui que vous avez de leur mort. Vous leur aviez appris à bien vivre, & ils vous apprennent à bien mourir. Je vous plains d'avoir perdu ces deux faintes filles, & je vous loue de ne les plaindre pas, puifqu'elles font bienheureuses. Je prie le Seigneur qu'il donne à Madame de Richemont & à vous la patience

dans

dans vos maux & la confolation dans vos douleurs ; & je vous affure que perfonne ne s'intéreffe plus que moi à tour ce qui vous regarde, & ne peut être plus parfaitement que je fuis, MONSIEUR, votre, &c.

A Nifmes, ce 11 Août 1700.

LETTRE XCI.

De civilité & de piété, à M. le Pelletier.

JE ne puis m'empêcher, MONSIEUR, de vous témoigner

la joie que j'ai eue de voir ici le Révérend Père Floriot, & d'y parler avec lui tout à loisir de votre retraite, de vos occupations, de vos bontés & de plufieurs autres chofes que la raison plus que l'amitié nous a fait dire, & que votre modeftie ne veut pas favoir. Ce Père arriva ici le jour avant la Touffaint, affifta à tous nos offices le lendemain, & nous paffâmes la fête ensemble à louer Dieu dans les Saints qui font dans le Ciel, & à le prier pour ceux qui travaillent fur la terre à le devenir. Nous eûmes le temps après nos dévotions de nous entretenir du monde, de ce monde que vous avez quitté, & de faire plufieurs réflexions morales & chrétiennes fur cette figure qui paffe. Je trouvai, MONSIEUR, que j'étois heureux de demeurer dans mon Diocèse, d'être occupé de mes devoirs, & de me rendre ma réfidence auffi agréable qu'elle eft néceffaire. Nos retraites font fi éloignées que je ne puis que vous affurer de temps en temps du fincère & refpectueux attachement avec lequel je fuis, MONSIEUR, votre, &c.

A Nifmes, ce 4 Novembre 1700.

LETTRE XCII.

A M. le Marquis de la Vrilliere, fur l'éducation des filles des nouveaux Convertis qu'il faifoit inftruire dans les Monaftères, même au-deffus de douze ans.

JE

E reçus, MONSIEUR, il y a quelques jours la lettre que vous me fites l'honneur de m'écrire au fujet de quelques filles de mon Diocèfe, nouvelles Converties, qu'on a mises dans des Couvens de Religieuses, pour y être inftruites, quoiqu'elles ayent plus de douze ans. Sur quoi vous me man Tome V. Seconde Partie,

G

dez que Sa Majesté eftime qu'il n'en faut placer dans les Monaftères qu'au deffous de cet âge, parce que celles qui font au-deffus détournent les Religieufes, & que cela eft fujet à de grands inconvéniens; qu'ainsi il faut les mettre à l'avenir dans des maifons de nouvelles Catholiques.

Je reçois, MONSIEUR, avec respect tous les ordres qui me viennent de la part de Sa Majesté; & fi je lui représente ici très-humblement les raifons que j'ai eues d'en ufer ainsi, ce n'est pas pour faire approuver ma conduite, mais pour faire connoître les avantages que j'en ai retiré pour la Religion.

Je conviens qu'il feroit mieux de mettre les grandes filles des nouveaux Convertis dans des maifons de nouvelles Catholiques, fous des maîtreffes qui font accoutumées à ces fortes d'inftructions, qui s'y appliquent par état, & qui n'ont ni d'autres fonctions, ni d'autre règle, ni d'autre fin de leur inftitut que l'éducation & la converfion des filles ou des femmes qu'on veut ramener dans le fein de l'Eglise Catholique; mais nous n'avons point en ce pays-ci de telsétabliffemens, quoiqu'ils y foient plus néceffaires qu'ailleurs, & nous fommes réduits à nous fervir des Monaftères avec toutes les précautions que nous pouvons prendre pour faire inftruire les perfonnes que nous y mettons, fans troubler l'ordre & la difcipline de nos Religieufes.

Grâces à Dieu, je n'ai vu jusqu'ici qu'il en foit arrivé aucun inconvénient. Nous avons foin que les Penfionnaires foient féparées des Religieufes, parmi lesquelles nous en choififfons deux des plus capables & des plus vertueufses, pour leur apprendre les vérités de la Religion Catholique, & les pratiques de la piété Chrétienne : & l'expérience nous fait voir tous les jours, que les filles qui fortent des Couvens avec la foi & la dévotion qu'on leur a infpirée, ramènent fouvent toutes leurs familles.

