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différens fiécles; on voit qu'il eft des plaisirs qui fuivent le torrent & le caprice de la mode, que la nouveauté en fait le prix & le charme, & qu'on fait confifter enfuite la délicateffe, à regarder comme infipide, ce qu'on ne penfe pas pouvoir être une fource de volupté. En un mot, nos propres fenfations décident prefque toûjours en cette matiére. Mais ce juge eft-il infaillible?

J'ai crû devoir inférer dans ce Recueil, les vers que fit M. Corneille par ordre de la Cour, pour être mis au bas de quelques figures de Valdor, qui repréfentent les plus célébres exploits de Louis XIII. Ils furent compofés dans une circonftance trop glorieufe à laPoëfie en général, & à M. Corneille en particulier, pour ne pas la rappeller ici. LOUIS XIV. encore mineur, lui fit l'honneur de lui écrire la Lettre fuivante, qui fe trouve dans la Préface du Livre dont j'ai tiré ces vers.

*

* Les Triomphes de Louis le Jufte, XIII. du nom, Roi de France & de Navarre, Paris 1649. in-fol

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Monfieur de Corneille, comme ,, je n'ai point de vie plus illuftre à imi,, ter que celle du feu Roi, mon trèshonoré Seigneur & Pere, je n'ai point auffi un plus grand défir que de voir ,, en un abrégé, fes glorieufes actions ,, dignement représentées, ni un plus grand foin que d'y faire travailler » promptement. Et comme j'ai cru que » pour rendre cet ouvrage parfait, je ,, devois vous en laiffer l'expreffion, & à Valdor les deffeins, & que j'ai vû » par ce qu'il a fait, que fon invention ,, avoit répondu à mon attente, je juge, » par ce que vous avez accoûtumé de faire, que vous réuffirez en cette entreprise, & que pour éternifer la mémoire de votre Roi, vous prendrez ,, plaifir d'éternifer le zéle que vous avez » pour fa gloire. C'est ce qui m'a obli,, gé de vous faire cette Lettre par l'a"" vis de la Reine Régente, Madame ,, ma Mere, & de vous affûrer que , vous ne sçauriez me donner des preu"ves de votre affection plus agréables

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,, que

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celles que j'en attens fur ce fujet. Cependant je prie Dieu qu'il vous ait, Monfieur de Corneille, en fa ,, fainte garde. Ecrit à Fontainebleau ce ,, 14. Octobre 1645. Signé, LOUIS: Et plus bas, DE GUENEGAUD“. Il faut avouer que, malgré une invitation fi flatteuse, le génie de M.Corneille ne s'exerça point heureusement fur ce fujet. J'attribue ce mauvais fuccès à la gêne où le mit le Graveur, de renfermer en fix vers, l'explication de chaque figure.

Mais je me fuis abftenu de groffir ce Recueil, des vers que M. Corneille fuivant l'ufage de ces temps-là, a adreffés à divers Poëtes Dramatiques, & d'autres Auteurs depuis 1630. jufqu'en 1666. & qui ont été imprimés au commencement de leurs ouvrages, dont ils contiennent l'éloge. Ces vers faits ordinairement avec précipitation, m'ont pa ru froids & peu intéreffans. Je n'ai imprimé que deux ou trois piéces de ce genre pour en faire connoître le carac

tére. Du refte, cet ufage fait voir qu'il y avoit alors plus d'union entre les enfans d'Apollon, qu'il n'y en a de nos jours. On trouve dans une des premiéres Comédies de M. Corneille, des vers faits à fa louange par divers Poëtes; mais foit jaloufie de leur part, foit indifférence de la part de ce grand homme, fes autres piéces ont paru fans ces éloges, qui dans le fonds étoient fort inutiles.

Toutes les piéces dont j'ai parlé jufqu'à préfent, fervent principalement à développer les replis du cœur de ce grand Poëte, il fe peint d'une maniére naïve; on voit fon zéle pour la gloire de fon Roi, la fierté de fon efprit, fa tendreffe pour fes ouvrages, fa paffion de procurer des Mécénes aux Mufes, fa réconnoiffance, fa candeur. Sans raffembler tous les traits du tableau , j'ajoûterai que l'homme, le Philosophe, le Poëte fe montrent à découvert,

Les connoiffeurs diront peut-être qu'un grand nombre de ces piéces fem

blent être jettées au même moule, & qu'il y régne cette pompe & cette facilité de s'élever qui font propres à M. Corneille. Il faut convenir de cette efpéce d'uniformité; mais elle ne dépare ni les Poëmes compofés à la louange du Roi, ni diverfes piéces du même genre. Quand l'efprit s'eft une fois habitué à prendre un certain effor, difficilement il peut le modérer. Ne diffimulons rien, l'homme de génie ne se plie pas toûjours au caractére de toute forte d'ouvrages, il ne brille d'une maniére fupérieure que dans le genre pour lequel la nature l'a formé. Mais dans cette pompe de M.Corneille, il y a une diverfité d'images & d'expreffions Poëtiques, qui font moins regréter les nuances d'élocution, & la naïveté, dont certains ouvrages d'efprit tirent une grande partie de leur beauté.

Cette pompe domine fur-tout dans des productions qui exigeoient la plus grande fimplicité. Je parle de la traduction en vers d'un ouvrage Latin à la

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