Sommez à coups de pierres & de bâtons. Metellus efl rapellé. Habileté de Sylla dans le métier de la guerre. La jalousie qu'en conçoit Marius, lui fait regarder Sylla comme fon ennemi. Rome fe partage entre ces deux Guerriers. Prête à Se déchirer par une guerre civile, elle fe réunit contre des peuples d'Italie, liguez enfemble pour se faire accorder par la force des armes la qualité & les privileges de Citoyens Romains. Sylla préferé à Marius pour aller faire la guerre à Mythridate. Suites funeftes de cette préference. Détail de la guerre civile dont elle fut cause. Mort de

Marius.

E jour du Triomphe de Marius, le peuple fit éclater fa joye, non feulement par raport à l'interêt public, mais encore par la raifon que le Confulat de ce Plebeïen étant fon ouvrage, il fe regardoit comme auteur de fa victoire, & asso. cié à fon Triomphe. Les Tribuns dans leurs harangues continuelles, en prenoient lieu d'infulter aux

Patriciens & à tous les Nobles: ils leurs demandoient fierement, quel Capitaine & quel General de leur Corps étoit comparable à ce Plebeïen, & s'ils prétendoient encore que la valeur, le courage, & la capacité dans le commandement des armées, ne fe duffent trouver que dans la Nobleffe d'origine. Les Patriciens au contraire, pour diminuer la gloire de Marius, publioient que tout l'honneur de cette guerre étoit dû à Metellus, qui après deux grandes victoires, avoit pouffé Jugurtha jufqu'à l'extremité de fes Etats; & que Marius feroitencore en Affrique, fi Sylla autre Patricien ne s'étoit pas rendu maître de la perfonne du Roy de Numidie. Sylla même encore plus jaloux de la gloire de Marius que celui-ci ne l'avoit été des conquêtes de Metellus, fit graver für une pierre l'hiftoire de cet évenement pour en perpetuer la memoire. On y voyoit de quelle maniere Bocchus lui livroit Jugurtha: & pour chagriner Marius, il fe fervit toûjours depuis de cette pierre pour cachet: circonftance peu confiderable dans

l'hiftoire, fi elle n'avoit pas donné lieu aux diffentions qui éclaterent depuis entre ces deux grands hommes; & aufquelles le Senat & le peuples prirent tant de part.

Mais cette concurrence, & cet efprit de parti, furent, fufpendus au bruit de l'approche de ces barbares, dont nous venons de parler. Plus de trois cens mille hommes connus fous le nom de Teutons & de Cimbres, & fortis de la Cherfonefe Cimbrique, s'étoient unis pour chercher de nouvelles terres, & un climat plus doux & plus temperé. Ces barbares fuivis d'une foule innombrable de vieillards, de femmes & d'enfans, fe jetterent dans les Gaules, où ils firent de grands ravages. Les Cimbres tailTerent en pieces l'armée commandée par M. Junius Silanus, & un autre Corps qui étoit aux ordres de M. Aurelius Scaurus Lieutenant de Cn. Mallius alors Conful: & ce Conful & Q. Servilius Cepion peu de jours après eurent un pareil fort & perdirent dans deux grandes batailles plus de quatreyingt mille hommes. Ces barbares

fe féparerent enfuite; les Teutons refterent dans les Gaules, d'où ils fe difpofoient à paffer en Italie, & les Cimbres prirent la route de l'Allemagne pour s'y rendre de leur côté. Tant de pertes, le nombre & la ferocité de ces barbares, épouvanterent les Romains. L'envie difparut; les deux partis qui partageoient Rome fe réunirent; tout le monde comme de concert, chargea Marius du foin de cette guerre. On lui décerna de fuite un fe- An de Rocond & un troifiéme Confulat qu'il me 650. employa à lever de grandes armées, & à fortifier les détroits & les paffages de l'Italie. Il revint à Rome pour préfider à l'élection des nouveaux Confuls: il déclara qu'après Mario. trois Confulats, il ne concourroit plus pour cette Dignité, & qu'il la refuferoit même quand on là lui offriroit. Mais ceux qui connoiffoient à quel point il étoit dévoré d'ambition, fe mocquoient de cette fauffe modeftie, & on regarda comme une comedie, le rôle qu'il fit jouer en même temps à un certain Saturninus fa creature,& Tribun du peuple, qui l'appelloit pu

Plut. in

bliquement traitre & méchant, de refufer de fervir fa patrie, & qui exhortoit le peuple à le forcer de prendre le commandement de l'armée.

L'artifice étoit trop groffier pour échapper à la pénétration des gens auffi éclairés que les Romains. Mais comme on n'avoit point-alors de Capitaine plus habile, & que Metellus étoit trop âgé pour fe charger de la conduite d'une guerre où il ne falloit pas moins An de Ro- d'activité que de valeur; Marius me 652. fut élu Conful pour la quatrième fois, & on lui donna pour Collegue Catulus Lutatius, perfonnage qui ne lui étoit pas égal à la verité dans la fcience militaire, mais qui le furpaffoit par fa modeftie fa probité, & la douceur de fes

moeurs.

Les deux Confuls partagerent les Legions. Marius avec une partie fut au devant des Teutons qu'il rencontra en Provence, & qu'il défit proche la ville d'Aix. On prétend que le combat dura Plut. in deux jours entiers; que cent cinquante mille Teutons y perirent,

Mario.