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publique où l'éloquence donnoit tant de part au gouvernement.

La guerre lui étoit néceffaire' pour renouveller fon credit. Si on en croit Plutarque, le deffein fecret de fon voyage étoit de l'allumer dans l'Afie, & fur tout d'engager les Romains à la déclarer å Mithridate le plus puisfant Roi de l'Orient, qu'on foupçonnoit de faire des ligues, & d'armer contre les Romains. Marius auroit été ravi qu'il eût fait éclater fes deffeins, dans la vûe d'avoir le commandement de cette guerre, d'obtenir de nouveaux triomphes, & de remplir fa maifon des richeffes de l'Orient.

On prétend qu'étant passé à la Cour de ce Prince, & lui ayant fait differentes propofitions pour tâcher de pénétrer fes deffeins; comme Mithridate ne lui rendoit Plutar. pas une réponse affez précise ; in Mario. Il faut Mithridate, lui dit-il,,, ou que tu faffe en forte de te,, rendre plus puiffant que les Ro-,, mains, ou que tu fubiffe la Loi,, du plus fort.,, Le Roi de Pont le plus fier de tous les Princes de

fon temps, & accoutumé à ce langage fervile qu'on parle dans le Palais des Rois, parut furpris du difcours hardi de ce Républicain. Mais comme il n'étoit pas moins bon politique que grand Capitaine, & que toutes fes forces n'étoient pas encore fur pied, il diffimula fon mécontement, & renvoya Marius comblé de prefens.

Ce Romain aprés avoir parcouru une partie de l'Afie, revint à Rome, où il trouva peu d'amis & encore moins de confideration, Ses manieres dures & imperieufes ne convenoient pas dans un Etat libre où tous les citoyens fe croyoient égaux, & où les plus Grands ne faifoient des créatures & ne les confervoient que par des careffes & des bienfaits. Il eut le fort des plus grands Capitaines qui vieilliffent dans une longue paix. On oublia jufques à fes victoires, & on ne le regardoit au plus, dit Plutarque, que comme ces vieilles armes couvertes de rouilles, dont on ne croit pas avoir jamais befoin. D'ailleurs il s'étoit élevé d'autres Capitaines

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plus jeunes, & qui s'étoient emparez de la faveur du public : & parmi ceux du parti de la Nobleffe qui étoient les plus diftinguez Sylla dont nous avons déja parlé, tenoit le premier rang.

On a vû par quelle adreffe ce Patricien avoit mis fin tout d'un coup à la guerre de Numidie, en obligeant Bocchus de lui livrer Jugurtha. Ce fut avec la même habileté , que pendant que les Romains étoient aux prifes avec les Cimbres & les Teutons il engagea les Marfes*, l'une des plus puiffantes Nations de l'Italie, à fe déclarer en faveur des Romains. Perfonne après Marius n'eut tant de part à la défaite des Cimbres, & il fit même prifonnier un de ces Rois barbares.

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Marius jaloux de toute efpece de merite; mais encore plus de la réputation que donnoient les armes, obligea Sylla à force de mauvais traitemens de fe retirer.

* Peuples de l'Italie voifins dez Samnites, & qui occupoient cette partie du Royaume de Naples, qu'on appelle l'Ab

bruze ulterieure..

Catulus

Catulus qui connoiffoit fa capacité & fa valeur, lui offrit dans fon armée l'emploi qu'il avoit dans celle de Marius. Il y ajoûta une confiance parfaite. Sylla, vif, actif & plein de courage, le foulageoit dans toutes les fonctions de General: & comme Catulus étoit âgé & pefant, tout rouloit fur Sylla. Marches, campemens, la conduite des partis, & jufques au foin des vivres, il fe mêloit de tout. Et pendant que les troupes de Marius manquoient de provifions, il y en avoit en fi grande abondance dans le camp de Catulus que fes foldats en donnoient liberalement à ceux de fon Collegue. On dit que Marius en conçut une furieufe jaloufie contre Sylla; qu'il regarda cette liberalité comme une maniere indirecte de feduire fes foldats, & que ce fut un des motifs qui firent naître entre eux cette haine dont les fuites furent fi funeftes à la République. Elle commença à éclater au fujet de quelques figures de la victoire, & de certaines Images d'or que Bocchus confa Tome III

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B

cra dans le Capitole. Ces Images reprefentoient la maniere dont il avoit remis Jugurtha entre les mains de Sylla. Marius voulut faire enlever ces monumens, qui fembloient rapporter à fon Quefteur qui n'étoit qu'un Officier fubalterne, toute la gloire d'un évenement qui s'étoit paffé fous fon Confulat. Sylla de fon côté s'y oppofa avec une fermeté invincible on fut prêt d'en venir aux armes, dans un tems où tout fe décidoit à Rome par la force & la violence. Chacun prit parti felon fes interêts & fes engagemens. Rome entiere se partagea, & un fi petit fujet foutenu de part & d'autre par deux hommes fiers, hautains, & qui se haïffoient, fit renaître certe antipathie entre la Nobleffe & le peuple, prefque auffi ancienne que la fondation de la République. On cabale; il fe forme des factions; chacun s'affure de fes amis & de fes créatures. Enfin la ville étoit dans cette agitation qui précede ordinairement les guerres civiles, lorfque la mort de Livius Drufus donna

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