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Sert.

nouvelle, en fit part à Quintus Sertorius un de fes Lieutenans, & lui demanda fon avis. Sertorius grand Capitaine, mais fage & moderé & qui redoutoit l'humeur farouche & vindicative de Marius, ne fut point d'avis qu'on le reçût dans l'armée. Il reprefenta à Cinna Phut. in qu'il étoit affez puiffant pour triompher feul de tous fes ennemis; que Marius ne feroit pas plutôt à la tête de l'armée, qu'il rappelleroit à lui toute l'autorité. Qu'il lui enleveroit la gloire des heureux fuccès; & d'ailleurs que c'étoit un homme fur la foi duquel il n'étoit pas toujours fûr de fe repofer. Cinna convint de la folidité de toutes ces raifons: Mais le moyen, dit-il, de renvoyer un homme que j'ai invité moimême à fe rendre dans mon armée, & à unir fes reffentimens aux miens contre nos ennemis communs? Puifque c'eft vous qui l'avez appellé, lui répondit Sertorius, la déliberation eft inutile

il ne vous reste d'autre parti à prendre, après vous être joint, que de veiller autant fur fa conduite, que fur les entreprifes & les deffeins de vos ennemis déclarez.

Cinna

Cinna après cette conference fecrete, écrivit à Marius pour l'inviter de nouveau à fe rendre dans fon armée. Il le traitoit de ProConful dans fa Lettre, & il lui envoya des Licteurs & tous les ornemens de cette dignité. Marius fe. rendit au camp de Cinna; mais il renvoya les Li&teurs & les autres marques de diftinction, comme peu convenables à fa fortune. Il affedoit au contraire de ne porter qu'une méchante robe; ses cheveux & fa barbe étoient negligez ; il mar. choit lentement, & comme un homme abbatu par tant de difgraces. Mais au travers de cette triste contenance qu'il affectoit, on démêloit quelque chofe de fi fier fur fon vifage, qu'il excitoit plutôt de. la fraïeur que de la compaffion. On ne fçut pas plutôt à Rome que Marius étoit revenu en Italie dans le deffein d'y faire la guerre, qu'il fortit de cette ville plus de cinq cens citoyens qui se rendirent auprès de lui. Il parcourut enfuite toute l'Italie,& alla de ville en ville, publiant qu'il ne prenoit les armes. que pour faire recevoir leurs ciTome III.

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toyens dans le corps de la Répu blique, & dans les anciennes Tribus. Les peuples flatez de cette efperance, lui donnerent des troupes & de l'argent. Un grand nombre de Soldats Romains qui avoient fervi autrefois fous lui, vinrent luioffrir leurs fervices. Pour groffir fes troupes encore davantage, il fit publier à fon de trompe qu'il accorderoit la liberté à tous les efclaves qui le viendroient trouver.

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y en accourut un grand nombre à qui il fit donner des armes : & il choifit les mieux faits pour lui fervir de gardes.

Cinna & Marius fe trouvant un affez grand nombre de troupes pour pouvoir affieger Rome, en approcherent fans trouver aucun obftacle. Cinna & Carbon un de fes Lieutenans, fe camperent fur les bords du Tibre, Sertorius audeffus, & Marius du côté de la mer: leur deffein étoit d'empêcher qu'on ne fit entrer des vivres dans la place. Cn. Pompeius avoit à la verité un corps confiderable de troupes qui pouvoit en faciliter l'entrée; mais la conduite de ce

General étoit fi équivoque, fes dé marches fi concertées, & fes deffeins fi cachez, qu'on ne pouvoit pas compter fur fon fecours. Il fut tué quelque temps après dans un orage, par un coup de tonnerre; & on remarqua que la joye de fa mort avoit été égale dans la ville & dans le camp ennemi. Le Conful Octavius fut obligé de prendre fa place. Perfonne ne doutoit de fa probité & de la droiture de fes intentions; mais c'étoit un mauvais foldat qui fuccedoit à un grand Capitaine. C'étoit même plutôt un bon citoyen, qu'un homme capable du gouvernement, attaché jufqu'au fcrupule à une timide obfer vation des Loix, & ignorant cette grande maxime: Qu'il faut fe mettre au-deffus des Loix même,quand il s'agit du falut de la Patrie. On le vit refufer le fecours des efclaves qui étoient en grand nombre dans Rome; & il répondit fechement à fes Officiers qui le preffoient de les armer pour la défense de la ville, qu'il n'accorderoit jamais à des ef- Plut in claves le droit de Bourgeoisie, Mario. dont il avoit été d'avis qu'on pri

vât Caïus Marius, & que ce feroit violer les Loix pour la défense defquelles il avoit pris les armes. Cependant Cinna & Marius ferroient de près la ville de Rome, & l'armée même d'Octavius fe trouvoit comme affiegée. On ne pouvoit point rappeller Sylla trop éloi-. gné, & occupé dans le fond de PAfie contre Mithridate. Ainfi il ne reftoit de reffource au Senat que dans un corps de troupes commandé par Cecilius Metellus fils du Numidique, qui faifoit actuellement la guerre aux Samnites, peu ples courageux, ennemis de tout temps du nom Romain, & qui fou tenoient opiniâtrement les reftes de la ligue fociale dont nous venons de parler.

Le Senat qui connoiffoit la valeur & la capacité de ce General, lui envoya ordre de terminer cette guerre aux conditions les plus honorables qu'il pourroit, de ramener inceffamment fon armée au fecours de fa Patrie, & même en cas qu'il ne pût faire la paix, de laiffer fes troupes fous les ordres de fes Lieutenans, & de venir fervir

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