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j'ai eues m'en ont un peu excufé jusqu'ici. Je ferai dorénavant plus exact à vous écrire, comme étant, Ma très-chère Sœur, votre très-humble & très-obéiffant ferviteur & frère, &c.

A Draguignan, ce 14 Août 1653.

LETTRE II.

De piété fur les maladies, à la même.

JE reçus dernièrement votre lettre, MA TRÈS-CHÈRE SŒUR,

& en même temps un fenfible déplaifir du mauvais état de votre fanté & des incommodités que vous apporte, fans doute, une fièvre violente. Je juge de vos douleurs par les miennes propres, & je ne faurois que vous plaindre beaucoup, puifque j'ai de la peine à ne me plaindre pas moimême. Il y a deux mois que je fuis ou malade ou languiffant; & après avoir fouffert toute forte de petites fièvres, je fuis enfin tombé dans la fièvre quarte, qui me donne un peu d'exercice, mais qui n'eft pas fi rude ni fi difficile que le vôtre. Dieu qui eft un bon Juge de la vertu, vous a donné plus de peine, parce qu'il a connu que vous auriez plus de patience; c'eft l'ordre qu'il tient dans la dispensation de ses croix. Il fonde nos forces, avant que de nous charger & diftribuer le fiel de fon Calice à ceux qui le peuvent fouffrir comme vous. Les maladies, difoit un grand Saint, font des leçons que Dieu nous fait pour nous détacher de la terre : car en voyant la foibleffe de notre nature & l'inconftance de notre vie, nous fommes appelés intérieurement à une vie toute célefte, & nous tâchons d'avoir notre converfation dans le Ciel. Saint Paul n'étoit jamais plus puiffant que lorsqu'il étoit infirme; & fainte Thérèse ne recevoit jamais plus de confolations fpirituelles, que lorfqu'elle étoit accablée de maux. Souffrons, MA CHÈRE SŒUR, en ce monde, le Ciel vaut bien un peu de peine, & la couronne que votre époux vous prépare a quelques épines ici bas; mais dans le Ciel, elle n'aura que des rofes: ce font des témoignages d'amour que Dieu nous donne, il veut vous épurer comme l'or dans le feu de la tribulation; remettez-vous entre ses mains, c'est un bon économe des fouffrances: il n'en donne jamais plus qu'il faut. Si mes prières pouvoient quelque chofe, vous

recevriez beaucoup de foulagement. J'en attends des vôtres qui font plus efficaces. Je fuis, &c.

A Narbonne, ce 8 Novembre 1655.

LETTRE III.

Compliment à M. Huet, ancien Evêque d'Avranches, en lui envoyant quelques vers de fa façon.

CE n'eft pas fans confufion, MONSIEUR, que je vous

envoie ce petit Poëme ; & fi je ne m'y étois engagé moimême, je n'aurois pas commencé à vous témoigner mes respects par une fi miférable confidence; mais il eft difficile de rompre une première parole, & j'ai cru qu'il valoit mieux paffer pour mauvais Poëte que pour infidelle & peu fincère ami. Vous voyez, MONSIEUR, que je ne fuis pas fi modeste que vous euffiez pensé, & que vous avez affaire à un homme hardi & confiant, qui prend déjà des titres d'amitié, qui veut fe mettre en réputation auprès de vous, & qui fe hafarde à fe décrier, quelque intérêt qu'il ait à s'établir dans votre efprit. Je ne prétends pas pourtant d'être fort criminel, & c'eft à vous, MONSIEUR, à répondre de toutes mes hardieffes : ce fonds de bonté qu'on reconnoît en vous à la première vifite, donne une confiance extraordinaire; & quand M. Graindorge ne m'auroit pas affuré que vous avez toutes les inclinations douces & obligeantes, il me fuffiroit de vous avoir vu. Cela veut dire que je vous envoie mes vers prefque fans rougir: ils ne font quafi pas fortis de mon cabinet, & je les tiens au rang de mes occupations fecrètes que s'ils font tombés entre les mains de deux ou trois favans, c'eft avec précaution & fans faire connoître leur Auteur. Comme j'ai toujours eu affez mauvaise opinion de moi-même, j'ai toujours vécu fans ambition, & je n'ai été jusqu'ici homme de lettres que pour moi. Je suis dans le deffein de perfévérer dans cette vie cachée, & de ne rendre jamais mes défauts publics. En me réduisant à cette juste retenue, je me réserve quelques confidences particulières; & comme mes petites études ne méritent aucune approbation, il eft jufte que je leur procure quelques cenfures, & que je m'inftruife fans me décrier. Vous ferez toujours, MONSIEUR, un de ceux à qui je ferai gloire de communi

