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Souffrez, MONSEIGNEUR, que je vous retrace ici le fouvenir de ces tendres larmes que vous lui fites répandre lorfque n'étant encore que Diacre vous annonçâtes devant lui la Parole de Dieu, avec une éloquence qui le surprit & le charma. Cet équitable Eftimateur du mérite, fut touché du vôtre. Ses lumieres qui perçoient aisément les plus fombres voiles de l'avenir, découvrirent tout d'un coup ce que vous pouviez faire

ce que vous deviez être. Ces idées le toucherent tendrement, firent couler fes larmes, qui furent fuivies de celles de tout l'Auditoire. Ce Grand Homme qui n'en versa pas une seule dans une Opération cruelle, en répandit abondamment en voyant renaître une partie de fes talens dans les vôtres. La tendresse fit fur lui ce que ne put jamais faire la douleur : l'amour de Pere qu'il fit paroître dans cette occasion, par sa sensibilité, lui fit autant d'honneur que la fermeté de Héros qu'il fit éclater lorfqu'il foutint les plus vives fouffrances avec conftance.

Voilà, MONSEIGNEUR, les raisons qui m'engagent de dédier à Votre Grandeur l'Hiftoire de Rochefort. Votre Illuftre Pere m'en a fourni la principale matiere, elle n'a dû paroître au jour que fous les aufpices de fon Illuftre Fils, qui fait revivre toutes fes vertus, & qui eft la gloire de l'Epifcopat, comme fon Pere l'étoit de la Magiftrature.

J'ai encore une raison particuliere, MONSEIGNEUR,

de mettre mon Ouvrage à l'abri de votre protection, c'est l'empressement que j'ai de vous marquer par là le profond respect avec lequel j'ay l'honneur d'être,

MONSEIGNEUR,

DE VOTRE GRANDEUR,

Le très-humble

très- obéiffant Serviteur,

L

?

PREFACE.

Nota leges quædam, fed lima rasa recenti

Pars nova major erit, Lector utrique fave. Mart. L. 10. Epig. 2.

Anéceffité de Leo Marver, tévéne A néceffité de l'Histoire, pour conferver les événemens & les faits, est évidente. Le Marbre, l'Airain, la Peinture, refpectables Monumens de l'Antiquité, font trop exposés aux ravages du tems pour être durables. Les Médailles, ou font équivoques, ou font fruftes, ou ne défignent que très-peu de chofes, & ne dépofent fouvent qu'en faveur d'une feule action. Mais l'Hiftoire perce les Siécles les plus reculés; elle recueille les faits, elle expose les événemens, elle en dévelope toutes les circonstances, elle pénétre les vuës & les motifs qui ont fait agir, & met dans un grand jour ce qui fans elle refteroit dans une nuit obfcure, comme dit Horace. En effet, avant Agamemnon, ajoûte le même Auteur, il avoit paru de Grands Hommes ; mais leurs belles actions fe font évanouies, parce qu'il ne s'eft point trouvé d'Ecrivain qui les ait faifies pour les faire passer à la postérité.*

• Od ad Lel.

Les principales circonftances de l'établissement de Rochefort étoient fur le point de courir les mêmes rifques.Ne fubfiftant que dans la mémoire de quelquesAnciens qui en ont vû la fondation, elles auroient été bientôt ensevelies dans l'oubli, fi on n'avoit eu foin de les ramaffer, & de les affembler dans une Hiftoire : c'eft ce que je vais faire par celle-ci, dans laquelle j'ai deffein de donner un détail circonftancié de tout ce qui regarde cette Ville fi brillante aujourd'hui par l'utilité de fon Port, par la beauté de fon Arsenal, par la magnificence de fes Edifices publics & par la régularité de fes Ruës.

J'avoue ingénuement que le Public doit au pur hazard l'Ouvrage que je lui préfente. Voici ce qui m'a donné occafion de le compofer. M. Bufquet, étant Maire de Rochefort, avoit mis par ordre tous les Papiers de la Maison de Ville, en avoit tiré des extraits, & les avoit fait écrire par une bonne main dans un gros In-Folio. Il avoit été guidé dans ce deffein par Meffieurs de l'Hôtel de Ville de la Rochelle, qui ont réduit tous leurs Papiers dans un Inventaire qu'ils ont fait imprimer. Mais ayant remarqué que cet Ouvrage n'étoit annoncé par aucune Préface, il crut que le fien auroit plus de perfection s'il en avoit une : il fe perfuada en même tems que je pouvois la faire: il m'en parla & me détermina à ce travail. M'y étant engagé j'en fentis d'abord toutes les difficultez. Je ne voyois pas fur quoi pouvoit porter

une Préface destinée à être mife devant un affemblage de Papiers, qui n'avoient aucun raport les uns aux autres, & que je ne pouvois réunir dans une idée commune. Preffé par cet embarras, je formai le deffein de faire une Préface Hiftorique, dans laquelle décrivant la fondation de Rochefort, j'en ferois comme le centre auquel tous ces Papiers, comme autant de lignes, aboutiroient. Je m'arrêtai à ce projet : je crus l'executer en cinq ou fix pages, mais l'abondance de la matiere m'a mené plus loin que je ne penfois : & au lieu de la Préface d'un Livre que je croyois faire, je me suis vû engagé à faire un Livre qui a befoin de Préface.

Voilà quelle a été l'occasion de cette Hiftoire. Voici les moyens dont je me fuis fervi pour la compofer. Convaincu qu'un Historien doit être vrai, j'ai tout mis en œuvre pour découvrir la vérité & pour la fuivre. Je me fùis transporté dans tous les endroits où j'ai crû rencontrer quelques Monumens, ou quelques témoignages : quand j'en ai trouvé je les ay examiné avec la plussévére critique. J'ai feuilleté toutes les Archives qui ont été à ma difpofition: j'ai confulté les Anciens les plus vénérables par les emplois & la probité, & quand ils m'ont paru chancelans dans leurs fentimens, ou qu'ils ont été contredits par d'autres, je les ai abandonnés : j'ai mieux aimé perdre quelque chofe d'agréable, que de me mettre en danger de dire quelque chofe de faux. C'est le

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