de l'Italie. Mais ayant été reconnu par des gens de Minturne, on l'arrêta: il fut conduit dans cette ville la corde au col, tout nud, & couvert de boue. Le Magiftrat pour obéir aux ordres du Senat, lui envoya auffi-tôt un esclave public, Cimbre de nation, pour le faire

mourir.

Marius voyant entrer cet efclave Plutar. In dans fa prifon, & jugeant de fon Mar deffein par une épée nuë, qu'il avoit à la main, lui cria d'une voix. forte: Barbare, as-tu bien la hardieffe d'affaffiner Caius Marius! L'efclave épouvanté du nom feul d'un homme fi redoutable aux Cimbres, jette fon épée & fort de la prifon tout ému, & en criant: Il m'eft impoffible de tuer Marius. Les Magiftrats de Minturne regarderent la peur & le trouble de cet efclave comme un mouvement du Ciel qui veilloit à la confervation de ce grand homme; & touchez d'un fentiment de religion, ils lui rendirent la liberté.

Qu'il aille, dirent-ils, errant où « fes deftinées le conduifent, & que par tout ailleurs il fubiffe le Décret «e du Senat.Nous fupplions feulement «<

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» les Dieux qu'ils nous pardonnent, » fiune autorité fuperieure nous con» traint de chaffer de notre Ville ce» lui qui a fauvé autrefois toute l'I"talie de l'incurfion des barbares. 39 Ceux de Minturne lui fournirent même un vaiffeau qui le porta d'abord dans l'Ile d'Enaria, où il trouva un Senateur de ses partisans appellé Granius, & quelques autres profcrits de fes amis qui lui apprirent que fon fils s'étoit refugié à la Cour de Mandreftal* Roy de Numidie: ce qui détermina Marius à paffer en Afrique. Il fut obligé par la tempête, d'autres difent pour faire de l'eau, de relâcher fur les côtes de Sicile, & il y trouva de nouveaux périls. A peine étoit-il débarqué, qu'un Quefteur Romain qui commandoit dans le païs, & qui par hazard fe trouva au même endroit, voulut l'arrêter. On en vint aux mains, & Marius n'échapa de ce péril qu'après avoir perdu feize hommes de ceux qui l'accompagnoient, & qui firent ferme fur le bord de la mer pendant qu'il fe rembarquoit. Il arriva enfuite en * Plutarque le nomme Hyempfak

Afrique après quelques jours de navigation, & mit pied à terre proche de Carthage. Sextilius commandoit dans cette Province en qualité de Préteur; & comme Marius ne l'avoit jamais defobligé, il fe flata qu'il voudroit bien igno~ rer l'endroit de fa retraite, & qu'il trouveroit enfin un afile où il pourroit fe rétablir tranquillement des fatigues de la mer.

Mais à peine avoit-il paffé quel ques jours fur ce rivage, qu'il vit arriver un Licteur qui lui fignifia un ordre du Préteur de fortir de

fon

gouvernement, avec menace de le pourfuivre comme un ennemi du Peuple Romain, s'il y reftoit plus long-temps. Marius penetré de douleur & de colere de ne pouvoir pas trouver un coin de terre où il pût être en fûreté, après s'être vû, pour ainfi dire, maître du monde entier, gardoit un morne filence en regardant fierement ce Licteur. Mais en étant preffé de lui donner réponse: Raporte à ton Maître, lui dit-il, que tu as vû C.Marius banni de fon païs, affis fur les ruines de Carthage; comme fi

par la comparaifon de fes difgraces avec la chûte du puiffant Empire des Carthaginois, il eût voulu inftruire le Préteur de l'instabilité des plus grandes fortunes.

Il fe rembarqua enfuite malgré la rigueur de la faifon, & il paffa une partie de l'hyver dans fon vaiffeau à errer dans ces mers, en attendant le retour d'un de fes gens qu'il avoit envoyé en Numidie au jeune Marius fon fils, afin qu'il lui procurât une retraite dans le païs de Mandreftal. Mais il fut bien furpris lorfqu'il le vit arriver luimême, & qu'il apprit qu'il s'étoit heureufement échapé d'un azile qui étoit devenu fa prifon. Ce Prince barbare l'avoit reçû d'abord avec les égards que tous les Rois avoient pour les Romains, & qui étoient dûs furtout au grand nom de Marius fi fameux dans la Numidie. Mais ayant appris fa difgrace, il réfolut de retenir fon fils, comme un ôtage que la fortune lui avoit envoyé, & de s'en faire un merite en faveur du parti qui prévaudroit. Et quoiqu'il gardât toujours en apparence les mêmes

égards & les mêmes mesures d'honnêteté, le jeune Marius n'avoit pas été long-temps fans s'appercevoir qu'il n'étoit plus libre, & que c'étoit moins pour lui faire honneur, que pour l'obferver,que Mandreftal le faifoit accompagner par tout où il portoit fes pas, d'un grand nombre de Seigneurs Numides qui ne le perdoient jamais de vûë.

Plut. in

Heureufement le jeune Romain avoit fçu plaire à une des femmes Mario. du Roy. L'amour déguifé en pitié, rendit cette Princeffe fenfible à fes malheurs, & malgré fon inclination fecrete, elle fut affez genereufe pour lui faciliter les moyens de s'échaper. Il vint joindre fon pere. comme nous l'avons dit; & Marius ayant appris les mouvemens de Rome par un Envoyé de Cinna, réfolut de fe rendre dans fon armée pour tâcher de relever fon parti. Il s'embarqua de nouveau, App. Alex. & après quelques jours de navi- - 2. c. 16. gation, il aborda fur les côtes d'Etrurie, d'où il envoya offrir fes fervices à Cinna, comme un simple citoyen à fon Conful.

Cinna apprenant cette grande

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