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la force & la violence alloient décider de tout. Marius & Sulpitius qui ne fe trouvoient pas en état de refifter à un ennemi puiffant & irrité, lui dépêcherent fous le nom du Senat, de nouveaux Deputer pour tâcher de retarder fa marche. Ces Deputez prierent les deux Confuls de fufpendre leur colere & leur reffentiment, & de ne point fouffrir que leur armée s'approchât de Rome plus près de cinq mille*, & ils leur reprefenterent, que pendant que leurs troupes s'y repo'eroient, le Senat efperoit de trouver les moyens de concilier leurs interêts, & de leur donner une entiere fatisfaction.

Les deux Confuls qui reconnu- App. Arent qu'on ne cherchoit qu'à les lex. 1.1. amufer pour donner le temps à Marius de lever des troupes, feignirent pour tromper les Deputez, de fe rendre à leurs propofitions. Sylla en leur prefence, commanda à fes Officiers de marquer un camp, & de diftribuer les lo

* Cinq mille, ou quarante ftades, ou deux lieues Françoises,

Plut. in Sylla.

gemens dans l'endroit où il fe trouvoit. Mais ces Envoyez ne furent pás plûtôt partis, qu'il les fit fuivre par fa Cavalerie: il fe mit enfuite en marche avec toute fon armée, & parut aux portes de Rome quand fes ennemis le croyoient encore dans fon camp.

Ses troupes entrerent dans la ville l'épée à la main, & comme elles auroient fait dans une place ennemie & prise d'affaut. Marius & Sulpitius, quoique furpris, s'oppoferent à leur paffage avec un gros de leurs partifans qui s'étoient réunis auprès d'eux: & le peuple qui craignoit le pillage, fe declara en leur faveur, & lançoit des traits & des pierres du haut des maifons fur les foldats de Sylla. Mais ce General ayant menacé de les brûler, & ayant paru un flambeau à la main, le peuple ceffa ce genre d'hoftilité, demeura fpectateur du combat entre les deux partis. Marius & Sulpitius l'appellerent vainement à leur fecours ; ils promirent même inutilememt la liberté aux efclaves qui prendroient les armes en leur faveur, perfonne ne

branla :

branla & les troupes de Sylla avançant toûjours, les poufferent jufqu'au Temple de la Déeffe Tellus, d'où ils furent obligez de s'enfuir & de fortir de Rome. Sylla s'en voyant maître, mit des corps de garde dans toutes les places de la ville pour empêcher le defordre, Il fit même punir feverement quelques foldats qui s'étoient jettez dans des maifons pour les piller, & il paffa toute la nuit à visiter lui-même les differens quartiers pour contenir le foldat toûjours infolent dans la victoire, & pour empêcher que les Citoyens ne fuffent outragez.

Les deux Confuls ayant employé toute la nuit à pourvoir à la fûreté publique, fongerent le lendemain à faire autorifer une conduite fi extraordinaire par de nouvelles Loix, & à fe revêtir au moins des apparences de la juftice qui ne manquent gueres à ceux qui ont la force de leur côté. Pour y parvenir, ils formerent le deffein de relever l'autorité du Senat que les Tribuns du peuple avoient fort affoiblie par ce nombre infini de Tome III. C

Loix nouvelles faites en faveur du peuple, & dont la plûpart n'avoient été promulguées que par des feditieux, les armes à la main.

Ils convoquerent dans cette vûë pp. 1. 1. une Affemblée du Peuple Romain. Sylla naturellement éloquent, déplora en des termes égalemenr vifs & touchans les malheurs de la République. Il reprefenta à l'Affemblée que les diffenfions qui agitoient depuis fi long-temps la Ville & l'Etat, ne provenoient que de l'efprit inquiet & feditieux des Tribuns, qui pour fe faire valoir n'oublioient rien pour exciter la haine du peu ple contre le Senat. Que ces Magiftrats populaires qui n'avoient été etablis dans leur origine que pour empêcher qu'on ne fit violence à aucun Citoyen Romain, s'étoient emparez infenfiblement, & fous differens prétextes, du gouvernement entier de la République. Que par de nouvelles Loix inconnuës à leurs ancêtres, ils avoient trouvé le fecret d'anéantir l'autorité des Confuls & la dignité du Senat. Que pour faire tolerer ces ufurpations qu'ils revêtoient du nom refpe

&able de Loix, ils avoient aboli dans les élections des Magiftrats l'ufage établi de tout temps de recueillir les fuffrages par Centuries, & qu'ils avoient fubftitué à cette ancienne forme celle de faire donner les voix par Tribus, fur-tout dans l'élection des Tribuns du peuple. Que par ce changement dans lequel les fuffrages des nobles & des perfonnes riches étoient confondus avec ceux des pauvres au lieu de les compter par Centuries, le petit peuple fe trouvoit maître des élections, & que fon choix tomboit toûjours plutôt fur les plus feditieux, que fur les gens de bien. Que pour détruire des abus fi pernicieux au repos de la République, il étoit d'avis que deformais perfonne, de quelque condition qu'il fût, ne pût propofer au peuple aucune Loi qui n'eût été auparavant. approuvée par le Senat; enfin que dans les élections on ne recueillît plus les fuffrages que par claffes: efpece de rôles dans lefquels tous les Citoyens étoient divifez par Centuries felon leurs facultez, mais dont la premiere claffe compofée

Ca

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