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LETTRE CXX X.

De piété à un Curé, pour l'encourager contre les frayeurs caufées par les Fanatiques.

JE ne manquerai pas de folliciter M. de Bafville, MON

SIEUR, de vous envoyer les fecours dont vous pouvez avoir befoin. Il me promit de chercher quelque moyen de payer votre garde pour le paffé, & de vous fournir un détachement de troupes pour vous garder à l'avenir. Il est à Uzès, je l'attends tous les jours ici, & je renouvellerai mes instances pour vous mettre en fureté. Jamais temps ne fut plus malheureux que celui-ci. Les dangers deviennent toujours plus grands, & il semble qu'on ait toujours plus de peine à être affifté. Rien ne coûte à ces fcélérats pour faire du mal, & tout coûte quand il faut fecourir des gens de bien. Ceux qui gouvernent font bien embarraffés, quelque bonne intention qu'ils ayent. Il fort des ennemis de tous côtés, & il n'y a ni affez de troupes, ni affez d'argent pour les réprimer. Cependant j'espère qu'on les trouvera & qu'on délivrera le pays des craintes & des malheurs qu'ils y causent. Pour ce qui vous regarde, je loue votre courage & celui de vos Confrères qui font avec vous. J'ai certe confiance en Dieu qu'il vous confervera, & que vous réfifterez plus par votre foi & par vos prières, que par les armes de ceux qui vous défendent des lions rugiffans qui rôdent autour de vous pour vous dévorer. On eft actuellement après eux ; troupes d'ici & d'ailleurs ont marché vers Uzès & vers le Saint-Efprit, pour tomber fur cette troupe audacieuse que M. de Julien pourfuit. Dieu veuille bénir ceux qui combattront pour fa Religion, en attendant que M. l'Intendant vous envoie des troupes, à quoi je travallerai efficacement. Je vous envoie dix louis d'or, dont vous vous fervirez pour payer vos Soldats. Encouragez toujours votre peuple, confirmez ceux qui fe foutiennent, relevez ceux qui tombent, nourriffez-vous de la parole de Dieu les uns & les autres, & croyez-moi, MONSIEUR, tout à vous, &c.

les

A Nifmes ce 3 Janvier 1703.

LETTRE CXXX I.

De civilité chrétienne à une Religieufe, fur la crainte des

Fanatiques.

OTRE dernière Lettre, MADAME, m'avoit affligé par le récit des frayeurs qu'une fauffe alarme vous avoit infpirées. Celle que je reçois aujourd'hui me confole par les vœux que vous faites pour moi au commencement de cette année, & par la tranquillité que votre raison a remise dans vos efprits. Il eft permis d'avoir des craintes & de prendre des précautions raisonnables, & je fens bien que je ne serois pas en repos, fi je vous favois dans quelque danger. J'ai appris, & vous me le confirmez, qu'il y a de l'ordre dans votre Ville, qu'on s'y garde exactement, & que tout le monde y eft bien intentionné pour la défense de la Religion & de la Patrie. Ces fcélérats favent ces bonnes intentions, & n'iront point attaquer des gens qui ont le courage de fe défendre. Vos prières leur feront d'un grand fecours, & vous leur rendrez bien devant Dieu, la fureté qu'ils vous. procurent. Je vous fouhaite toute forte de repos, afin que vous puiffiez fervir le Seigneur fans interruption & fans relâche. Je falue très- affectueufement toute la Communauté, & fuis entièrement à vous, MADAME, & à elle, &c. A Montpellier, ee 4 Janvier 1703.

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LETTRE CXXXI I.

De piété à un Curé, pour l'encourager contre les frayeurs caufées par les Fanatiques.

E fuis arrivé heureufement ici, MONSIEUR, le même jour qu'on porta le corps de M. Paul à Bernis où je paffai. On ne peut affez déplorer les malheurs qui nous affligent. Mais Dieu ne permettra pas que l'enfer prévale. Voici des troupes qui arrivent de tous côtés, de Provence, de Catalogne, d'Allemagne, d'Italie, & j'espère que nous ferons en fureté. Quoi qu'il en foit, nous cherchons d'où nous peut venir le fecours, & il nous doit venir du Seigneur. Auxi-. lium noftrum à Domino. Je vous écrirai plus au long. Saluez les Curés qui font avec vous. Je fongerai à tous les moyens de vous confoler. Je fuis de tout mon cœur, MONSIEUR,

votre,

&c.

A Nifmes, 17 Janvier 1703.

LETTRE CXXXIII.

De civilité à Madame de Boucard Religieufe, fur la crainte des Fanatiques.

GRACES à Dieu, MADAME, me voilà arrivé heureu

fement dans mon Diocèse & dans ma maison. Je n'ai craint ni prévu aucun péril dans mon petit voyage, & le fecours de vos prières m'en eut garanti s'il y en avoit eu. Je vous fuis pourtant obligé d'avoir eu quelque inquiétude fur mon fujet. L'approche des troupes du Roi a bien arrêté l'infolence de quelques efprits mal intentionnés, qui se font un peu trop manifeftés. Ces troupes arrivent ici après demain, & ceux qui vous ont fait craindre craindront à leur tour. Il faut fe confier en Dieu, le prier, le fervir & obtenir de lui la paix que lui feul peut donner au Monde & à la Province. Je falue toute votre Communauté, & fuis, Madame, parfaitement à vous, &c.

A Nifmes, ce 25 Janvier 1703.

LETTRE CX X X I V.

