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louange de la Vierge. L'Original à force d'être fimple, dégénére en bassesse : c'eft un amas de traits de l'Ecriture Sainte, tournés en allégories, & écrits d'un ftile barbare par un Auteur pieux, mais où il y a de l'onction. Monsieur Corneille a fenti qu'il ne convenoit pas d'imiter ce ftile bas & rampant; mais comme il avoit le cœur auffi fublime que l'efprit, il n'a pas vû qu'en y fubftituant la magnificence de fon élocution, il s'éloignoit entierément du caractére fimple de l'Original. Ce que la fécondité de fon génie fait croître fur un terrain si ingrat, eft inconcevable: mais on y voit quelquefois l'empreinte du travail. On fera étonné que Monfieur Corneille, né avec tant d'élévation d'efprit & tant de goût pour la Poëfie Latine, ait entrepris la traduction d'un pareil ouvrage. Sa pieté tendre, humble, & affectueufe y a, fans doute, découvert des fentimens fupérieurs à la beauté du ftile. Il y a néanmoins dans la traduction de M. Corneille, des ftances

extrêmement belles, & d'un tour véritablement fublime : mais la verfification eft quelquefois féche, peinée & chargée d'épithetes. Au refte, je ne

crois pas que cet ouvrage, attribué à Saint Bonaventure, foit de ce faint Docteur. Il fe feroit exprimé d'une maniere plus exacte, & moins barbare. Divers traits, tirés de l'Office du SaintSacrement, donnent lieu de croire qu'il n'en eft pas l'Auteur.

Si M.Corneille a donné un libre effor à fon efprit dans l'ouvrage dont je viens de parler, il faut avouer que dans la traduction de cinquante Pfeaumes qu'on trouvera dans ce Recueil, il est tombé dans une autre extrémité, en s'affujetiffant trop fervilement à la lettre. Il eft vraisemblable que fon respect pour les Livres Saints lui a prefcrit des bornes fi étroites. Cependant, à travers la contrainte de fes vers, on fent qu'il tâche de proportionner fes expreffions aux fentimens du Prophête Roi, qu'il y a de l'onction dans fa Poëfie, & que M.

Corneille parle en homme pénétré des grandes vérités de la Religion. J'ai toûjours regardé ces deux ouvrages comme de précieux monumens d'une piété folide, qui étant rares fur le Parnasse, méritoient d'être confervés.

On fera peut-être étonné de trouver dans ce Recueil, divers morceaux que M. Corneille avoit mis à la tête des premiéres Editions de quelques-unes de fes piéces. Il faut convenir que ce n'eft point ici leur véritable place. Auffi, c'eft par des ordres fupérieurs qu'on les a imprimés. Les perfonnes qui ont le Théatre de ce grand homme, feront bien aises de trouver ces morceaux qui font ou des argumens de Comédies, ou des Préfaces. Les argumens offrent la matiére que le Poëte a employée pour conftruire fes Comédies; & dans ce qui eft purement hiftorique on retire l'avantage de démêler le vrai d'avec le faux, & de connoître le génie du Poëte. Dans les examens que M. Corneille a faits de la plûpart de fes piéces, il a

confervé quelques-unes de fes premie res idées fur la Tragédie, mais il en a abandonné d'autres. Il eft toûjours curieux de voir les différentes penfées d'un grand génie, fur un art qu'il a la gloire d'avoir créé.

pour

J'aurois fouhaité orner ce Recueil, de la traduction que M.Corneille a faite des deux premiers Livres de Stace; mais quelque foin que je me fois donné, il ne m'a pas été poffible de la découvrir.,, Il falloit, dit M. de Fontenel,, le *, qu'il n'eût point d'aversion ,, Stace,fort inférieur àLucain, puifqu'il ,, en a traduit en vers, & publié les deux „ premiers Livres de la Thébaïde. Ils „, ont échappé à toutes les recherches ,, qu'on a faites depuis un temps, pour ,, en trouver quelque exemplaire ". Je connois des gens de Lettres, qui prétendent que cette traduction n'a jamais été imprimée. Mais le témoignage fi précis de M. de F. ne laiffe aucun doute fur ce point. Voici de nouvelles preu

*Vie de Corneille, p. 134.

ves de ce fait. La permiffion d'imprimer cette traduction eft énoncée dans le Privilège accordé en 1671. pour la Comédie héroïque de Tite & Bérénice. Je n'ignore pas qu'il eft arrivé plus d'une fois que des Livres annoncés dans des Priviléges, n'ont jamais vû le jour : mais il y a une preuve inconteftable de l'impreffion des deux premiers Livres de la Thébaïde, traduits en vers par M. Corneille. Ménage, pag. 133. duT. I. de fes Obfervations fur la Langue Françoife, en cite le vers fuivant, comme étant à la page 68.

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Où qu'il jette la vûë, il voit briller des armes. M.Ménage ayant donné fa Bibliothéque aux RR. PP. Jéfuites, de la Maifon Profeffe de Paris, je crus qu'on pourroit trouver cet ouvrage parmi fes Livres. Je me fuis adreffé au R. P. Tournemine, dont la politeffe égale la délicateffe d'efprit & le profond fçavoir. Il s'eft donné la peine de faire des recherches; mais elles ont été inutiles,

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