Les pères & les mères étant depuis quinze ans fans Religion, n'ayant plus de temple & ne venant point à l'Eglife, ont oublié ce qu'ils favoient du Chriftianisme, & n'en apprennent rien de nouveau. Leur âge femble les mettre à couvert d'être conduits aux inftructions, qui feroient à leur ufage & de leur portée ; & ils vivent dans une grande ignorance. Nous n'avons trouvé de moyen plus naturel ni plus

efficace, que de faire bien inftruire leurs filles un peu grandes & raisonnables, qui font part dans leurs maisons de ce qu'elles ont appris dans les Couvens: car autrefois il falloit faire inftruire les enfans par les pères, & nous éprouvons aujourd'hui qu'il faut faire inftruire les pères par les enfans.

Quand on laiffe les filles depuis l'âge de douze ans ou au-deffus, fur leur bonne foi, ou fur celle de leurs parens, on ne peut guères compter fur leur converfion. On les prévient; & ces impreffions qu'on leur donne en un âge où elles fe fortifient & croiffent avec leur raifon, ne peuvent prefque plus s'effacer. Ces filles fe voyant à couvert de la contrainte des Couvens, ne viennent point aux exercices, ou n'y viennent que de loin en loin, ne s'attachent qu'aux mauvais difcours qu'on leur tient, & aux mauvais exemples qu'on leur donne. Dans les Couvens elles ne font ni féduites ni diffipées, elles reçoivent tous les jours les inftructions, elles pratiquent la Religion, elles ont devant leurs yeux l'exemple de faintes Religieufes qui la pratiquent, & je vois tous les jours le fruit qu'elles font pour leur propre falut & pour l'édification des autres.

J'ai trois Couvens de fainte Urfule dans mon Diocèfe, où l'union & la charité Chrétienne règnent, qui n'ont prefque point de commerce avec le monde, où je trouve par bonheur des Religieufes capables d'inftruire, & zélées pour le falut des ames; j'ai cru que je devois profiter de leurs talens. Cette occupation ne les détourne pas de leur institut,' elle en fait la principale fonction. Ce n'est pas les diftraire, c'eft les tenir dans l'exercice de leur profeffion, qui les oblige à enfeigner fans diftinction d'âge les petites & les grandes filles.

Nous fommes en un temps & dans un pays ou l'hérésie avoit pris de fi grandes racines, & où nous trouvons tant de difficulté à faire revenir les efprits de leurs anciennes préventions, qu'il faut effayer toute forte de moyens, & s'en tenir, autant qu'on le peut, à ceux qui font les plus efficaces. L'expérience doit quelquefois régler la raifon. Un Evêque qui réfide & qui veille fur fon troupeau, en doit connoître la difpofition & la portée. Nous fommes dans une espèce d'Eglise naiffante, où par l'établiffement & le progrès

de la Religion, il faut, à l'exemple de faint Paul, paffer quelquefois par-deffus certaines difciplines qui ne font pas

effentielles.

J'ai cette confiance, MONSIEUR, que le Roi ne doute pas que nous n'employions tous nos foins, pour feconder fes faintes intentions, & pour avancer une œuvre qui est le fruit de fa piété, & qui fera devant Dieu & devant les hommes fa plus grande gloire. Nous fommes fes ferviteurs fidelles, & de plus Miniftres de Jefus-Chrift, & l'une & l'autre de ces qualités nous oblige à travailler avec zèle, & pourtant avec prudence à la converfion fincère de fes fujets qui font nos ouailles.

Sa Majesté n'a qu'à nous donner fes ordres, perfonne ne les exécutera plus ponctuellement que moi. Je vous fupplie. de l'en affurer & de me croire avec un attachement refpectueux, MONSIEUR, votre, &c.

A Nifmes, e 6 Novembre 1700.

LETTRE XCI I I.

De civilité & de piété, à M. le Pelletier.

Nous fommes ici, MONSIEUR, pour les affaires de la

Province en bonne & grande compagnie depuis un mois. Nous ne ferions pas moins heureux d'être dans nos maifons, ou dans quelque folitude comme la vôtre; mais il faut concourir à donner au Roi les fecours dont il a besoin dans des conjonctures auffi avantageufes pour les peuples, que glorieufes pour lui, puifqu'en donnant un Roi à l'Espagne, il affermit la bonne intelligence des deux Nations, & la paix dans toute l'Europe. Comme il eft obligé de faire de grandes dépenfes & de foutenir l'honneur d'un Royaume indigent de l'opulence du fien, nous lui avons donné trois millions, qui aideront à faire les frais des voyages des Princes que nous attendons ici au commencement de Février. Nous nous préparons à leur faire voir les antiquités Romaines de notre ville, & il ne tiendra qu'à eux de remarquer dans ces édifices demi ruinés, & dans ces reftes de grandeur & de magnificence usées, où se réduisent les vanités de l'efprit & les ouvrages des mains des hommes. Nous avons presque yu mourir notre Président dans des accidens qui naturelle

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