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mêlez d'anciens foldats, la plûpart gens de main, fans s'arrêter à cette obfervation fuperftitieuse, chargerent les bourgeois à coups de pierres & de bâtons ; les chafferent de la place, & firent enfuite recevoir la Loi.

Marius qui conduifoit fecretement tous les refforts de cette cabale, convoqua le Senat en qualité de Conful, pour déliberer fur le ferment preferit par la Loi,& qu'on vouloit exiger iinperieufement de tous les Senateurs. Comme il connoiffoit Metellus pour un homme droit & ferme dans fes réfolutions, il feignit, pour le faire donner dans le piége, de détefter une Loy fi injufte, qui n'avoit pour but, difoit-il, que de renouveller les anciennes feditions. Il ajoûta que pour lui, il ne prêteroit jamais un pareil ferment fi préjudiciable au sepos de la République. Merellus, comme il l'avoit bien prévû, ne manqua pas de fe déclarer de fon fentiment; & fon avis fut fuivi par tout le Senat..

Marius ayant tiré une pareille déclaration d'un homme incapa

ble de varier, convoqua le Senar le cinquième jour prefcrit par la Loi, pour prêter ferment, & alors il fe montra plus à découvert. II dit qu'il avoit fait de ferieuses refléxions fur cette grande affaire; qu'infailliblement on exciteroit une dangereufe fedition fi on perfiftoit abfolument à rejetter le ferment propofé; qu'on avoit tout à craindre de la fureur & du reffentiment de cette foule de gens groffiers & emportez. Mais que pour les éblouir & les renvoyer hors de Rome, il croyoit qu'on pouvoit fe tirer d'embaras à la faveur d'un ferment conçû en termes équivoques, qu'il étoit d'avis qu'on jurât d'obferver la Loi, mais avec cette reftriation, s'il y avoit Loi. Il ajouta qu'après que ces habitans de la campagne feroient retirez, il feroit aifé dans une autre affemblée moins tumultueufe, de faire voir au peuple de la ville, qu'on ne pouvoit regarder comme Loi, la propofition d'un Tribun qui n'avoit été reçue que par des feditieux, & dans des circonftances qui rendoient nuls tous les actes de ce jou

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Le fourbe ayant ainsi déguifé fon manque de parole, fort du Senat fuivi de fa cabale; court au temple de Saturne, & prête un ferment pur & fimple. Ses partifans en firent autant, & la plupart des autres Senateurs, les uns gagnez & les autres par la crainte de l'exil, fuivirent fon exemple: Metellus feul perfifta courageufement dans fon premier avis. C'étoit aussi sur fa fermeté que fes ennemis avoient principalement compté, pour executer le deffein qu'ils avoient de le perdre. Saturninus voyantqu'il n'avoit point prêté le ferment dans le tems prefcrit par la Loi,envoya un Huiffier pour le faire fortir du Senat. Mais les autres Tribuns du peuple qui n'étoient point de cette cabale, & qui reveroient la vertu de Metellus, s'oppoferent unanimement à l'infulte qu'on vouloit faire à ce grand homme.

Saturninus irrité de l'obftacle qu'il trouvoit à fes deffeins, fait revenir à Rome ces habitans de la campagne, dont nous avons par'é. Il convoque l'affemblée; monte à la Tribune aux haran

gues, après s'étre déchaîné contre Metellus, il déclare à cette populace qu'ils ne doivent point s'attendre au partage des terres, ni à l'execution de la Loi, tant que Metellus feroit dans Rome. Sur les remontrances de ce feditieux Tribun, l'affemblée condamna Metellus à un exil, fi dans le jour même il ne prêtoit le ferment porté par la Loi. Les Grands de Rome tout le Senat, & même les plus honnêtes gens parmi le peuple, vouloient s'oppefer à un Plebifcite fi injufte. Plufieurs même par attachement pour la perfonne de Metellus s'armerent fecretement fous leurs longues robes, & fous leurs habits de ville. Mais ce fage Senateur qui aimoit veritablement fa patrie, après les avoir remerciés tendrement de l'affection qu'ils lui faifoient paroître, leur déclara qu'il ne fouffriroit jamais qu'à fon occafion, il y eût une goute de fang répandu. Et on prétend qu'après s'être réfolu de fubir fon exil, il dit à fes amis particufiers, pour juftifier le parti qu'il prenoit, qu'ou bien le calme fe

rétabliroit dans la République, & qu'alors il ne doutoit point qu'on ne le rapellât; ou que fi le gouvernement demeuroit entre les mains de gens comme Saturninus, rien ne pouvoit lui être plus avantageux que de demeurer éloigné de Rome. Il partit enfuite pour fon exil: fa vertu & fa haute répu tation lui firent des concitoyens dans tous les lieux où il paffa: il ne fe trouva étranger en aucun endroit : & ayant fixé fon féjour dans l'Ile de Rhodes,il y jouit dans un doux repos, de cet empire na turel que la vertu donne fans le fecours des dignitez.

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La République par la retraite de Metellus, demeura en proye à Saturninus. Marius pour reconnoître les fervices qu'il lui avoit rendus dans cette affaire, fouffroit qu'il exerçât dans Rome une ty rannie déclarée. Il n'y avoit plus de liberté dans les élections ; & la violence décidoit de tout. Ce Tribun furieux toujours escorté d'une troupe d'affaffios qui lui fervoient de fatellites, fe fit continuer dans le Tribunat pour la

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