De civilité à M. Robert, dont il fouhaitoit le frère pour Prévôt de fon Eglife.

CE feroit un grand plaifir pour moi, MONSIEUR, fi je

pouvois avoir M. votre frère pour Prévôt de ma Cathédrale. Jen ai écrit fortement au Père de la Chaise, & lui ai repréfenté que le mérite du fujet, la longueur de fes fervices, la connoiffance qu'il a des affaires du Diocèfe, le bon ordre de mon Chapitre & ma propre confolation me faifoient efpérer & fouhaiter que le Roi voulut bien lui faire cette grâce. Je renouvellerai de temps en temps mes offices, tandis que vous ferez vos follicitations de votre côté. Je sai qu'il y a bien des gens qui fe remuent, Chanoines & autres. Nous voyons la raison & la juftice, mais le choix & le fuccès dépendent du Ciel. Je vous prie de croire que je n'y oublierai rien, & que je fuis avec un fincère & parfait attachement, MONSIEUR, Votre, &c.

A Nifmes, ce 20 Février 1703.

JE

LETTRE CX X X V.

De piété à la fœur Angélique du Saint-Esprit.

E fuis bien aife, MA CHÈRE SŒUR, que votre fanté foit rétablie & que vous foyez en état de fuivre la Communauté dans toutes les obfervances de la Règle. Voici le faint temps de Carême, qui eft une faifon de bénédiction que Jefus-Chrift a confacrée par fa retraite & par fon jeûne. Il faut fe retirer au-dedans de foi, & dans fa folitude intérieure fe défaire de tout ce qui peut avoir rapport au monde. On n'y doit penfer que pour déplorer le mal qui s'y fait, & pour remercier Dieu des dangers dont il nous a retirés. J'ai beaucoup de joie d'apprendre que les petits ornemens que je vous ai envoyés, vous ayent paru convenables à la dévotion que vous aviez eue. Je vous prie de continuer les prières & les vœux que vous lui adreffez pour moi dans ce temps fàcheux où tous nos nouveaux Convertis fe révoltent & exercent mille cruautés contre les Catholiques. Priez pour les Prêtres, pour la Religion & pour l'Eglife. Je vous envoyerai mes Sermons par la première commodité. Témoignez à votre Révérende Mère & à toutes vos chères Sœurs la reconnoiffance que j'ai des prières qu'elles font pour moi, & croyez que je fuis parfaitement en Notre-Seigneur, MA CHÈRE Sœur, votre, &c.

A Nifmes, ce 20 Février 1703.

LETTRE CX X X V I.

A Madame de C... fur les cruautés des Fanatiques.

L'ETA

'ETAT où nous fommes dans nos Diocèses, MADAME, eft fi trifte & fi plein de troubles, qu'il faut nous pardon. ner fi nous ne fommes pas toujours fort réguliers à écrire & à répondre même aux lettres que nous recevons. Les Fanatiques deviennent tous les jours plus furieux. Leurs troupes fe multiplient & groffiffent à tous momens. Tout le pays fe foulève & fe joint à eux. On a beau les pourfuivre, on n'a pas affez de monde à leur oppofer. Comme ils favent mieux les chemins, & qu'étant maîtres de la campagne, ils reçoivent de tous côtés des fecours pour vivre & des avis

pour fe fauver, ils échappent toujours, & tuent impunément les Prêtres & les anciens Catholiques dans les Villages où ils en trouvent; n'épargnant ni sexe ni âge; exerçant même fur eux des cruautés inouies. Nous n'oferions fortir de nos Villes fans efcorte, & nous favons qu'on tient dans nos Villes mêmes des difcours féditieux, qui marquent que nous ne fommes en fureté que parce que nous y avons des troupes pour nous garder. Cependant les Eglifes font fermées, les Prêtres fugitifs, l'exercice de la Religion Catholique aboli dans la campagne, & la frayeur répandue par tout. M. le Maréchal de Montrevel eft très-propre à terminer cette affaire; mais que peut-il faire s'il n'a des forces fuffifantes? J'espère que le Roi lui envoyera les secours dont il a befoin, & que Dieu apaisera fa colère. Ces mouvemens nous caufent mille fortes d'affaires pour la protection des Prêtres, pour le maintien du fervice dans les Paroiffes, & pour tout ce qui regarde la Religion. Je vous demande vos prières & celles de beaucoup de gens de bien que vous connoiffez, afin que Dieu faffe ceffer les maux qui affligent nos Eglifes. Je fuis auffi parfaitement qu'on le puiffe être, MADAME, votre, &c.

A Nifmes, ce 7 Mars 1703.

LETTRE CX X X V I I.

De piété à un Curé, pour l'encourager contre les frayeurs caufées par les Fanatiques.

E frère Gabriel, MONSIEUR, ma donné des nouvelles de votre fanté, de vos occupations, de vos craintes, de vos charités. Je loue Dieu de ce qu'il vous a tous confervés, & qu'il vous maintient en état de faire le fervice pour votre Paroiffe & pour les étrangers qui y vont chercher leur confolation & leur fureté. Je vous donne volontiers le pouvoir d'abfoudre des cas qui me font réservés. Je plains bien l'état malheureux où fe trouve ce pauvre Diocèse. Je regrette bien la perte que nous avons faite de M. Marc. II faut long-temps pour former un auffi bon Prêtre. Je me joindrai à Madame la Présidente pour parler en votre faveur à M. le Maréchal. Je fuis, MONSIEUR, tout à vous, &c.

A Nifmes, ce 23 Mars 1703.

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