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des plus riches, renfermoit feule plus de Centuries que toutes les autres claffes ensemble, ce qui rendoit cette premiere claffe, quand toutes fes Centuries étoient d'accord, arbitre de toutes les déliberations. Sylla ajouta qu'il falloit interdire aux Tribuns ces harangues continuelles qui étoient autant de trompettes de fédition, & que pour mettre des bornes à l'ambition effrenée de ces Magiftrats Plebeïens, il étoit à propos de déclarer par une Loi folemnelle, que tout Citoyen qui auroit exercé le Tribunat, feroit incapable dans la fuite de toute autre Magiftrature.

Ces propofitions de la part d'un homme qui étoit à la tête de fix Legions, & maître de Rome, devinrent auffi-tôt des Loix. Perfonne n'ofa s'y oppofer: tout plia fous fon autorité, & Rome fous fon Confulat prit comme une nouvelle face.

Quand il eut établi folidcment fon autorité, il fongea à venger fes injures particulieres. Nous avons dit que Marius de concert avec le Tribun Sulpitius, s'étoit fait dé

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cerner le commandement de l'armée destinée contre Mithridate. Sylla fit caffer ce Décret, & en même-temps il fit annuller la derniere Loi promulguée parSulpitius, qui admettoit les alliez dans les trente-cinq Tribus anciennes. Tout ce qui s'étoit passé fut attribué à la force & à la violence, & celui même qui s'en plaignoit, tenoit pour ainsi dire, actuellement le poignard fur la gorge à fes Concitoyens. On accufa enfuite C.Marius, le jeune Marius fon fils, douze Senateurs des principaux de leur parti, & le Tribun Sulpitius, d'être les auteurs de la derniere fédition. Ils étoient abfens, & ils avoient pour partie celui qui commandoit dans Rome avec une autorité abfolue. Ainfi leur procès fut bientôt App.Alex. fait. Ils furent déclarez ennemis 1.1.de bell. du Peuple Romain on mit leurs civ. têtes à prix on leur interdit le feu & l'eau, c'eft-à-dire, tous les fecours de la focieté; & on publia à fon de trompe à Rome & dans toutes les Provinces dépendantes de la République, le Décret du Senat, qui ordonnoit qu'on eût à

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les poursuivre aux dépens du public, & qu'on les fit mourir fi-tôt qu'ils auroient été arrêtez. Sylla dépêcha en même-temps des troupes de tous côtez pour les faire perir. Marius échapa à leur pourfuite: mais le Tribun Sulpitius fut trouvé par des Cavaliers de Sylla, caché dans les marais du Laurentium., On lui coupa la tête qui fut apportée à Rome, & attachée aux Roftres ou Tribune aux Harangues. Ce fpectacle affreux fut un préfage de tout le fang que l'ambition & la haine de Marius & de Sylla firent répandre dans la fuite, à Rome & dans tout l'Empire Romain.

Le peuple ne vit qu'avec une fecrete indignation la tête d'un de fes Magiftrats attachée fur fon propre Tribunal. Et le Senat même quoique ravi de voir le parti du peuple abaiffé, ne laiffa pas de murmurer de la profcription de C. Marius & de fes partifans. La plus grande partie des Senateurs jaloux de l'honneur & de la dignité de leur Compagnie, ne pouvoient fouffrir qu'on eût profcrit leurs Collegues, comme on auroit fait des brigands

& des fcelerats. Quelques-uns reprochoient fecretement à Sylla qu'il vouloit faire perir un homme plus genereux que lui, & que fi Marius quand il fe refugia dans fa maison l'eût livré à ceux qui le poursuivoient, il fe feroit vû par fa mort maître abfolu du gouvernement. Ces difcours répétez depuis en differentes manieres dans les compagnies, donnoient de l'éloignement à tout le monde pour la perfonne de Sylla. Il en fit l'experience dans l'élection de quelques Magiftrats, où la qualité de fes créatures* fut à l'égard du peuple un titre d'exclufion. Sylla au lieu de s'en fâcher, affecta de s'en faire un nouveau mérite. Il dit à fes amis que le peu d'égards que le peuple avoit eu pour fa recommandation, étoit une preuve que fous fon Confulat Rome jouiffoit d'une entiere liberté: & pour fou tenir toujours le même caractere aux yeux du public, il laiffa élire pour l'un des Confuls de l'année An de fuivante, Cinna de la même mai- Rom, 666, fon que lui, mais d'un parti conNonnius neyeu de Sylla, & Servius,

traire, & qui le fit repentir dans la fuite de cette feinte moderation auffi oppofée à fon humeur qu'à fes interêts.

Cornelius Cinna, quoique d'une maison Patricienne, s'étoit attaché au parti du peuple, où il efperoit trouver plus de confideration que dans celui de la Nobleffe, rempli de grands Capitaines & d'habiles Magiftrats. C'étoit un homme fans moeurs & fans réflexion, précipité dans fes deffeins: cependant tout temeraire & inconfideré qu'il étoit dans fes engagemens, ils les foutenoit avec un courage & une grandeur d'ame digne d'un meilleur Citoyen. Il ne fut pas plutôt entré dans l'exercice de fa Magiftrature, qu'il fe vanta infolemment de faire abolir toutes les Loix de Sylla. Il F'attaqua même indirectement : & pour effayer fes forces & la difpofition du peuple, il hazarda une de *Virgi- fes créatures qui ofa fe déclarer accufateur de Sylla. Mais ce grand homme méprifant également & la baffeffe de l'accufateur, & la legereté de celui qui le faifoit agir fans daigner feulement répondre à

nius.

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