Pompée ayant mis en mer une puiffante flotte, défit celle des Pirates. Il prit un grand nombre de ces Brigands: & au lieu de les faire mourir, il les relegua dans le fond des terres,& dans des lieux éloignez des bords de la mer. Par-là en leur donnant moyen de vivre fans piraterie, il les empêcha de pirater.

Fin de Ponzième Livre,

183

HISTOIRE

DES REVOLUTIONS

ARRIVE'ES

DANS LE GOUVERNEMENT

DE LA

REPUBLIQUE ROMAINE.

LIVRE XII.

Pompée passe en Afie pour fe mettre à la tête des troupes que commandoit Lucullus. Entre - vûë de ces deux Romains. Les reproches qu'ils se font Pun à l'autre. Ils fe féparent ennemis déclarez. Détail de la conjuration de Catilina. Deffeins ambitieux du Tribun P. Servilius Rullus. Ciceron par fon habileté & fon éloquence vient à bout de faire rejetter la Loy que

Plut. in Pomp.

propofoit Rullus au sujet des terres de conquêtes,& de ruiner entierement le parti de Catilina.

N n'eut pas plutôt appris à Rome la défaite des Pirates, que Manilius Tribun du peuple, mais créa ture de Pompée, pour perpetuer fon autorité, propofa un nouveau decret qui lui donnoit le commandement de la guerre contre Mithridate, quoique L. Lucullus excellent Capitaine fût revêtu actuellement de cet emploi, & qu'il y eût acquis beaucoup de gloire. Ce decret portoit non- feulement que Pompée prendroit le commandement de fon armée & le gouvernement de PAfie; mais qu'il retiendroit encore la fur-intendance qu'il avoit fur l'armée navale dont il venoit de fe fervir contre les Pirates.

C'étoit livrer entre fes mains toutes les forces de terre & de mer: & il ne lui manquoit plus que le titre de Roy. Manilius & les partifans de Pompée preffoient la publication de ce decret. Le peuple toujours aveugle & toujours la

dupe des Grands, s'y intereffoit comme s'il fe fût agi de fon falut. Le Senat plus éclairé, regardoit ce decret comme l'établissement de la tyrannie. Cependant quand le jour de l'affemblée fut arrivé, & que Manilius propofa de révoquer Lucullus, & de lui fubftituer Pompée, perfonne ne branla, la crainte du reffentiment d'un homme fi puiffant, contint prefque tous les Senateurs. Ciceron même reconnu pour bon Citoyen, mais d'une conduite toujours timide & incertaine, fe déclara pour le parti le plus puiffant, & fit en faveur du decret le difcours qui nous eft resté sous le titre de Pro lege Manilia. Il n'y eut dans une compagnie auffi nombreufe, que Hortenfius & Catulus qui s'y oppoferent. Catulus reprocha au peuple avec beaucoup de courage l'injuftice qu'il vouloit faire à Lucullus: il reprefenta fes fervices & les grandes actions qu'il avoit faites dans le cours de cette guerre. Il difoit que par une glorieufe victoire il avoit délivré la ville de Cizique d'un fiege par terre & par mer; qu'il avoit battu Mi

Plut. in

Pomp.

thridate en differentes occafions, & vaincu Tigrane le plus puiffant Roy de l'Afie. Mais s'appercevant que le peuple n'écoutoit fon difcours qu'avec impatience, il fe tourna vers le Senat, & élevant sa voix avec un air plein d'indigna» tion:,, Sortons, leur dit-il, Peres conscripts, d'une ville où l'on veut » établir la tyrannie: & allons cher» cher quelque défert où nous puif» fions conferver la liberté que nous > avons reçûe de nos peres.

Ce difcours genereux ne fit aucune impreffion fur des gens, ou qui avoient vendu leur foi à Pompée, ou qui redoutoient fa puiffance & fon reffentiment. L'interêt public fut ainsi sacrifié, comme il arrive toujours, à l'interêt particulier. Le decret fut confirmé par toutes les Tribus, & le peuple donna à Pompée une autorité auffi étenduě que celle que Sylla avoit ufurpée les armes à la main, & pendant fa Dictature.

Pompée partit auffi - tôt pour l'Afie: & Lucullus fur les nouvelles du decret, quitta fon armée, pour n'être pas obligé de la remettre lui