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couvrir par-là l'énormité de fon crime. Sylla lui ayant accordé fa demande, Catilina pour lui en marquer fa reconnoiffance, alla tuer au même moment Marcus Marius parent du grand Marius, & lui en apporta la tête dans la place publique. Comme il avoit encore les mains fouillées du fang de ce malheureux, il entra dans le Temple d'Apollon qui étoit proche de la place, & les lava dans l'eau luftrale de ce Temple,comme pour ajouter l'impieté & le facrilege au meurtre & à l'affaffinat.

Cette cruelle profcription n'envelopa pas feulement ceux du parti contraire. Sylla à qui la mort d'un homme ne coutoit rien, permit à fes amis & à fes Officiers de fe van ger impunément de leurs ennemis particuliers. Les grands biens devinrent un crime, & quiconque paffoit pour riche n'étoit point in nocent. Quintus-Aurelius Citoyen paisible, qui avoit toujours vêcu dans une heureufe obfcurité, fans être connu ni deMarius ni de Sylla, appercevant avec étonnement fon nom dans ces tables fatales où l'on

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écrivoit ceux des profcrits, s'écria avec douleur: Malheureux que je fuis! c'est ma belle maifon d' Albe qui me fait mourir, & à deux pas de-là il fut aflaffiné par un meurtrier qui s'étoit chargé de le tuer. C'étoient tous les jours de nouvelles profcriptions & de nouveaux meurtres, & perfonne ne pouvoit compter fur un jour de vie.

Dans cette défolation generale, il n'y eut que C. Metellus qui fut affez hardi pour ofer demander à Sylla en plein Senat, quel terme il mettoit à la mifere de fes ConciPlut. ibid. toyens :,, Nous ne te demandons » pas, lui dit-il, que tu pardonne à » ceux que tu as réfolu de faire mou» rir: mais délivre-nous d'une incertitude pire que la mort, & du moins » apprens-nous ceux que tu veux »fauver. Sylla fans paroître s'offen fer d'un difcours i hardi, lui répondit froidement, qu'il ne s'étoit pas encore déterminé fur le nombre de ceux à qui il vouloit laisser la vie. Mais qu'à l'égard des autres, il avoit profcrit d'abord les premiers dont il s'étoit fouvenu, qu'il fe réservoit la liberté d'en ufer de La même maniere à l'avenir, à me

fure que fa memoire lui fourniroit les noms de fes ennemis. Il étendit enfuite fur des villes & fur des nations entieres, cette profcription qui n'étoit tombée d'abord que fur des particuliers. Il s'empara par une maniere de confifcation, des biens, des maisons & du territoire de toutes les villes d'Italie qui pendant la guerre civile s'étoient déclarées pour Marius. Il en fit la récompense de fes foldats qu'il attacha de nouyeau à fa fortune & à fes interêts. Mais comme ces ufurpations & beaucoup d'autres dont nous aurons lieu de parler dans la fuite, pouvoient n'être pas durables ceux qui en profitoient lui firent infinuer qu'il devoit fe revêtir de la dignité de Dictateur, afin de donner force de Loi & une apparence de droit à tant de difpofitions differentes qu'il faifoit dans la Republique.

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Nous avons déja dit que les Romains après avoir aboli la Royauté, en avoient cependant confervé comme la reprefentation dans la dignité de Dictateur. La puiffance de ce fouverain Magiftrat étoit fans

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bornes l'autorité des Confuls & des autres Magiftrats fubalternes, fi on en excepte celle des Tribuns, ceffoit abfolument par fon élection. Il avoit pouvoir de vie & de mort fur fes Concitoyens, & il pouvoit lever des troupes ou congedier les armées quand il le jugeoit à propos, fans que perfonne fût en droit de lui demander raifon de fa conduite. Vingt-quatre Licteurs qui portoient les faifceaux & les haches, le précedoient quand il fortoit en public, & le General de la Cavalerie, le fuivoit partout. Le Dictateur avoit feul le droit de le nommer, c'étoit comme fon Lieutenant. En un mot le Dictateur avoit toute la puiffance & l'appareil de la Royauté. Mais comme il auroit pû abufer d'un pouvoir fi abfolu, & peut-être plus grand que ne l'avoient jamais eu les anciens Rois de Rome, on n'avoit recours à cette fuprême dignité que dans les perils extrêmes de la Republique comme lorfqu'on étoit attaqué par des ennemis redoutables, ou que la Republique étoit agitée par de dangereufes feditions; & on prenoit toujours la

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précaution de ne déferer cette puiffance fufpecte à des Republicains, tout au plus que pour fix mois. Sylla maître abfolu dans Rome, la voulut avoir pour un tems indéfini. C'est ainsi que les Romains qui avoient paffe de la domination des Rois, fous le gouvernement Repu blicain des Confuls, & des Tribuns militaires, retomberent après plufieurs fiecles fous la puiffance abfo- in Rulliana luë d'un feul: quoique Sylla pour diminuer l'horreur qu'en avoient des Republicains, eût mafqué une veritable Royauté fous le titre & la dignité de Dictateur.

Mais les Romains étoient trop habiles pour ne pas s'appercevoir que fous des noms anciens & connus, il s'élevoit une puiffance toute nouvelle & incompatible avec la liberté. Sylla Dictateur perpetuel, ou pour mieux dire le Roi & le Souverain abfolu de Rome, changea à fon gré la forme du gouvernement. Il abolit d'anciennes Loix, en établit de nouvelles, fe rendit maître du Trefor public, & difpofa fouverainement des biens de fes Concitoyens, qu'il regardoit comme fai

tertia

Cicero

Id. l. 1. de legibus.

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