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Et bien que maintenant cette belle inhumaine
Traite mon fouvenir avec un peu de haine,
Je me trouve toujours en état de l'aimer;
Je me fens tout émû quand je l'entens nommer
Et par le doux effet d'une prompte tendreffe
Mon cœur fans mon aveu reconnoît la maîtreffe.
Après beaucoup de vœux & de foumiffions
Un malheur rompt le cours de nos affections;
Mais toute mon amour en elle confommée,
Je ne vois rien d'aimable après l'avoir aimée:
Auffi n'aimai-je plus, & nul objet vainqueur
N'a poffédé depuis ma veine ni mon cœur.
Vous le dirai-je, ami? tant qu'ont duré nos flam-

mes

Ma Muse également chatoüilloit nos deux ames;
Elle avoit fur la mienne un abfolu pouvoir,
J'aimois à le décrire, elle à le recevoir.
Une voix raviffante, ainfi que fon visage,
La faifoit appeller le Phoenix de notre âge;
Et fouvent de fa part je me fuis vû preffer
Pour avoir de ma main dequoi mieux l'exercer.
Jugez vous-même, Arifte, à cette douce amor-

ce,

Și mon génie étoit pour épargner fa force:
Cependant mon amour, le pere de mes Vers,
Le fils du plus bel œil qui fût en l'Univers;
A qui defobéir c'étoit pour moi des crimes,
Jamais en fa faveur n'en put tirer deux rimes;
Tant mon efprit alors contre moi révolté
En haine des chansons sembloit m'avoir quitté;

G

Tant ma veine fe trouve aux airs mal affortie,
Tant avec la Mufique elle a d'antipathie ;
Tant alors de bon cœur elle renonce au jour.
Et l'amitié youdroit ce que n'a pû l'amour!
N'y penfez plus, Arifte, une telle injustice
Expoferoit ma Mufe à fon plus grand supplice;
Laiffez-la toujours libre agir fuivant fon choix,
Céder à fon caprice, & s'en faire des loix.

Q

RONDE A U. (a)

U'il faffe mieux, ce jeune jouvencel, (6) A qui le Cid donne tant de martel, Que d'entaffer injure fur injure, Rimer de rage une lourde impofture, Et fe cacher ainfi qu'un criminel. (c) Chacun connoît fon jaloux naturel, Le montre au doigt comme un fou folemnel; Et ne croit pas, en sa bonne écriture Qu'il faffe mieux.

(a) Cette Piéce fut faite par Corneille peu de temps après la précédente environ 1637. dans le temps du differend qu'il eut contre Scudery, au fujet des Obfervations fur le Cid.

(b) M. Scudery.

(c) M. Scudery n'avoit pas d'abord mis fon nom à fes Obfervations fur le Cid; & cela parce qu'il étoit ami de M. Corneille; il en fut fait deux éditions fans qu'on fçût de quelle part elles venoient, Cela fe découvrit néanmoins & les brouilla enfemble.

Paris entier ayant vû son cartel,

L'envoye au Diable & fa Muse au B***.
Moi, j'ai pitié des peines qu'il endure,
Et comme ami je le prie & conjure,
S'il veut ternir un ouvrage immortel, (a)
Qu'il faffe mieux.

Omnibus invideas, livide, nemo tibi,

(a) La Tragédie du Cid.

A MON SEIGNEUR

DE GUISE

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SONNE T. (6)

Roiffez, jeune Héros, notre douleur profonde N'a que ce doux efpoir qui la puiffe affoiblirį -Croiffez & hâtez-vous de faire voir au Monde Que le plus noble fang peut encor s'ennoblir.

Croiffez pour voir fous vous trembler la Terre & l'Onde ;

Un grand Prince vous laiffe un grand nom à rem plir:

Et ce que fe promit fa valeur fans seconde,

C'eft

par vous que le Ciel réserve à l'accomplir. (b) Ce Sonnet eft adreffé à Henri de Lorraine II. du nom, Duc de Guife, fils de Charles de Lorraine Duc de Guife, mort en 1640. Il fut compofé la mème année par

Corneille.

Vos Ayeux vous diront par d'illuftres exem ples

Comme il faut mériter des Sceptres & des Tem

ples;

Vous ne verrez que gloire, & que vertus en tous.

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Sur des pas fi fameux fuivez l'ordre célefte, Et de tant de Héros qui revivent en vous, Egalez le dernier, vous pafferez le refte.

VERS

SUR LE CARDINAL DE RICHELIEU.

U'on parle mal ou bien du fameux Cardinal, Ma Profe ni mes Vers n'en diront jamais rien; Il m'a fait trop de bien pour en dire du mal, Il m'a fait trop de mal pour en dire du bien.

A LA REINE

Q

SONNE T.*

Ue vos foins, grande Reine, enfantent de miracles!

Bruxelles & Madrid en-font tous interdits

Et fi notre Apollon me les avoit prédits, J'aurois moi-même ofé douter de fes miracles.

Sous vos commandemens on force tous obftacles, On porte l'épouvante aux cœurs les plus hardis ; Et par de coups d'éffai vos Etats aggrandis

Des Drapeaux ennemis font d'illuftres fpectacles.

La Victoire elle-même accourant à mon Roi, Et mettant à fes pieds Thionville & Rocroi, Fait retentir ces Vers fur le bord de la Seine.

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France, attends tout d'un Regne ouvert en triom phant,.

Puifque tu vois déja les ordres de ta Reine

Faire un foudre en tes mains, des armes d'un Enfant.

**Dans l'Epître Dedicatoire de Polyeucte, à la Reine Ré` gente, Paris 1643, in-12,

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