quer mes foibleffes, & dont je rechercherai les avis avec plus de foin. Il n'eft perfonne qui aime mieux d'être averti que moi. J'ai déjà reçu quelques avis fur ce Poëme, & j'en ai corrigé ailleurs quelques endroits; mais je vous envoie une des premières copies. Je fuis bien aife de vous faire la confidence entière, & de vous témoigner que quelques avis que j'aie reçus, ils me feront plus agréables quand je les tiendrai d'une perfonne que je confidère infiniment. Je ne puis pas m'empêcher de vous témoigner mon impatience pour l'impreffion de votre livre & de celui de M. Graindorge. Les verrons-nous bientôt ? Les Imprimeurs ne cefferontils jamais d'être pareffeux? Qui nous payera le temps qu'on nous fait perdre? &c. Je me rendrois volontiers Poëte fur cette matière, mais il n'est pas juste de vous accabler d'abord de méchans vers; & il me fuffit de vous dire que je fuis de tout mon cœur, votre, &c.

Aux Bergeries, ce 31 Mai, environ 1661.
LETTRE IV.

Compliment au même, en lui envoyant d'autres vers.

JE vous envoie, MONSIEUR, un petit Poëme de ma

façon fur la naiffance de Monfeigneur le Dauphin. Ce n'est pas fans quelque pudeur que je vous offre de méchans vers, après en avoir reçu de fi beaux de vous, & je vous affure que j'ai été sur le point de renoncer à mon Genethliaque, après avoir lu la relation de votre voyage. Y a-t-il rien de plus doux, de plus naïf, de plus jufte & de mieux tourné que cet ouvrage? Les 'quatre vers à la louange de la Reine Chriftine, ne valent-ils pas un éloge entier ? & votre voyage de Suède ne vaut-il pas celui d'Horace de Rome à Brundufe? Je vous avoue que j'ai d'abord penfé que je lifois fa cinquième Satyre; & que fi j'euffe lu Plotius, Varius & Virgile, au lieu de Voffius, de Heinfius & de Bochart, j'aurois pris votre ouvrage pour un ouvrage du temps d'Augufte..... Mais je n'ofe pas vous en témoigner tout ce que je pense. Il fembleroit que je voudrois vous prévenir en ma faveur, & vous demander par bienféance les louanges que je vous donne par justice. Je n'ai donc qu'à vous offrir mes trèshumbles fervices, & à vous dire que je fuis de tout mon cœur, yotre, &c.

A Paris, ce 18 Février 1662,

LETTRE V.

De civilité à M. Benoit, Auditeur de Rote:

JE vous envoie une Oraison Funèbre que je prononçai

après la mort de Madame la Ducheffe de Montaufier, & que l'on m'a obligé de faire imprimer. Je fuis bien aife, MONSIEUR, de vous rendre compte de mes occupations, & de trouver des occafions de vous faire connoître, que je n'oublie pas ce que je dois à une personne que j'estime & que j'honore comme vous. Si je n'avois été depuis quelques mois toujours à Saint-Germain ou à Versailles avec la Cour, je vous aurois envoyé quelque paquet de certains petits ouvrages qui me font tombés entre les mains. Si je puis paffer quelques jours à Paris, je m'acquitterai de tout ce que vous pouvez fouhaiter de moi; & vous ferez perfuadé qu'il n'y a perfonne qui foit avec plus de fincérité & plus de zèle que moi, &c.

