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Je ne fçaurois croire cependant que la Thébaïde ayant été imprimée en 1671. ou peu de temps après, tous les exemplaires en foient entiérement perdus. Ainfi il faut efpérer qu'elle reparoîtra dans la fuite. Je me fuis un peu éten du fur ce point de Bibliographie, afin d'engager les poffeffeurs de cette traduction, à lui donner une nouvelle vie, en la réimprimant.

Mais il eft temps de finir une Préface déja trop longue, & de laiffer au Lecteur le plaifir de lire la Défense du grand Corneille, par le Pere Tournemine; ouvrage dicté par l'amour de la patrie & de la vérité, & où regne une éloquence, dûë à l'admiration vive & éclairée du génie & des qualités perfonnelles de cet illuftre Poëte.

DEFENSE

XXV

DEFENSE

DU GRAND

CORNEILLE.

Par le Pere ToURNEMINE, Jefuite.

Q

Uand je repouffe les traits lancés contre le grand Corneille, l'amour de la Patrie m'anime autant que la juftice & la vérité. La gloire de Corneille à qui les Nations les plus jaloufes de la nôtre ont donné le magnifique titre de Grand,après avoir traduit fes Ouvrages dans leurs Langues, eft inféparable de la gloire de la France. Le Cardinal de Richelieu & l'Académie Françoife n'en ont pû obfcurcir les premiers rayons; d'Aubignac Longepierre, Defpreaux auroient-ils pû l'obfcurcir dar.s fon Midi? D'Aubignac bon ArtiAte a donné des leçons judicieufes aux tragiques apprentifs, mais le Précepteur des Poëtes eftimé tant qu'il n'eft point forti de sa Sphere, s'eft fait fiffler dès qu'il a voulu être Poëte & mettre les leçons en ufage. Plus méprifé encore quand il ofa cenfurer Corneille : en lit avec plaifir & avec beaucoup de fruit fa Pratique du Théatre; on a oublié jusqu'aux b

titres de fes Tragédies, & fes Critiques de Sertorius, de Sophonisbe & d'Oedipe font tombées dans le même oubli. Le froid Traducteur de Bion & de Mofchus manquoit des qualités né ceffaires pour juger de Corneille; les glaces de fon efprit n'avoient jamais été frappées du beau feu qui échauffoit toujours l'Auteur d'Horace & de Cinna. Sa comparaifon de Corneille & de Racine, diffufe, languiffante, ennuye & n'inftruit pas. Defpreaux fut un adverfaire plus terrible: Poëte véritablement estimable par une verfification belle quoique peinée, par un jugement folide qui l'avoit préfervé, lorfqu'il commença d'écrire, du mauvais goût trop commun alors & qu'il corrigea. Defpreaux, le fleau des longs Romans, de la fade galanterie, des Poëtes médiocres des Ecrivains féconds de paroles & ftériles de chofes, des Chapelains, des Scuderis, des Cotins, des Pradons, foutenu d'une réputation brillante pouvoit donner le ton à ce Peuple Literaire qui ne juge que d'après les Cenfeurs à la mode. Cependant il n'impofa pas aux bons Connoiffeurs, aux Efprits juftes: ils firent le difcernement de fes lumiéres & de fes caprices,de fon habileté & de fa paffion, On lui applaudit quand il fe fignala fur la canaille du Parnaffe;mais on 1: condamna quand fier de fes fuccès il entreprit de juger les Princes mêmes du Parnaffe. Defpreaux n'avoit pas confulté fes forces. On ne trouve dans un li

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vre qu'autant d'efprit qu'on en a; la perfection fupérieure à notre caractére, nous paffe & nous échape. Defpreaux a traduit le Traité du fublime fans être fublime; fon efprit correct, fage, agréable, n'atteignoit pas la hauteur du Taffe, de Lucain, de Brebeuf. Quelle diftance de fes Poëfies fur les Conquêtes du Roi, à celles de Corneille, aux Eloges Poëtiques de Brebeuf, de l'Ode Pindarique à Pindare des endroits du Lutrin où il tâ che de s'élever, à la Jerufalem délivrée, à la Pharfale On a fans balancer appellé de ce Juge incompétant, lorfqu'il a prononcé que le Taffe n'étoit riche qu'en clinquant; qu'il falloit réleguer dans la Province Brebeuf, Lucain, la Pharfale; que Racine furpaffoit Corneille, que Quinaut étoit un mauvais Poëte, que fes Vers Lyriques laffoient, que le Vitruve François n'étoit pas Archite&te, que Caffagnes, cet excellent Traducteur de Sallufte, dont la Préface des Oeuvres de Balzac in-folio, paffe pour un chef-d'œuvre, dont le genie heureux pour la Pocfie, se montre dans fes Poëmes du genie héroïque, dans fon Henri le Grand inftruifant le Roi, & dans d'autres Poëfies delicates; Caffagne, dont le talent pour l'éloquence paroît dans un Traité fur la valeur, dans l'Oraifon funébre d'Hardoüin de Perefixe, Archevêque de Paris: que Calfagnes ne méritoit que du mépris. Corneille, let Taffe, Brebeuf, Quinaut, Caffagnes ont con

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fervé leur rang fur le Parnaffe, ils pafferont à la postérité avec toute leur rénommée. Un motif particulier pouffoit Defpreaux à dégrader Corneille, ami intime de Racine il fouffroit avec peine qu'une lumière trop brillante offufquât un peu notre fecond Poëte Tragique.

Ce que le Commentateur de Boileau nous apprend des efforts qu'a fait cet ami de Racine pour abaiffer le Prince des Poëtes Tragiques, nuira moins à Corneille qu'à fon ennemi. Monfieur Broffette nous découvre les artifices cachés fous divers ménagemens dont la timide jaloufie de Boileau n'a ofé fe difpenfer pendant la vie de Corneille (a) des louanges équivoques, (b) le nom de Corneille fupprimé dans les endroits où il eft blâmé fans menagement (c) des traits que Boileau n'avoit ofé imprimer, & qu'il confioit à fon ami pour les faire paffer à la postérité. Mais l'idée que Boileau s'étoit faite de Corneille, & que le Commentateur nous préfente, est si fausse fi differente de celle qu'en ont, & ceux qui l'ont connu, & ceux qui lifent fes Ouvrages fans prévention, qu'il n'eft pas à craindre qu'elle diminuë le nombre des admirateurs du Sophocle François. On veut le faire paffer pour Copifte; on affecte de nous indiquer

(a) Pag. 102. du I. Tome de l'in-4°.
(b) P. 123. & 124. du même Tome,
(6) P. 146. du I. Toine.

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