Dites-moi de quels yeux vous vîtes ce grand Roi,
Après avoir rangé tant de murs fous fa loi,
Defcendre parmi vous de fon char de Victoire,
Pour vous donner à tous votre part à fa gloire.
De quels yeux vites-vous fon augufte fierté
Unir tant de tendreffe à tant de Majesté,
Honorer la valeur, eftimer le fervice,
Aux belles actions rendre prompte juftice,
Secourir les bleffés, confoler les mourans,
Et pour vous applaudir paffer dans tous vos rangs
Parlez, nouveaux François, qui venez decon-
noître

Quel eft votre bonheur d'avoir changé de maître Vous, qui ne voyiez plus vos Princes qu'en portrait,

Sujets en apparence, efclaves en effet,

Pouvez-yous regretter ces démarches pompeufes; Ces faftueux dehors, ces grandeurs fourcilleufes, Ces Gouverneurs enfin envoyés de fi loin,

Tous-puiffants en parade, impuiffants au befoin;

Qui ne montrant jamais qu'un œil farouche & fombre

A peine vous jugeoient dignes de voir leur ombre?

Nos Rois n'exigent point cet odieux refpect, Chacun peut chaque jour jouir de leur afpe&t, On leur parle, on reçoit d'eux-mêmes le falaire Des fervices rendus, ou du zéle à leur plaire, Et l'amoureux attrait qui régne en leurs bontés gagne d'un d'œil toutes les volontés.

Leur

coup

Pourriez-vous en avoir une plus fûre marque Belges? vous le voyez cet illustre Monarque A vos temples ouverts conduire ses vainqueurs, Pour y bénir le Ciel de vos propres bonheurs. Eft-il environné de ces pompes cruelles

Dont à Rome éclatoient les gloires nouvelles Quand tout autour d'un char elle voyoit traînés, Des peuples foupirants & des Rois enchaînês? Qu'elle admiroit l'amas des affreux brigandages D'où tiroient leurs grands noms fes plus grands perfonnages,

Et des fleuves domptés les fimulacres vains

Qui fous des flots de bronze adoroient fes Ro

mains?

Il n'y fait point porter les dépouilles des villes.,
Comme fes Marius, fes Métels, fes Emiles,
Et ce refte infolent d'avides conquerants,
Grands Héros dans fes murs, par tout ailleurs ty-

rans.

Il entre avec éclat, mais votre populace

Ne voit point fur fon front de faft, ni de menace,
Il entre, mais d'un air qui ravit tous les cœurs,
En pere des vaincus, en maître des vainqueurs.
Peuples, repentez-vous de votre résistance,
Il ramene en vos murs la joye & l'abondance,
Votre défaite en chaffe un fort plus rigoureux
Si vous aviez vaincu, vous feriez moins heureux.
On m'en croit, on l'aborde, on lui porte des
plaintes,

Il écoute, il prononce, il fait des loix plus faintes,
Chacun

Chacun refte charmé d'un fi facile accès,
Chacun des maux paffés goûte le doux fuccès,
Jure avec l'Espagnol un éternel divorce,
Et porte avec amour un joug reçu par force.
C'est ainsi que la terre au retour du Prin-
temps

Des graces du Soleil fe défend quelque temps,
De fes premiers rayons refuit les avantages,
Et pour les repouffer éleve cent nuages:
Le Soleil plus puiffant diffipe ces vapeurs,
S'empare de fon fein, y fait naître des fleurs,
Y fait germer des fruits; & la terre à leur vuë
Se trouvant enrichie auffi-tôt que vaincuë,
Ouvre à ce Conquérant jufques au fond du cœur,
Et pleine de fes dons adore fon vainqueur.
Pourfuis, grand Roi, poursuis, c'est par-là qu'on

s'affûre

Un respect immortel chez la race future:
C'est par-là que le Ciel prépare ton DAUPHIN
A remplir hautement fon illuftre deftin:
Il y répond fans peine, & fon jeune courage
Accufe inceffamment la pareffe de l'âge:
Toute fon ame vole après tes étendards,
Brûle de partager ta gloire & tes hazards,
D'aller ainfi que toi de conquête en conquête.
Confervez, juftes Cieux, & l'une & l'autre tê-

te,

Modérez mieux l'ardeur d'un Roi fi généreux,
Faites-le fouvenir qu'il fait feul tous nos vœux,

B

Que tout notre deftin s'attache à fa perfonne,
Qu'il feroit d'un faux pas chanceler fa couronne;
Et puifque fes périls nous forcent de trembler,
Du moins n'en fouffrez point qui nous puiffe acca-
bler.

REGI

EPINICIO N

ILLUSTRES anima, Divum genus, inclyta bella
Nomina, Borbonida, grandi quos. Gallia partu
Victores populorum, & Regum exempla creavit:
Si nunc magnanimi decus immortale nepotis
Surgit in immenfum, & veftris fe laudibus aquat;
Non tamen invidiæ vobis locus: ille parentum
Quando refert faltis, animifque, & robore dotes:
Veftraque, dum vincit, pars eft quoque magna trium-
phi.

Belgicus hos animos, & inexfuperabile robur
Nequicquam infrendens fenfit Leo: quique priores
Luferat ante minas, veftrifque interritus armis
Obluctari ultro gaudebat, & obvius ire;
Ille ducum feriem egregiam, collectaque cernens
Agmina, & immenfam Lodoici in pectore gentem:
Horret ad afpectum, nec jam aufus fiftere contra;
Indociles iras & colla ferocia fubdit.

Latior hinc regni facies, hinc fefta per urbes Pompa, triumphales hinc templa per omnia cantus. Et quanquam cùm fama volat, cùm maximus orbis Solvitur in plaufus, & plaufibus accinit æther, Nil præcone opus eft: fcelus eft tamen alta filere Victoris decora, indi&tamque relinquere laudem.