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parcequ'on ne s'applique guéres d'ordinaire mettre en ufage des préceptes par des réflexions expreffes; mais on efpere néanmoins que ceux qui l'auront lûe avec quelque foin, en pourront prendre une teinture qui les rendra plus exacts & plus folides dans leurs jugemens, fans même qu'ils y penfent, comme il y a de certains remedes qui guériffent des maux, en augmentant la vigueur & en fortifiant les parties. Quoi qu'il en foit, au-moins n'incommodera-t-elle pas longtems perfonne, ceux qui font un peu avancés la pouvant lire & apprendre en fept ou huit jours; & il eft difficile que contenant une fi grande diverfité de chofes, chacun n'y trouve dequoi fe payer de la peine de fa lecture.

SECOND DISCOURS,

Contenant la Réponse aux principales objections qu'on a faites contre cette Logique.

Ous ceux qui fe portent à faire part au public de quelques ouvrages, doivent en même tems fe réfoudre à avoir autant de Juges que de Le

cteurs, & cette condition ne leur doit paroître ni injufte ni onereufe; car s'ils font vraiment defintereffés, ils doivent en avoir abandonné la propriété en les rendant publics, & les regarder enfuite avec la même indifference qu'ils feroient des ouvrages étrangers.

Le feul droit qu'ils peuvent s'y referver legitimement, eft celui de corriger ce qu'il y au roit de défectueux, à quoi ces divers jugemens qu'on fait des livres font extrémement avantageux; car ils font toujours utiles lorfqu'ils font juftes, & ils ne nuifent de rien lorfqu'ils font injuftes, parcequ'il eft permis de ne les pas fui

vre.

La prudence veut néanmoins qu'en plufieurs rencontres on s'accommode à ces jugemens qui me nous femblent pas juftes; parceque s'ils ne nous

font pas voir que ce qu'on reprend foit mau vais, ils nous font voir au-moins qu'il n'eft pas proportionné à l'efprit de ceux qui le reprennent. Or il eft fans doute meilleur, lorfqu'on le peutfaire fans tomber en quelque plus grand inconvenient de choisir un temperament fi jufte, qu'en contentant les perfonnes judicieuses on ne mécontente pas ceux qui ont le jugement moins exact; puifque l'on ne doit pas fuppofer qu'on n'aura que des lecteurs habiles & intelli gens.

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Ainfi il feroit à defirer qu'on ne confiderat les premieres éditions des livres que comme des effais informes que ceux qui en font auteurs propofent aux perfonnes de lettres pour en apprendre leurs fentimens, & qu'enfuite fur les differentes vûes que leur donneroient ces differentos penfées, ils y travaillafsent tout de nouveau pour mettre leurs ouvrages dans la perfection où ils font capables de les porter.

C'eft la conduite qu'on auroit bien defiré de suivre dans la feconde édition de cette Logique, fi Fon avoit appris plus de chofes de ce qu'on a dit dans le monde de la premiere. On a fait néanmoins ce qu'on a pu : & l'on a ajoûté, retranché & corrigé plufieurs chofes fuivant les penfées de ceux qui ont eu la bonté de faire favoir ce qu'ils y trouvoient à redire.

Et premierement pour le langage on a suivi prefque en tout les avis de deux perfonnes, qui fe font donné la peine de remarquer quelques fautes qui s'y étoient gliffées par mégarde, & cer taines expreffions qu'ils ne croioient pas être dur bon ufage. Et l'on ne s'eft difpenfé de s'attacher à leurs fentimens que lorfqu'en ayant confulté d'au

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tres, on a trouvé les opinions partagées : auqueli cas on a cru qu'il étoit permis de prendre le parti de la liberté.

On trouvera plus d'additions que de changemens ou de retranchemens pour les choses; ; parcequ'on a été moins averti de ce qu'on y reprenoit. Il eft vrai néanmoins que l'on a fu quelques ob-jections generales qu'on faifoit contre ce livre, aufquelles on n'a pas cru devoir s'arrêter; parcequ'on s'eft perfuadé que ceux-mêmes qui les faifoient, feroient aifément fatisfaits lorfqu'on leur auroit représenté les raifons qu'on a eues en vûe dans les chofes qu'ils blâmoient. &c'eftpourquoiil eft inutile de répondre ici aux principales de ces bjections.

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Il s'eft trouvé des perfonnes qui ont été choquées du titre d'art de penfer, au-lieu duquel ils vouloient qu'on mît l'art de bien raisonner. Mais on les prie de confiderer que la Logique. ayant pour but de donner des regles pour toutes les actions de l'efprit, & auffi-bien pour les idées fmples, que pour les jugemens & pour les raifonnemens, il n'y avoit guéres d'autre mot qui enfermât toutes ces differentes actions, & certainement celui de penfée les comprend toutes; car les fimples idées font des penfées, les jugemens font des pensées, & les raisonnemens font des pensées. Il eft vrai que l'on eût pu dire l'art de bien penfer; mais cette addition n'étoit pas néceffaire, étant affez marquée par le mot d'art, qui fignifie de foi-même une méthode de bien faire quelque chofe, comme Ariftote même le remarque. Et c'eft pourquoi on fe contente de dire, l'art de peindre, l'art de compter, parcequ'on fuppofe qu'il ne faut point d'art pour

mal peindre, ni pour mal compter. On a fait une objection beaucoup plus confiderable contre cette multitude de chofes tirées de differentes fciences que l'on trouve dans cette Logique, & parcequ'elle en attaque tout le deffein, & nous donne ainfi lieu de l'expliquer, il eft neceffaire de l'examiner avec plus de foin. A quoi bon, difent-ils, toute cette bigarure de Rhetorique, de Morale, de Phyfique, de Metaphyfique, de Geometrie ? Lorfque nous penfons trouver des préceptes de Logique, on nous tranfporte tout-d'un-coup dans les plus hautes fciencesfans s'être informé fi nous les avions apprises. Ne devoit-on pas fuppofer au-contraire, que fi nous avions déja toutes ces connoiffances, nous n'aurions pas befoin de cette Logique ? Et n'eûtil pas mieux valu nous en donner une toute fim-` ple & toute nue, où les regles fuffent expliquées par des exemples tirés des chofes communes, que de les embarraffer de tant de matieres qui les étouffent ?

Mais ceux qui raisonnent de cette forte n'ont pas affez confideré qu'un livre ne fauroit guéres avoir de plus grand défaut que de n'être pas lû; puisqu'il ne fert qu'à ceux qui le lifent. Et qu'ainfi, tout ce qui contribue à faire lire un livre, contribue auffi à le rendre utile. Or il eft certain que si on avoit suivi leur penfée, & que l'on eût fait une Logique toute féche, avec les exemples ordinaires d'animal & de cheval quelque exacte & quelque méthodique qu'ellet eût pu être, elle n'eût fait qu'augmenter le nombre de tant d'autres dont le monde eft plein, & qui ne fe lifent point. Au-lieu que c'eft jufte-" ment cet amas de differentes chofes qui a don

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