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l'accufation, laiffa là le procès & les Juges, & partit pour aller faire la guerre à Mithridate.

Il fe flavoit que fon parti feroit toujours affez puiffant pour tenir en respect le nouveau Conful, homme peu eftimé, & d'ailleurs haï pour fon humeur hautaine & violente. Mais la fuite lui fit voir que dans les diffenfions domeftiques & les guerres civiles, il ne faut jamais fe trop fier ni à ses meilleurs amis, ni méprifer le moindre de fes ennemis. Cinna n'avoit pas à la verité un affez puissant parti pour introduire un nouveau changement dans le gouvernement de Etat; mais il eut des amis plus habiles que lui, qui lui firent comprendre que pour se foutenir contre Sylla, il devoit faire rappeller Marius, & oppofer à Sylla, ce grand Capitaine fi fameux par fes victoires. Il falloit pour cela faire caffer l'Arrêt de la profcription: mais cette caffation d'un Arrêt fi folemnel paroiffoit prefque impof fible, par rapport au puiffant parti que Sylla avoit laiffé dans Rome. Cinna pour en balancer le credit,

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& pour s'affurer du plus grand nombre des fuffrages, entreprit de gagner les alliez..

Nous avons dit avec quelle adreffe le Senat les avoit comme releguez dans les huit dernieres Tribus, afin que leurs fuffrages ne fuffent jamais comptez : & on à vû que par un deffein contraire Marius & Sulpitius les avoient incorporez dans les trente-cinq premieres Tribus, mais que Sylla avoit depuis fait abroger cette Loi: Cinna réfolut de la faire revivre. Pour y réuffir, il leur fit dire fecretement de fe rendre à Rome le premier jour d'Affemblée, d'y venir en plus grand nombre qu'ils pourroient, & d'apporter des épées fous leurs robes. Tout cela fut executé felon fon projet : & le jour de l'Affemblée, la place publique fut remplie d'un fi grand nombre de ces alliez, que les habitans même de Rome eurent bien de la peine à en approcher. Cinna monta lui-même à la Tribune, & par un difcours étudié, il repréfenta à l'Affemblée que les Latins & les Italiens étant de même nation que les Romains, que pár

lant le même langage, vivant fous des Loix à peu près femblables, & expofant tous les jours leur vie pour foutenir la gloire & les interêts de la République, il étoit jufte de ne former qu'un corps & qu'une feule République des differens peuples de l'Italie. Que pour rendre cette union parfaite, il falloit supprimer les huit dernieres Tribus, & placer dans les anciennes les nouveaux Citoyens, felon que le fort en décideroit. Que c'étoit le vell.Pater feul moyen d'entretenir la paix & l. 2. c. 20. l'union entre les differens Ordres

de l'Etat, d'en augmenter les for& de les rendre redoutables aux ennemis du nomRomain.

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Ce difcours du Conful fut reçu avec de grands applaudiffemens de la part des alliez. Ils demanderent à haute voix, & avec de grands cris, qu'on prît les fuffrages pour faire recevoir cette Loi. Mais les anciens Citoyens indignez de voir un Patricien & un Conful faire le perfonnage féditieux d'un Tribun du peuple, s'oppoferent hautement à la reception de cette nouvelle Loi.» Qu'il fuffife à ces étrangers,

App.Alex. 1.2. c. 15.

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» difoient-ils, d'être affociez au nom Komain, d'en avoir les droits & les privileges, & de fe voir aujourd'hui » de fujets, devenus Citoyens de » Rome, fans prétendre encore se » mêler malgré nous dans nos Tribus » pour y donner la Loi pår le nom»bre de leurs fuffrages.

L'oppofition de fentimens & de partis fit naître des difputes qui dégenererent bien-tôt en invectives & en injures. Pour lors les alliez tirant les épées qu'ils portoient fous leurs robes, chargerent les anciens Citoyens, & les obligerent de quitter la place & de s'enfuir. La plupart coururent en porter leurs plaintes au Senat, & ils s'adrefferent à Octavius Collegue de Cinna au Confulat, ami & partifan déclaré de Sylla. Ce Conful qui avoit prévû les deffeins de fon Col legue, fous prétexte de maintenir la paix dans la Ville, tenoit auprès de lui un nombre confiderable de fes partifans tous bien armez. Il n'eut pas plutôt appris ce qui fe paffoit dans la place, qu'il y courut à la tête des créatures de Sylla. Il écarte le peuple qui lui fait place,

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tant par refpect pour fa dignité, que par la crainte de ce grand nombre de gens armez dont il étoit accompagné. Octavius fans égards pour perfonne, charge les Latins, les pouffe, écarte la multitude & la met en fuite. Les habitans de Rome prennent les armes, attaquent les alliez difperfez dans les ruës, les poursuivent l'épée dans les reins, & les forcent enfin de fortir de Rome.

Cinna s'en voyant abandonné, court toute la Ville pour rallier fes partifans, & il invite même jufques aux efclaves de fe joindre à lui par l'efperance de la liberté qu'il promet à ceux qui prendront les armes en fa faveur. Le premier Magiftrat de la République, & celui qui étoit prépofé pour y entretenir la paix, n'oublie rien pour exciter une fédition. Mais perfonne ne branla: & après des efforts impuiffans, il fut obligé de ceder au parti con traire. Il fortit de Rome, & fut rejoindre cette foule d'Italiens qu'il y avoit fait venir. Il parcourut fuc ceffivement la plupart de leurs VilJes. Il fut à Tibur, à Preneste,

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