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LES VICTOIRES

DU ROI,

EN LAN NE E 1667..

MANES des grands Bourbons, brillans fou

dres de guerre,

Qui fûtes & l'exemple & l'effroi de la Terre;
Et qu'un climat fécond en glorieux exploits
Pour le foutien des Lys vit fortir de fes Rois;
Ne foyez point jaloux qu'un Roi de votre race
Egale tout d'un coup votre plus noble audace.
Vos grands noms dans le fien revivent aujourdhui,
Toutes les fois qu'il vainc, vous triomphez en lui.
Et ces hautes vertus que de vous il hérite

Vous donnent votre part aux encens qu'il mérite.
C'eft par cette valeur qu'il tient de votre fang
Que le Lion Belgique a vù percer fon flanc:
Il en frémit de rage, & devenu timide
Il met bas cet orgueil contre vous intrépide ; -
Comme fi fa fierté qui vous fçut réfifter,
Attendoit ce Héros pour fe laiffer dompter.
Auffi cette fierté par le nombre allarmée
Voit en un Chef figrand encor plus d'une Armée,
Dont par le feuk afpect ce vieil orgueil brifé
Court au-devant du joug fi long-temps refufé.

De là ces feux de joie & ces chants de victoire:
Qui font briller par-tout & rétentir fa gloire,"
Et bien que la Déeffe aux cent voix & cent yeux
L'ait publiée en Terre & fait redire aux Cieux,
Qu'il ne foit pas besoin d'aucune autre trompette,
Le cœur paroît ingrat quand la bouche est muette,
Et d'un nom que par-tout la vertu fait voler

C'eft crime de fe taire où tout femble parler.
Mais n'attends pas, grand Roi, que mes ardeurs

fincéres

'Appellent au fecours l'Apollon de nos pérés ::
A mes foibles efforts daigne fervir d'appui,
Et tu me tiendras lieu des Mufes & de lui.
Toi feul y peux fuffire, & dans toutes les ames
Allumer de toi feul les plus céleftes flames,
Tel qu'épand le Soleil fa lumiére fur nous,
UNIQUE DANS LE MONDE, ET QUISU

FIT A TOUS.

PAR l'ordre de fon Roi les armes de la France -
De la trifte Hongrie avoient pris la défense;
Sauvé du Turc vainqueur un peuple gémissant,
Fait trembler son Afie & rougir fon Croiffant : -
Par fon ordre on voyoit d'invincibles courages:
D'Alger & de Tunis arrêter les pillages;

Affranchir nos vaiffeaux de ces tyrans des mers
Et leur faire à leur tour appréhender nos fers ::
L'Anglois même avoit vû jusques dans l'Amérique
Ce que c'eft qu'avec nous rompre la foi publique;
Et fur Terre & fur Mer reçû le digne prix
De l'infidélité qui nous avoit furpris..

Enfin du grand Louis aux trois parts de la Terre
Le nom fe faifoit craindre à l'égal du tonnerre..
L'Espagnol s'en émeut, & gêné de remords
Après de tels fuccès il craint pour tous fes bords:
L'injure d'une paix à la fraude enchaînée,
Les dures pactions d'un Royal Hyménée, ·
Tremblent fous les raifons & la facilité
Qu'aura de s'en venger un Roi fi redouté..
Louis s'en apperçoit, & tandis qu'il s'apprête
A joindre à tant de droits celui de la conquête,
Pour éblouir l'Espagne & fon raisonnement
Il tourne fes aprêts en divertiffement:
Il s'en fait un plaifir, où par un long prélude
L'image de la guerre en affermit l'étude,
Et fes paffe-temps même inftruifant fes foldats
Préparent un triomphe où l'on ne penfe pas.
Ilfe met à leur tête aux plus ardentes plaines,
Fait en fe promenant leçon aux Capitaines,
Se délaffe à courir de quartier en quartier,
Endurcit & foi-même & les fiens au métier,
Les forme à ce qu'il faut que chacun cherche, ou
craigne,

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Et par de feints combats apprend l'Art qu'il enseigne...

Il leur montre à doubler leurs files & leurs rangs, A changer tôt de face aux ordres différens, Tourner à droite, à gauche, attaquer & défendre, Enfoncer, foutenir, caracoller, furprendre ; Tantôt marcher en corps, & tantôt défiler, Pouffer à toute bride, attendre, reculer,

Tirer à coups perdus, & par toute l'Armée

Faire l'oreille au bruit & l'œil à la fumée.'

Ce Héros va plus outre, il leur montre à camper', A la Tente, à la hutte on les voit s'occuper;

Sa préfence aux travaux mêle de fi doux charmes Qu'ils apprennent fans peine à dormir fous les ar

mes,"

Et comme s'ils étoient en païs dangereux,

L'ombre de Saint-Germain est un Bivouac pour eux. Acheve, grand Monarque, acheve, & pars fans

crainte,

Si tu t'es fait un jeu de cette guerre feinte, ·
Accoutumé par elle à la pouffiére, au feu,
La veritable ailleurs, ne te fera qu'un jeu.
Tes guerriers t'y fuivront fans y voir rien de rude,
Combattront par plaifir, vaineront par habitude;
Et la victoire inftruite à prendre ici ta loi
Dans les champs ennemis n'obéira qu'à toi,
L'Efpagne cependant qui voit des Pirénées
Donner ce grand fpectacle aux Dames étonnées
Loin de craindre pour foi, regarde avec mépris
Dans un camp fi pompeux des guerriers fi bien miss
Tant d'habits comme au Bal chargés de broderie,
Et parmi des Canons tant de galanterie.
Quoi! l'on fe joue en France, & ce Roi fi puissant
Croit m'effrayer, dit-elle, en fe divertiffant?
Il est vrai qu'il fe joue, Efpagne, & tu devines,
Mais tu mettras au jeu plus que tu n'imagines,
Et de ton dernier vol fi tu ne te repens
Tu ne verras finir ce jeu qu'à tes dépens.

Son pére & fon ayeul t'ont fait voir que fa France Sçait trop quand il lui plaît dompter ton arrogance: Tant d'efcadrons rompus, tant de murs emportés', T'ont réduite fouvent au fecours des Traités : Ces difgraces alors te donnoient peu d'allarmes, Tes confeils réparoient la honte de tes armes ; : Mais le Ciel réservoit à notre augufte Roi D'avoir plus de conduite & plus de cœur que toi.. Rien plus ne le retarde, & déja fes trompettes Aux confins de l'Artois lui fervent d'interprétes ; C'eft de-là, c'eft par-là qu'il s'explique assez haut. Ilentre dans la Flandre & rafe le Hainaut. Le François court & vole, une mâle affurance Le fait à chaque pas triompher par avance ;Le défordre eft par-tout, & l'approche du Roi Remplit l'air de clameurs & la terre d'effroi. Jufqu'au fond du climat fes Lions en rugiffent, Leur vûë en étincelle, & leurs crins s'en hériffent; Les antres & les bois par de longs hurlemens Servent d'affreux échos à leurs rugiffemens: Et les Fleuves-mal fürs dans leurs grottes profondes Hâtent vers l'Océan la fuite de leurs ondes; Incertains de la marche ils tremblent tous pour eux.” Songe encor, fonge, Espagne, à mépriser nos jeux. Ainfi quand le courroux du Maître de la Terre, Pour en punir l'orgueil prépare fon tonnerre, Qu'un orage imprévû qui roule dans les airs Se fait connoître au bruit & voir par les éclairs; Ces foudres dont la route eft pour nous inconnue, Paroiffent quelque temps fe jouer dans la nuë;

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