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enfuite qu'il étoit prêt de quitter le commandement conjointement avec Pompée; mais que fi ce General prétendoit le retenir, il fçauroit bien fe maintenir de fon côté à la tête de fon armée; qu'il feroit mê me dan's peu de jours à Rome pour y vanger fes propres injures, & celles qu'on faifoit à la patrie.

Ces dernieres paroles remplies de menaces fouleverent contre luitoute P'Affemblée.Lentulus s'écria qu'il étoit inutile de déliberer fur une lettre qui renfermoit une déclaration de guerre, & il ajoûta par un emportement de colere qu'on avoit plus befoin d'armes que de fuffrages pour opiner contre un auffi grand voleur que Cefar. Lucius Domitius fut nommé fur le champ pour fon fucceffeur, & on lui donna quatre mille hommes de nouvelles levées pour aller prendre poffeffion de fon gouvernement.

On forma enfuite le décret du Senat que les ennemis de Cefar dicterent eux-mêmes. Il étoit ordonné qu'il licentieroit fon armée dans un temps déterminé, & que s'il n'obéïssoit on le poursuivroit com

me

me un ennemi de la République. Envain Marc-Antoine alors TriPlut, ip bun, & foutenu de Curion & de Caf Caffius, voulut en vertu du pouvoir que lui donnoit fa charge s'oppofer à ce decret, les Confuls irritez de leur réfiftance, les chafferent par force du Senat. Pompée même faifoit avancer fecretement des foldats pour leur faire infulte. Antoine avant que de fortir s'écria que la dignité Tribunitienne qui avoit été facrée jufqu'alors, nétoit plus en fureté; mais que de pareilles violences n'étoient que les preludes des guerres fanglantes, des profcriptions & des meurtres qu'il prevoyoit. Il fit en fortant d'horribles imprécations contre ceux qui étoient caufe de tous ces malheurs : & ces trois Senateurs après s'être déguisez en efclaves de peur d'être reconnus, fe rendirent en diligence auprès de Cefar.

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Le décret du Senat fut comme la déclaration de la guerre. On vit deux puiffans partis prendre les armes, tous deux prétextant la défenfe des Loix & de la liberté, mais dont les chefs n'avoient pour objet

Tome III.

O

fecret que l'établissement particu lier de leur puiffance, & la ruine de la liberté & des Loix. Le parti de Pompée avoit quelque chofe de plus fpecieux, il fe couvroit du grand nom de la Republique qui le reconnoiffoit pour fon General: & le Senat entier & les Confuls fuivoient fes enfeignes. Cefar avoit pour lui l'affection du peuple foutenuë d'une armée victorieuse; & fi le parti de Pompée paroiffoit le plus jufte en apparence, celui de fon rival étoit le plus puiffant & le plus fûr.

Le Senat s'étoit flaté que ce General ne pourroit pas tirer fi-tôt fes troupes du fond des Gaules où elles étoient repanduës en differentes Provinces, & qu'avant qu'elles euffent paffé les Alpes, Pompée auroit une puiffante armée fur pied. Mais Cefar dont les vûës & l'activité étoient incomparables, réfolut de prevenir fes ennemis par la hardieffe & la promptitude de fa marche. Il étoit actuellement à Ravenne comme nous l'avons dit.Il envoya fur le champ un ordre fecret aux corps de fes troupes qui étoient les plus avan

eez, de s'approcher du Rubicon, petite Riviere qui feparoit fon gouvernement, c'eft-à-dire la Gaule Cis-Alpine du refte de l'Italie.

Il partit le foir, marcha toute la nuit avec une extrême diligence, & arriva au rendez-vous à la pointe du jour où il trouva environ cinq mille hommes d'infanterie & trois cens chevaux. Il s'arrêta quelque temps au bord de cette petite Riviere. L'inquietude du fuccès de fon entreprise, & même tous les malheurs d'une guerre civile, fe prefenterent alors à fon efprit. Cefar élevé dans le fein d'une Republique ne put en approchant de Rome, envisager de fang froid la ruine de fa patrie. Il avoit compté auparavant fur une fermeté d'ame, ou pour mieux dire fur une dureté à laquelle il avoit peine à parvenir; & la liberté prête à expirer fous l'effort de fes armes lui coûta encore quelques remors. Si je differe à paffer cette Rivière, dit-il aux principaux Officiers dont il étoit environné Je fuis perdu: & fi je paffe, que je vais faire de malheureux Mais après avoir reflechi fur la haine & l'animo.

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fité de fes ennemis, & fur fes propres forces, il fe jette dans le fleuve, le traverse en s'écriant, comme on fait dans les entreprises incertaines & hazardeufes : C'en est fait, le fort Plut in eft jetté. Il continua auffi-tôt fa marche avec toute la diligence que App. 12. lui put permettre un corps d'Infan terie. Il arrive à Rimini, furprend cette place, & s'en rend le maî

Cæl.

tre.

On ne peut exprimer la crainte & la terreur que la perte de cette place répandit dans toute l'Italie, & jufque dans Rome. It fembloit que ce Capitaine fi redoutable fût déja aux portes de la ville avec l'armée entière des Gaules. Le Senat s'affembla plufieurs fois fans pouvoir prendre aucun parti; les efprits étoient trop divisez : plusieurs Senateurs fans ouvrir aucun avis ne faifoient que contredire celui des autres; & dans ces affemblées tumultucuses, on n'approuvoit que les confeils qu'on ne pouvoit exé

cuter.

Pompée dans ce defordre n'étoit pas fans inquiétude. Il n'avoit ni troupes ni place de retraite, & il

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