A Versailles, ce 3 Mars 1672.

LETTRE VI

De civilité à M. Le Roi, Abbé de Hautefontaine.

J'ATTENDOIS avec impatience que la Cour fût partie de Saint-Germain, pour aller paffer quelques jours dans votre folitude, & jouir loin du bruit & du tumulte de ce monde, du repos & de la douceur de votre défert. Je me faifois par avance plaifir de la pensée que j'avois, MONSIEUR, de vous entretenir de quelques deffeins que je médite depuis quelque temps, de vous demander vos fages confeils, & de régler par votre expérience & par vos lumières, des études encore mal digérées. Mais la Providence de Dieu m'arrête ici, & m'y retient par des bienféances fi fortes & fi raisonnables, que je ne puis m'en difpenfer. Nous fommes dans une grande folitude depuis que le Roi eft parti, & M. le Duc de Montaufier fe trouve feul & fans aucun commerce de conversation. Dans les heures que fon emploi & fon affiduité lui laissent libres, il eft accoutumé à s'entretenir avec moi, & je ne crois pas qu'il fut à propos de l'abandonner à la folitude où il fe trouve, & de s'éloigner de lui en un temps où perfonne presque n'en approche. Outre que jouif

fant préfentement ici d'un honnête loifir, j'avance un ouvrage que j'ai commencé depuis quelques mois, & je travaille à une hiftoire qui ne fera peut-être pas moins utile, qu'elle eft agréable & pieuse. Ainfi, MONSIEUR, je me réserve à une autre saison à faire mon pèlerinage à Hautefontaine. Je vous avoue que c'est avec peine que je diffère ce voyage, & que je me prive de toutes les douceurs que j'efpérois dans votre défert. Mais Dieu qui femble nouer mes liens, les rompra, & me fera bientôt la grâce de paffer quelque temps avec vous hors de tout engagement du fiècle, dans la fainte liberté des enfans de Dieu.

cons

M. Danet m'a fait la grâce de me communiquer les foupaffez raisonnables que vous avez eus touchant la démiffion qui eft entre les mains du Père Fer... J'en ai parlé à M. de Montaufier, qui m'a chargé de vous raffurer là-deffus, & de vous dire que c'eft fa propre affaire, & qu'il ne fe laiffera point furprendre. Que fi l'on ufoit de fupercherie, il s'en plaindroit au Roi fi hautement, qu'il fe feroit faire raison. Faites-moi la grâce, MONSIEUR, de m'aimer toujours un peu, & de croire que perfonne n'eft à vous avec plus de fincérité & plus de refpect que je fuis, &c.

A Saint-Germain, le 3 Juin 1673.

LETTRE VII.

De civilité & de piété, au même, fur un de fes Ouvrages qu'il bur avoit envoyé.

J'AI été fi long-temps ou fort incommodé, ou fort occu

pé, MONSIEUR, que je n'ai pu vous remercier comme je le fouhaitois, du dernier préfent que vous eûtes la bonté de me faire de votre livre fur l'Oraison Dominicale. J'ai voulu connoître le prix de cet ouvrage fi folide & fi édifiant, avant que de vous en rendre grâces. Je l'ai lu & relu avec attention & avec plaifir, & j'ofe même efpérer que ce ne fera pas fans profit. Vous ne pouviez mieux employer les précieux momens de votre retraite, qu'à nous expliquer les mystères de la prière de Jesus-Christ, & à nous découvrir ce fonds de misère & de néceffités fpirituelles, qui nous oblige à recourir inceffamment à Dieu & à la grâce. Comme l'orgueil eft la principale fource de nos déréglemens, il eft bon qu'on nous repréfente fouvent cette doctrine humiliante

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